Lettre collective traversée aller.
Jacques, le 9
novembre, sur la vie de groupe :
La traversée de
l’océan est probablement une bonne occasion de quitter le continent de
l’enfance et de désormais assumer le statut d’être humain conscient et
responsable de ses actes. Et en quittant l’hémisphère de l’individualisme,
pourquoi ne pas rentrer ensemble dans celui de la vrai solidarité d’un équipage
où les autres sont tout aussi important que soi. En effet sur l’océan, sans
eux, strictement rien n’est possible à part disparaître comme chose
insignifiante au milieu de l’immensité, alors qu’ensemble, on peut arriver de
l’autre côté, plus fort de cette expérience commune, afin de continuer à
découvrir le monde qui nous entoure et son univers intérieur.
-Alors, il faudrait qu’on fasse une lettre collective pour
envoyer à tout le monde dès notre arrivée à Fernando da Noronha.
-Oui, bonne idée, racontons leur la traversée !
Jean-Marie, le 10
novembre, sur ses impressions dans l’océan :
Ça me fait bizarre de
traverser l’Océan atlantique, je me sens tout petit ! Le bateau bouge un
peu et certains sont malades. Célia nous fait une révision sur la sécurité. Après, Jacques nous fait
réviser les nœuds. Je suis pressé d’arriver à Fernando da Noronha mais en même
temps je pourrais pêcher pendant la nav, lire mes livres, faire mes jeux que
j’ai ramenés de chez moi et aussi me baigner dans la mer
-Pour ça, il faudra qu’on parle de la météo…
-Ca, on peut dire qu’on n’aura pas connu la monotonie à ce
niveau là ! Au début, ça filait, le vent était avec nous et on surfait sur
les vagues. Les journées étaient agréables et belles, et on a bien vite vu
disparaitre les îles du cap vert au loin. Très vite, après quelques jours, on
est arrivés dans la zone du pot au noir, et c’était tout de suite une autre
histoire… On aura tout eu : la pétole avec les voiles qui claquent dans le
vide, les grains avec vent et pluie, parfois juste le vent lui-même qui se
faisait capricieux et qui tournait plusieurs fois par jour.
Xan, le 15
novembre, sur la météo changeante et la pêche :
« La grande bleue est capricieuse et nous ne sommes pas très bien
protégés, alors le regard vers l’horizon prend sa part d’appréhension ici, une
muette interrogation des cieux et des vagues.
Dans la zone de pot au noir ou nous nous trouvons, encore plus
qu’ailleurs.
Je vous raconterai comment le temps est changeant ici, le vent tourne
plusieurs fois par jour, quand il est
là, la houle se fait tantôt berçante, tantôt mouillante, parfois chaotique et
souvent longue, ronde et belle comme on en voit seulement au cœur de
l’océan ».
« Alors oui,
petit ombre au tableau, il faut vous quand même vous dire que nous déplorons la
perte de deux de nos leurres de pêche, dont au moins un, au vu de l’état
mâchouillé du fil, à fini dans la gueule de quelque créature marine.
Consolation cependant,
alors que se tourne la page de cette journée de traversée, la visite brève de
deux dauphins venus nous offrir quelques minutes de spectacle aux étraves
pendant le quart que je partageais avec Emerson ».
-Pendant ces 2-3 jours, la moyenne en a sérieusement pris un
coup ! On a vite repris de la vitesse cependant quand le vent est revenu
sur les derniers jours, mais il a fallu en payer le prix… Le vent a tourné au
près (presque de face) et a bien forci. Les vagues nous ont mouillés, le linge
et les cabines ne séchaient plus, impossible d’aérer … En plus, il faisait
toujours chaud, l’atmosphère dans les coques est vite devenue étouffante !
Léa, le 13
novembre, sur les apprentissages :
Nous enchaînons la matinée
avec Xan qui nous fait un cours sur la navigation et sur le bateau. Après une
bonne heure d’explications, je finis tout de même par enregistrer quelques
informations. A la fin les adultes nous proposent à chacun de faire des exposés
sur Fernando car c’est la prochaine escale prévue. Je n’avais pas d’idée
précise tandis que les autres eux ont chacun choisi un thème. Aude me proposa
d’organiser le cours de portugais avec elle pour le goûter. Parce que je m’en
sors plutôt pas mal selon elle et les autres. On se mît sur les filets puis
commença à écrire le cours. Pour ne pas compliquer la tâche aux autres, on a
opté pour des choses basiques. Au moins nous pourrions échanger quelques
phrases pour se présenter avec les brésiliens
-Une journée, il y a même eu de la pluie pendant des heures,
de la fin des quarts de nuit jusqu’à 16h ! Les quelques courageux qui sont
restés sur le pont ont fini avec les mains toutes fripées...
Mathias, le 16
novembre, sur le pont pendant les grains :
Le vent forcit et la
pluie aussi. Il ne reste donc plus que Christophe, Xan, Emerson et moi, sous la
pluie pendant que certains en profitent pour faire leur douche. Au moment où on
commence à avoir vraiment faim, les cuisinières, Aude et Léa, nous servent un
repas qui nous ragaillardi. Mais déjà mes mains et mes pieds commencent à
ramollir et mon corps à se refroidir.
-L’équipage a du apprendre à la dure la gestion des
vêtements mouillés, l’humidité des couchages et l’inconfort des cirés...
Heureusement, la dernière matinée , plus calme, nous a permis de prendre de
l’avance sur la grande aération de fin de traversée !
-C’est vrai que ça fait du bien de se coucher dans des draps
secs !
- La mer paraît bien
vide quand on en parle comme ça, mais au final, nous avons quand même croisé
quelques uns de ses habitants !
-Oui, sauf des poissons comestibles, au grand désespoir de
notre équipe de pêche.
- nous avons vu certains animaux marins, comme des
globicéphales (Globicéphaux?), c’est très gros et cela nous a tous
impressionnés. On a aussi vu des baleines et plus particulièrement la queue de
l’une d’entre elles. Nous avons pu observer son souffle, quand elle crachait de
l’eau par son évent. Certains membres de l’équipage ont même eu l’occasion de voir une tortue ! Les oiseaux de mer
nous ont accompagnés tout au long de la traversée : des puffins au début,
qui volaient en rasant les vagues, puis, en approchant de l’arrivée, on a commencé à apercevoir des fous qui
filaient comme des fous, a toute vitesse, afin de chasser des poissons volants.
Ces petites bêtes pouvant planer longtemps, qui s’incrustent parfois sur le
pont et qui sentent fort mauvais !
-N’oublions pas la visite des dauphins !
-Oh oui ! C’était le 17 novembre, on a vu un groupe de
dauphins (plusieurs dizaines !) faire plein de pirouettes.
-Je crois même avoir aperçu quelques méduses à voile en
arrivant. Mais bon, n’oublions pas que cette longue navigation aura aussi été
une étape de plus dans l’avancée du voyage et dans la vie de groupe !
-Oui, et avec deux nouveaux membres dans l’équipe, les
petits bouleversements des routines sont fréquents, et il faut réapprendre la
promiscuité et les contraintes du vivre-ensemble.
Emerson,
le 18 novembre, sur ses pensées :
En ce
moment je suis pensif, comme une rivière sans fin les pensées coulent dans ma
tête, le présent et le passé m’obsèdent. Je me dis souvent si j’avais réagi autrement dans, le passé
est-ce que mon présent aurait été différent ou altéré ?comme par exemple
les actes de mon passé qui m’ont amené a GN, si j’aurais agi différemment
serait-je là devant vous en train de
lire ?
-mais aussi, pendant
la navigation nous avons pris des moments pour nous. Il y en avait qui
lisaient, jouaient à des jeux et aussi qui se mettaient à faire du travail
scolaire. A tour de rôle, les adultes ont fait les bilans ASE et tous les
jeunes ont réécrit de nouveaux contrats.
Chaque jeune nous a aussi présenté des exposés différents sur le
Brésil. En plus de ça, des cours de
portugais-brésilien étaient organisés tous les jours pendant le goûter. Il y a
aussi eu des cours de nœuds, des cours de navigation et des révisions du nom
des choses sur le bateau car pour beaucoup, ce n’était pas encore très bien
assimilé. En tout cas, c’était très enrichissant et nous avons beaucoup
appris !
-Il faudrait qu’on raconte la traîne aussi.
-Effectivement. Pour prendre une douche avant, on se mettait
sur l’arrière et on se servait d’un seau pour se mouiller. Cette fois-ci, quand
les conditions le permettaient (vitesse faible et houle modérée) nous avons pu
nous essayer la baignade à la traîne. Un cordage dans lequel on a noué une
boucle est accroché à l’arrière, et une fois bien accrochés on se laisse
glisser dans l’eau et trainer par le bateau.
-Rires et sensations garantis ! Et puis, c’est plus
rapide pour se mouiller les cheveux et se rincer…
-Quand même, quand on regarde tout le chemin qu’on a fait
sur la carte… impressionnant !
-Oui, quand on y pense, on a traversé beaucoup de
choses : de l’Afrique à l’Amérique, de l’hémisphère Nord à l’hémisphère
Sud…
- Cette traversée nous aura effectivement porté par delà la
grande ligne : l’Equateur ! Pour ne pas offenser les dieux de la mer,
nous avons du nous soumettre à l’antique coutume du baptême des néophytes, seul
garant de notre bon retour ! Les trois vétérans de la ligne, déjà baptisés
depuis longtemps (Christophe, Jacques et Xan), ont endossés les rôles de
Neptune, Amphitrite et de l’avocat/procureur/bourreau qui nous ont jugés au nom
des mers et nous ont soumis aux épreuves du rite traditionnel. Ensuite, une mèche de cheveux offerte à
l’océan, porteuse d’un vœu pour chacun, ainsi qu’un verre d’eau de mer en signe
d’allégeance ont scellé notre entrée
dans le monde des marins au long cours.
Samedi
19 novembre. Texte Christophe. Notre
capitaine avait préparé ce baptême marin, qui concernait presque tout
l’équipage, puisque nous n’étions que trois à avoir franchi cette limite
légendaire en voilier. Le temps s’étant nettement calmé, c’est en vue de l’île
de Fernando que nous avons pu procéder au rituel indispensable, Xan avait prévu
des rôles, des costumes et accessoires ainsi que des dialogues écrits. Il
s’était investi dans le rôle de procureur-avocat, Jacques jouait la déesse de la
mer, Amphitrite, et tout en barrant le bateau, je jouais le rôle de Neptune,
roi des océans…(voir texte de Xan). L’équipage s’est prêté de plus ou moins
bonne grâce au rite jusqu’à l’absorption d’un peu d’eau de mer que nos marins
« d’eau douce » eurent bien du mal, pour la plupart, à surmonter,
preuve s’il en est que pour l’instant l’eau salée est loin d’être leur élément.
Par la suite, certains s’étant révélés particulièrement pingres dans leur don
aux dieux et déesse des Mers, j’espère qu’il leur sera permis de rentrer sain
et sauf à bon port, bien sûr nous y veillerons.
-Mais ça c’était déjà presque la fin !
-Effectivement, l’ile de Fernando était déjà en vue alors,
et l’arrivée en passant par un goulet étroit entre deux îlots à suivi
immédiatement. A peine le temps de se rendre compte qu’on traversait la mer et
déjà un (le ?) nouveau monde s’offre à nous, regorgeant de trésors qu’il
nous faudra aller chercher nous même !
Xan et Léa.
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