Aujourd’hui, nous avons quitté Sparouine.
Aujourd’hui on a cru qu’on était mouillés face à la Forestière mais on s’est trompés.
Aujourd’hui on a dû changer de mouillage et cet après-midi, on a fait un spectacle.
Aujourd’hui, on a fait du foot, puis des Kapla et des bulles.
Aujourd’hui j’ai laissé des enfants faire des tresses dans mes cheveux (j’ai souffert).
Aujourd’hui j’ai rencontré Moyana.
Et aujourd’hui je vais vous la présenter.
Elle a, j’ai cru comprendre, 5 frères et 3 sœurs. Moyana, c’est son prénom à la maison, à l’école et sur ses papiers elle s’appelle Venitia. Elle est en CP et a 5 ans. Elle habite une maison en bois à la Forestière. Elle n’est pas très grande et elle m’a bien fait rire. Ses cheveux sont tressés et à leurs bouts, la mère de Moyana lui a mis des perles coquillages en plastique qui font un très joli son lorsqu’elle tourne la tête. Quand je lui ai demandé ce qu’elle aime faire elle m’a répondu : « M’occuper du bébé, mettre l’eau à chauffer, me laver et laver ma petite sœur. »
Et quand je lui ai demandé si elle aimait le foot, elle m’a dit : « Non, parce qu’après ils te tapent dans l’œil. »
J’ai mis un temps à comprendre qu’elle parlait du ballon.
Le 1er janvier 2023
Le premier jour de l’année en toute simplicité.
Le premier jour de l’année : est-ce que c’est vraiment important que ce soit le premier jour de l’année ? Longtemps, j’ai cru que la façon de vivre le passage d’une année à une autre déterminait la couleur de l’année à venir. On a tous des croyances un peu farfelues.
Depuis quelques jours, mon cœur me chuchote qu’il voudrait retourner à Pimpin. Mon cœur encore palpitant de la journée de la veille et nourri des rencontres avec les enfants et les jeunes de la Forestière. Je me réveille ce matin au milieu du fleuve, entre deux rives, entre deux îles, à quelques milles de toute vie, en apparence en tout cas. Quelques pirogues au loin laissent deviner des villages engloutis par la brousse tropicale.
Le village de Pimpin nous appelle. Nous répondons à l’appel et débarquons en fin de matinée pour annoncer notre arrivée. Je me sens bien là-bas. On y trouve l’ombre sous les manguiers, avec le jus de ses mangues qui dégouline sur les doigts quand tu croques dedans. On y voit des pirogues en construction au bord du fleuve et une piste en graviers rouges : route fluviale et routière qui relient ce petit village au reste de la population. Plusieurs abattis abritent les plantations de manioc et autres légumes d’ici. Nous apprenons que la récolte de manioc a eu lieu mardi et que mercredi ils ont tout vendu au marché de Saint-Laurent. Après le groupe de parole ce matin, nous avons mis pied à terre avec Yawenn, Mathys, Elora et Matis. Nous sommes sous les manguiers devant la petite maison d’Ana et Atompaï, la « grand-mère » et le « grand-père » du village. Ni l’un ni l’autre ne parle français. Je bredouille quelques mots en Djouka pour communiquer avec eux. Heureusement Marlon est là pour traduire et pour nous expliquer le processus de fabrication du couac. Il soulève une bâche et nous découvrons une machine à broyer le manioc. De question en question, nous apprenons qu’il reste un baril de « demi » (le nom du manioc quand il est broyé), qui attend d’être transformé en couac, et que cette préparation aura lieu demain. Nous avons de la chance car cela n’a lieu qu’une à deux fois par an à Pimpin. Le rendez-vous est pris, nous serons là à 6h pour cuire pendant des heures le « domi » dans le « pang » en remuant sans cesse à l’aide du « tououfé », afin de faire du couac. À la base, les cuistots du jour m’avaient confié la mission de trouver du poisson frais. Nous avons trouvé un pêcheur à la glacière pleine de crabes, acoupas et autres trésors aquatiques, mais il ramenait son pactole à la maison. Nous revenons bredouilles de poisson mais avec un sachet de couac local fraichement préparé et des bananes plantains offertes par Atompaï. Ici en Guyane, comme dans beaucoup de pays dans lesquels nous faisons escale, on rencontre beaucoup de générosité.
J’aime les moments à bord où l’on discute, où l’on se lance dans des débats. Aujourd’hui par exemple, grâce à Matis qui nous présente un exposé sur les animaux de la Guyane, nous débattons au sujet de leur protection et du braconnage. On apprend à s’écouter les uns les autres, à partager son avis. Ce n’est pas toujours la chose la plus facile, mais on avance.
Cette après-midi, à terre, sur la place de sable sous les manguiers, nous avons un peu cirqué. Nous avons fait voler les enfants de Pimpin, nous les avons soulevés et jetés en l’air. Nous avons même essayé de décrocher les mangues perchées dans les branches les plus hautes. Ensuite, une dizaine de villageois sont venus sur le bateau, des jeunes tout juste réveillés de la sieste, Ana qui a sorti son magnifique pangui brodé, des « pikins » (enfants) qui chahutent pieds nus et Atompaï qui nous emmène en pirogue, une assiette en plastique rose en guise de pagaie et tout l’art d’un maître de la navigation sur le Maroni. S’ensuit visite du bateau, goûter, discussions, coiffage, des filles lisent dans la bibliothèque et un petit me donne l’impression qu’il va passer à travers le trou des toilettes. Ismaël montre à Marlon et Richard le pain qui cuit dans le four, ils semblent curieux d’apprendre. Avec mes quelques mots de djouka, j’explique à Atompaï comment fonctionne notre voilier. Les heures filent dans cette journée sans fin. J’aime ces journées, j’ai l’impression qu’elles sont infinies. C’est un flux de connexions humaines, en toute simplicité.
Lola
Le 02/01/23
Ma journée commence par une insomnie. Une heure du matin, les yeux grands ouverts et le cerveau qui s’agite. Il a envie de commencer une nouvelle journée mais je le calme rapidement et nous nous attelons à commencer plutôt un nouveau livre : « Le vieux qui lisait des romans d’amour ». Les première lignes décrivent comment le dentiste du village s’y prend pour arracher les dents de ses patients sans anesthésie.
Deuxième éveil, 5h, c’est la montre d’Isma cette fois-ci, il doit préparer le petit-déjeuner plus tôt aujourd’hui pour pouvoir aller faire du pain à terre avec Richard et Marlon, deux jeunes de Pimpin.
Il se penche vers moi et dit :
« Hé, il faut que je te parle d’un truc
-Ouais, quoi ?
- Euh, c’est un peu bizarre et flippant…
-Euh vas-y dis-moi…
-Ben y’a une chauve-souris dans le bateau…
-Ah, ce n’est pas très grave ça, si ?
-Ben en fait, il y a deux sortes de chauves-souris et c’est peut-être un vampire du coup…
-Nan, mais ça n’existe pas...
-Si, elle se pose sur toi, elle te fait une incision et elle te suce le sang. Et le problème c’est que ça peut donner la rage en fait… Et après tu meurs.
Alors, nous voilà partis en mission, frontale à la main, dans le but de chasser Dracula et sauver Elora d’une mort atroce. Cette nuit, c’est elle qui dort dans le carré tribord.
Au final Batman était déjà parti, alors je retourne voir mon dentiste dans la cabine.
06H30 : ce matin on a une playlist réduite, juste le temps de deux chansons. Je m’approche du kayak sur le pont et dans le silence du réveil qui nous embrume encore les yeux, Isaac prend l’autre bout et nous le descendons ensemble. On se synchronise sans parler, sans bruit, en douceur. Nos gestes sont précis et mesurés. Je me rends compte que nous vivons ensemble depuis plus de trois mois et que j’aime cette danse de tous les jours qui nous relie tous ensemble. Cette synchronicité me surprend et me rassure.
Cinq minutes plus tard, nous nous retrouvons propulsés dans une ambiance très vivante et odorante. Nous trouvons la première partie de l’équipe en train d’œuvrer avec les habitants de Pimpin. Ils sont venus à 6 heure pour commencer la préparation du couac et du pain. Certains pressent le manioc pour en faire sortir tout le liquide afin de le rendre sec. Un petit meuble est conçu pour ça, il permet de caler les planches de bois sur les sacs de manioc et de disposer un cric de voiture. Au moment où nous arrivons, c’est Matis Kirikou qui est au labeur, il actionne le cric avec attention jusqu’à arriver au bout du bout. Le jus sort par dessous dans une bassine en inox posée au sol. Ensuite Amimbaï remet une planche et Matis recommence à pomper.
Amimbaï c’est le père et le grand-père de presque tout ce petit monde. Il a 63 ans, un T-shirt jaune do Brazil, un cure-dents au coin des lèvres et un air concentré. Comme le lait.
Il ne parle pas beaucoup, surtout pour donner des indications. Les autres sur la table d’à côté sont guidés par Ismaël. Les mains dans la pâte à pain, ça patouille en chœur. C’est silencieux et appliqué. Petit à petit, les enfants sortent de la maison avec des têtes tout endormies. Ils déambulent dans la chorégraphie matinale des grands, ou bien s’assoient sur la petite marche devant la porte d’entrée pour émerger tranquillement. Ils sont nus ou en culotte, c’est simple.
Le soleil commence à poindre sur la cime du grand manguier qui nous abrite et nous nourrit. À vue d’œil, si on le compare au mât du bateau, il est aussi grand, voire plus. C’est le plus grand manguier que j’ai vu de ma vie. Les mangues moi ça me fait penser à Israël. D’habitude il n’y a que là-bas que j’en mange. Au p’ti-déj dans le jardin de mon grand frère Warren à l’ombre des larges branches feuillues du grand jacaranda.
La nature continue de nous offrir son spectacle, entre les branches, des fils transparents sont tendus et forment en leur centre une toile parfaitement symétrique. Une araignée tisse avec soin sa maison piège. Ça me fascine, je crois que je n’ai jamais vraiment pris le temps de regarder aussi attentivement ce travail magnifique. J’aime la contemplation. Dans le dictionnaire « contempler » c’est : considérer avec attention. Si je me souviens bien, la racine « sidere » renvoie aux étoiles. Ça voudrait donc dire, quand on considère quelque chose ou quelqu’un, qu’on lui accorde l’importance d’un astre, au-delà du terrestre. Ça me plaît.
Après un bon café rempli de soleil, je pars à la recherche d’awaras. Depuis notre première visite à Pimpin, j’en ramasse partout. Ce sont des graines, le plus souvent ovales et marrons foncées avec des rainures plus claires. Les sillons sont arrondis et symétriques. Je trouve ça beau, la texture est douce et le bruit est joli quand elles s’entrechoquent. Je m’éloigne un peu du monde et dans ma recherche je croise Christophe qui, lui aussi, a les mains pleines de graines. Au loin je vois un essaim de mélipodes, ce sont de toutes petites abeilles toutes mignonnes qui ne piquent pas. Nous avons fait leur connaissance il y a quelques jours pendant une répète et c’était...cocasse comme dirait Chad. Toujours est-il que ma curiosité m’amenant toujours plus proche m’a permis de savoir que ces tout petits êtres, aussi mignons soient-ils n’aiment pas recevoir des intrus à gros cheveux chez eux. En deux secondes, il y en a des dizaines qui m’attaquent la tête. Elles vont directement manger mon crâne. Ça bourdonne partout dans mes oreilles, les mélipodes, ça ne pique pas, mais ça mord ! Christophe se moque de moi tout en essayant de m’aider à les chasser. En même temps il a raison, je n’avais qu’à pas m’approcher si près, mais bon, c’était rigolo !
De retour sur la place au manguier je commence à discuter comme je peux avec Anna, la mère et la grand-mère de presque tout ce petit monde. C’est elle qui gère le feu, entre autres. Sinon elle est assise sur sa chaise de jardin face au tableau vivant qui s’anime devant elle. Anna parle très peu français, du coup je lui montre des objets du doigt en lui demandant la traduction en bushiningué. La grande gamelle en fonte dans laquelle on fait cuire le couac s’appelle le pagi. Le râteau en métal ou en bois qu’on utilise pour mélanger c’est le tououfé. Pour tamiser on utilise le manoli et ça retombe dans le gambéki qui est une grande bassine autour de laquelle on s’assoit pour réduire le couac en poudre fine.
Il est 10H30 et je suis de cuisine avec Yawenn. On retourne au bateau tous les deux et on se lance dans la préparation d’une salade de quinoa. Et nous voilà à partager nos bols avec nos amis de la place du manguier. On se relaie pour que les personnes qui cuisent le couac puissent manger et reposer leurs yeux. Parce que oui...le couac ça fait mal, la fumée pique les yeux très fort. On se retrouve en larmes mais avec le sourire aux lèvres qui va avec le plaisir de donner de soi pour faire en sorte tous ensemble que ça fonctionne. Après que le pain et le couac ont fini de cuire, nous disons au-revoir à nos hôtes et nous regagnons nos pénates avec plus de dix kilos de couac tout chaud. On va se régaler pendant longtemps à bord avec tout ça. D’autant plus puisqu’on sait qu’il a été préparé à la sueur de plein de fronts que nous aimons.
C’est l’heure du départ et du retour à Saint Laurent qui sonne le glas de la fin de cette petite bulle de fleuve que nous vivons depuis cinq jours. J’ai l’impression de rentrer à la maison. Je remarque que dans ma vie, plus le temps passe et plus la notion de maison, de foyer évolue. Je me sens chez moi partout où je me sens bien. En fait, je crois que ça y est, chez moi c’est à l’intérieur de moi et que ça n’a rien à voir avec un emplacement finalement. Je crois que chez moi c’est dans le petit nid douillet qu’il y a dans ma tête, en compagnie des personnages hauts en couleurs qui s’y trouvent. Mais bon, ça, ce sera peut-être pour un prochain texte.
Kat.
Le 03/01/23
Moi c’est Tallia, j’ai bientôt 16 ans et actuellement je suis en Guyane. En fait mon histoire a commencé bien avant ça : je suis née à Sète le 6 février 2007 à 11h50 précisément, mais j’ai grandi à Agde avec ma mère et mon grand frère, jusqu’au jour où ma mère a rencontré mon beau-père et qu’ un petit nouveau a débarqué. Au début, on croyait que c’était une fille j’étais trop contente parce que je n’avais que 11 ans, j’étais heureuse de me dire que j’aurais une petite sœur pour la coiffer, l’habiller et jouer aux Barbies mais au final c’est un garçon et je me retrouve à jouer à la bagarre, aux voitures et aux toupies avec lui, mais bon, je l’aime. Puis mon grand frère a lui aussi trouvé sa copine et 1 an après la naissance de mon petit frère, le 22 décembre, je deviens tata, un des meilleurs cadeaux de toute ma vie. Revenons-en à moi, je n’ai ni enfant, ni travail, mais j’ai des passions et des choses que j’adore, par exemple j’adore les paresseux, les chats et les chiens. En nourriture, j’aime trop les lasagnes surtout celles de Lola et Mathys, elles étaient trop bonnes!! Mais les plats que je préfère restent la paella et le riz à la sauce soja, sans oublier les mangues. Sinon la nourriture n’est pas ma passion, mes passions c’est les chaussures (surtout les Vans, les Jordans, et les Air Force 1) J’adore aussi la musique, la F1 et le dessin. J’aime bien également la boxe, le foot, même si je n’ai toujours pas compris les règles et le rugby. J’aime beaucoup aussi le cirque et j’admire le métier de tatoueur, un métier que j’aimerais faire même si LE métier que je veux faire ce serait mécanicienne de F1.
Voilà vous en savez un peu plus sur moi et mes passions.
Tallia
Portrait Herbianxa (Kathleen)
La première fois que je parle vraiment à Herbianxa c’est quand elle vient sur le bateau avec toute sa famille le 1
er janvier. Je m’assois à côté d’elle et je lui pose des questions. Elle est un peu timide, elle fait des réponses courtes et semble à la fois surprise et heureuse que je m’intéresse à sa vie. J’apprends donc qu’elle a 12 ans et qu’elle est en 5ème au Collège Maayé à Apatou, un peu plus haut sur le fleuve. Tous les matins, une pirogue bus vient la chercher avec les autres enfants de Pimpin et elle les ramène ensuite le soir. Il n’y a qu’un seul horaire pour le retour, du coup elle ne peut pas assister au cours de boxe du mercredi après-midi. Pourtant elle aimerait beaucoup…« Tu veux faire quoi plus tard ? »
Elle répond directement : « Militaire »
« Ah bon ? Pourquoi ?
- Parce que j’aime me battre.
C’est à ce moment-là que je me suis dit que j’avais envie de mieux la connaître.
- Et tu te bats souvent ?
- Oui au collège, tout le temps
- Et il se passe quoi dans ces cas-là ?
-Ben je vais chez le CPE, il me dit qu’il faut arrêter mais ça ne me fait rien et je recommence. »
Pendant presque tout le temps où elle est sur le bateau, c’est elle qui s’occupe de son petit frère. Un bébé de 1an. Elle le porte, le nourrit, le calme quand il pleure, etc. Il s’arrête automatiquement dès qu’elle le prend dans les bras. Comme par magie.
Le lendemain, quand on se retrouve au village pour notre couac-day, je lui demande si elle veut bien me montrer où elle vit. Toujours avec le petit dans les bras elle me fait signe de la suivre. Nous arrivons devant sa maison. Volets et portes sont fermés, contrairement aux autres maisons qui sont grandes ouvertes. Rien ne traîne sur la terrasse, on dirait que c’est inhabité. Les seules traces de vie, si on peut appeler ça une vie, sont des oiseaux en cage, accrochés à la façade de la maison. Il y en a au moins cinq. Les cages sont minuscules et les oiseaux se heurtent aux barreaux violemment. Ils coincent leurs ailes dedans encore et encore dans l’espoir de pouvoir s’envoler. Ça me fait mal. Pire qu’avoir les ailes coupées, on peut garder ses ailes et être enfermé. Quand je lui demande pourquoi ils ont des oiseaux, elle ne comprend pas trop ma question, elle me regarde d’un air ébaubi et me dit : « Ben si on ne les met pas dans des cages ils s’en vont ». Je me demande quelle vision on peut avoir de la liberté quand on a grandi avec des oiseaux enfermés chez soi. En même temps, je me dis aussi que c’est à l’image des humains. Chacun choisi sa cage et s’agite à l’intérieur. Mais revenons à Herbianxa, ou plutôt à sa famille. Elle a 7 sœurs et frères, Herbiano 10ans, Clara 13ans, Uziel 1 an et trois autres entre 5 et 8 ans. Il y a aussi Herbian qui a 11 ans, mais il ne vit pas avec eux. Il a été adopté par un homme, me dit-elle et à présent il vit à St Laurent. Elle ajoute : « C’est à cause de Herbiano parce qu’il se battait tout le temps avec lui. » Au fond je suis très curieuse de cette histoire qui m’intrigue mais je ne pose pas plus de questions.
Elle vit donc avec sa mère, Caroline, 32 ans mais elle est le plus souvent sur la place au manguier chez Anna sa grand-mère. Elle n’a jamais vu son père, elle sait juste qu’il vient du Suriname.
Je suis curieuse de savoir comment elle va évoluer et si elle pourra se frayer un chemin dans ce monde pour trouver une place qui lui convient.
Le 3 janvier 2023
Rando on s’en tape la cuisse chez papi
Ça y est, c’est parti. Ce matin nous quittons le bateau.
« Nous » c’est en fait Matis, Elora, Yawenn, Isaac, et moi. Nous partons vivre des aventures naturalistes avec mes amis Coco et Papillon (un copain de formation de BTS GPN devenu copain de vie). Depuis 4 ans, tous les deux sont installés en Guyane, proches de Kourou. Nous tendons donc le pouce sur le rond-point de St Laurent.
Mais du stop à 5 en Guyane, ça ne marche pas vraiment. Et 5 pouces tendus au lieu d’un ne nous donnent pas 5 fois plus de chance.
Heureusement Julien, un agronome spécialiste des sols tropicaux finit par s’arrêter et nous propose de diviser le groupe pour que ça rentre dans sa voiture. Avec Matis et Yawenn, nous partons devant et choisissons pour emplacement stratégique le radar à la sortie de la ville. Nous tendons maintenant le pouce aux quelques véhicules partants vers Kourou.
Nous réfléchissons aux combines de stop et allons jusqu’à imaginer simuler une blessure au bord de la route. Le temps passe, nos compères nous dépassent en nous faisant des grands signes par la fenêtre. L’attente devant le Lycée de St Laurent nous parait longue, interminable…
Mais Vaqueira ne tarde pas à arriver à notre rescousse.
Elle part pour Kourou, en passant par la route de Mana. Cool, c’est la route que je préfère ! Vaqueira est amérindienne du Suriname. Elle vient d’un petit village en face de St-Laurent. Plusieurs fois réfugiée du côté français pendant la guerre avec sa famille, elle a fini par s’y installer définitivement quand elle n’était encore qu’une adolescente. Aujourd’hui elle a une cinquantaine d’années et m’explique pendant tout le trajet le fonctionnement des sociétés amérindiennes au travers de celui de sa famille. C’est passionnant, elle me parle des siens, de leur profond pacifisme, d’une conscience importante de la nature nourricière et d’une montée en puissance actuelle des revendications d’un peuple depuis trop longtemps dénigré.
Vaqueira est mariée avec un métropolitain avec lequel elle a eu trois enfants qu’ils élèvent entre ces deux cultures. Quand elle nous a pris, elle faisait la route pour aller les rejoindre à Cayenne. La route est longue, alors elle me demande si j’ai mon permis pour la remplacer. Après avoir échangé nos places, nous reprenons la route et la conversation. Ça me fait tout drôle de reconduire après trois mois sans voiture.
Elle reprend en me racontant sa vie de médiatrice culturelle à Saint-Laurent et ses excursions sur le Maroni dans des festivals d’image et avec les Bushis du fleuve. Elle a les yeux qui pétillent.
Une rencontre passionnante.
La route passe vite et bientôt je nous dépose sur la grosse piste en terre à l’entrée de l’espace Chawari. Elo et Isaac ne sont pas là. Ils ne devraient pas tarder. Midi, 13 h, toujours rien. Bon, on va aller poser nos affaires au carbet. 14 h on part voir d’un coup de stop s’ils ne sont pas à la scierie Degrad Saramaca, toujours rien. 15 h, Papillon arrive. Alors on va se baigner dans la crique en bas du terrain.
16 h, en voyant que les copains ne sont toujours pas là on commence à se demander s’ils seront parmi nous ce soir. Mais où sont-ils ?
Je commence à douter de mes indications pourtant si précises : « Quand vous voyez une série de grands pylones verts et une piste en terre rouge, défrichée au bulldozer, sur la droite, vous y êtes ».
Mais Matis et Papillon reviennent enfin avec Isaac et Elora à bord de son bolide.
Et voilà, notre troisième journée de l’an 2023 se termine tranquillement dans le carbet presque fini de Papi et Coco avec une petite moitié de Grandeur Naturiens, face à la canopée, assistant au spectacle des dryades à queue fourchue, des ermites à long brins ou de la minuscule femelle de coquette huppe-col, trois espèces de colibris magnifiques venant butiner le nectar des sauges ornementales. Je suis impatient d’être demain pour les aventures qui nous attendent.
Ismaël
Le 4/01/2023
Ce matin je me réveille avant tout le monde, je prends un petit temps pour me réveiller, c’est cool d’entendre tout les sons de la nature… Vers 7 h les autres se réveillent. On prend le petit- déj puis on se met à défricher de petits endroits à la machette (pour pouvoir planter quelques arbres). Il y a aussi un autre groupe composé d’Ismaël et Isaac qui renforce l’entrée du terrain car l’eau enlève toute la terre. Pour ma part je suis à la machette, c’est d’ailleurs la première fois que j’en utilise une et je trouve ça super pratique ! Par la suite, on part tous manger chez les voisins de Papi et Coco : Marie et Baptiste sont super sympas, Marie a préparé un super gratin à la papaye, délicieux. Après le repas, moi et Matis on joue aux fléchettes, pendant que Ismaël, Isaac, Papi, Elora, Marie et Baptiste enchaînent les tarots, belotes et coinches. Puis en fin d’après-midi nous rentrons travailler au terrain de Papi et Coco. Isaac, Elora, et Ismaël ont continué à faire l’entrée du terrain pendant que Matis et moi on creusait sous le carbet. Vers 6 heures, 2 messieurs sont venus, Paul et Lilian. Paul est un ami de Papi et Lilian un ami de Paul. Ils ont amené une longue vue, c’est trop bien, ça grossit énormément, on a même pu observer une buse blanche trop belle ! Après le repas on a entamé une soirée chants et guitare super sympa ! À un moment Papi a sorti son enceinte, ça a fini en karaoké, c’était cool, tout le monde rigolait, mais bon j’étais assez fatigué du coup je suis allé me coucher.
Yawenn Leroy
Le 04/01/23 - Le shampuanteur
Salut, aujourd’hui ça ne sera pas un texte à la con comme d’hab.
Tu sais le truc où j’ai grave la flemme et le truc où je fais chier tout le monde.
Parce que je déteste vraiment les textes.
Bref, c’était juste une petite intro pour le texte à venir.
Un réveil confus pour notre adolescent car il se rend compte que cette nuit sans le savoir, il s’est réveillé, a enlevé son t-shirt et ses bagues. Et sa couette qui est sortie #lol comme diraient les jeunes de cette époque. Même s’il est proche de ses 18 ans, il n’est encore qu’un gosse dans sa tête. Lui il aimerait que les gens le comprennent. Des fois même, il aimerait parler à quelqu’un mais le souci c’est qu’il n’y arrive pas alors il cache ses envies, ses tristesses, ses désirs et il ne laisse que les bonnes choses ressortir.
Je vous disais a few moments later, oui le shampuanteur, ça c’est des graines de lin.
Oui là sur la photo, oui, oui, on dirait des pois chiches dans du couac ou des lentilles dans de la semoule mais t’inquiète je reviens à la fin.
Kat : Eh les enfants, ceux qui veulent faire le masque aux graines puantes, venez, c’est maintenant !
Mathys : Ok j’arrive !!
Tallia : Oui trop bien.
Chad : À fond !!
Anouk : Chad ne fais pas ça, il vont puer tes cheveux sinon.
Kat : Bon, bref : Tallia, Mathys, il faut mettre les graines dans une casserole et ensuite faire chauffer et surveiller.
Tallia : Mathys viens tu peux touiller s’il te plaît.
Mathys : Ok. Ahh ça pue ! Oh non ça déborde !
Au final, il ne l’a pas fait, trop de puanteur à son goût. Par contre Kat, Chad, Tallia et Lola l’ont fait, du coup on a interdit à Chad d’aller dans la cabine. Christophe rit de cela et Anouk dit à Chad (vas-y LA tes cheveux ils vont puer !!). Allez, il est l’heure de mettre les bateaux à l’eau avec grand ouest et hop, ils essayent de naviguer et c’est une réussite pour nos barreurs Chad et Anouk. Ahah maintenant il faut mettre les pieds dans la vase pour retourner à terre car la marée est basse au Maroni. Les voilà de retour au bateau accompagné d’une soupe aux lentilles faite par Christophe et Anouk, mmmh. Bon alors, j’ai sauté des étapes mais je me suis dit que le texte serait trop long
Alors peut être à la prochaine fois !!
Mathys yk_ZeKTa
Portrait de Keziah
Il a 12 ans, il vit à St-Laurent, je l’ai rencontré au cirque.
Je l’aime beaucoup car il fait du skate et il joue aux jeux vidéos. Il est encore au collège et ses passions sont le surf, le kayak, le polo et il aimerait faire du kite surf. Il fait du cirque depuis 3 ans et ses agrès sont le jonglage et l’acrobatie. Il est drôle et il fait des saltos incroyables.
J’aimerais continuer à garder contact avec lui dans le futur, lui est né en Guyane et ses parents viennent de Bretagne. Voilà pour mon portrait.
Mathys-Morgan
Le 5/01/2023
Cette journée a commencé, comme depuis quelques temps déjà, par une impression étrange… Tiens, nous ne sommes qu’une poignée autour de notre boisson matinale. Un calme inquiétant flotte, le banc sur lequel reposent nos fesses paraît immensément long tant il est peu occupé. Les échanges entre nous se font parfois plus rares, mais aussi moins pressés, plus posés. On a le temps de s’écouter, le temps de se regarder.
Où sont donc tous ces absents ? Le réveil est-il si difficile aujourd’hui ? Non, c’est le groupe qui s’est scindé. Une partie est déjà à ramper derrière les membracides à Kourou et ce matin, certains remâtent et remettent un dériveur à l’eau, tandis que Matis, Lola et moi partons à Saint-Jean en balade, accompagnés de Chloé. Cette journée sera marquée par une thématique qui nous suivra tout le long de notre excursion...la pluie.
Pluie routière : Chloé vient nous chercher sous une pluie battante à Saint-Laurent direction Saint-Jean, anciennement la ville des relégués, ces « irrécupérables » de la justice, ou récidivistes de délits mineurs qui, non contents d’avoir purgé leur peine, devaient en plus rester en Guyane pour y mourir de faim et de fièvre.
Pluie d’outre-tombe : notre première étape est le cimetière des relégués. En s’enfonçant dans la forêt, on débouche sur un espace recouvert de 1200 petites buttes de fougères. La lumière traverse difficilement la canopée et les rideaux de pluie nous plongent dans une atmosphère lugubre et assez émouvante.
Pluie feutrée : Sur le retour, nous retrouvons Chloé dans le « carbet d’accueil », lieu occupé par les associations de Saint Jean, faute de propositions de la municipalité pour les loger. La pluie y est plus discrète et nous discutons tous les quatre de vie associative, changements sociétaux et grandes villes.
Pluie jolie : L’heure du repas approchant, nous allons manger notre couac chez Chloé, dans sa maison flottante très originale mais pas très dépaysante pour les « Grandeur Naturiens » aguerris : à l’étage, comme en bateau, ça bouge et il faut se tenir pour ne pas tomber.
Vague de pluie : Suite à une conjoncture inattendue, Chloé nous propose d’aller à l’île Portal en pirogue retrouver l’ami de Lola et danseur fou : André.
Sur le trajet je m’exclame :
« Ça mouille les vagues là, non ?
- Oui...non...enfin c’est la pluie » me rétorque Lola.
Eh oui… la pluie… toujours la pluie…
Danse de la pluie : nous retrouvons André sous une énorme averse, et son sourire s’illumine en voyant Lola. Ni une ni deux, il met en branle tout le village pour faire venir danseurs et musiciens et une démonstration endiablée d’awassa s’en suit, au rythme des bracelets de chevilles qui tintent. Tiens, il ne pleuvait plus… mais c’est reparti… et ça jusqu’à la nuit. Le mot de la fin ? Une belle journée… qui nous a plu.
Robin
PORTRAIT D’ALEXANDRE :Aujourd’hui je vais vous présenter un jeune de Latitude cirque, il s’appelle Alexandre. Je l’ai rencontré au cirque quand je suis arrivée en Guyane. Alexandre a 18 ans, il a un frère qui s’appelle Alexandro et qui, lui aussi, fait du cirque. Il a aussi des sœurs mais je ne sais pas combien. Son agrès au cirque est le mât chinois, il en fait depuis 2 ans mais il a fait une grosse pause pendant cette période. Il a commencé le cirque un jour où il faisait de la course à pied avec ses frères, ils se sont arrêtés devant la salle de cirque, mais lui n’était pas intéressé et voulait continuer à courir.
Yann, le directeur de Latitude cirque, leur a proposé d’entrer dans la salle pour regarder le cours et leur a donné les horaires pour venir faire un essai un autre jour.
Il donne aussi des cours de cirque aux petits.
Alexandre aime le sport, la musculation, sans machine mais seulement avec le poids de son corps. Il s’entraîne beaucoup sur son agrès pour progresser car il veut en faire son métier. Alexandre fait 1m70 et il est musclé. Il est assez calme, très discret et il est très gentil.
Je l’ai choisi pour mon portrait parce que j’ai beaucoup aimé parler avec lui et faire sa connaissance, j’admire aussi beaucoup quand il fait du mât chinois et c’est la raison principale de mon choix.
Tallia
Le 05/01/23 et le portrait de William
Matinée chargée pour nous, et elle commence à l’endroit où nous sommes. L’objectif est simple, faire Chawari-Montagne des Singes avec des adultes et un jeune du L.V.A. (lieu de vie et d’accueil). Kévin, William (qui est d’ailleurs mon portrait), Gracia, sont les 3 adultes et Enrique le seul enfant. On se regroupe et on prend le sentier, Enrique à l’air d’avoir peur de la forêt et il râle. Je fais connaissance de Kévin, on apprend qu’il est Breton et ça ravit Yawenn. Ensuite je parle avec William. Il est né à Bordeaux mais à l’âge de 8 ans il part en Guyane avec ses parents et n’en bouge plus. Il a appris le taki taki et aime bien l’utiliser. Il le parle d’ailleurs avec Enrique.
Il me parle aussi de sa passion, les serpents. C’est impressionnant les tonnes de choses qu’il connaît. Il ne comprend pas pourquoi les gens ont peur des serpents alors qu’ils sont souvent inoffensifs pour l’homme. Mais il faut quand même se méfier du serpent gringe, ne pas s’en approcher, sinon il te mord. Là, il est éduc au L.V.A. depuis 3 mois, il s’y plaît et aimerait y rester. Arrivé à un moment, Isma se rend compte qu’on s’est trompés de sentier. On rebrousse chemin et on prend le bon, mais manque de bol pour nous, il est inondé. Bon, changement de programme, on va à la voiture du L.V.A. à pied. Enfin arrivés, on découvre un magnifique 4X4, mais pas assez de place, donc on monte dans la benne. En route les cheveux au vent, ça me rappelle de bons souvenirs du Cap-Vert. Enfin arrivé au L.V.A. on découvre un magnifique terrain avec une grande maison. Il y a même des ruches, Elora, Matis et Yawenn vont d’ailleurs les voir avec Kévin. Isma et moi on a droit à une visite du lieu par Enrique. Mais bizarrement il ne veut pas nous montrer sa chambre, Isma insiste sur le fait qu’il est très louche et je confirme. Vint le midi et c’est l’heure du pétage de bide. Au menu c’est viande au barbecue, frites et salade, une bonne dose de graisse. Après nous être engraissés, on s’organise, Isma aux courses et nous autres en balade sur la Montagne des Singes. La balade commence et on découvre plein d’insectes et animaux tous plus surprenants les uns que les autres : un serpent mangeur de vers de terre, des crapauds feuilles, des colibris… On arrive en haut, grande vue dégagée sur Kourou et ses alentours, avec un carbet, mais pas un ordinaire carbet, il est rempli d’araignées grosses ou petites. Mais là, dommage pour nous, il y a du brouillard et ça nous gâche la vue, on ne voit rien du tout. Normalement on devait même voir la station spatiale. Mais bon ce n’est pas le bon jour. Maintenant c’est l’heure de la descente et de la retrouvaille avec Isma. Enfin en bas, on retrouve Isma et on retourne au carbet de Papi. Le soir vient et on mange, on joue aussi à un jeu d’ornitho, on apprend petit à petit (à part pour Isma) et on y prend goût, mais comme vous vous en doutez c’est Isma qui gagne.
Isaac
Le 06 janvier 2023. Saint Laurent.
C’était la journée parfaite pour ce que nous avions prévu, une sortie voile légère et pique-nique sur le Maroni. C’était l’aboutissement de notre travail avec l’école de voile « Vent d’Ouest » et quand nous avions prévu une navigation pour ce vendredi nous ne savions pas que ce serait le jour du soleil et du vent de la semaine. Yann nous avait fait la surprise d’arriver le matin en kayak. Nous étions donc 9 « Grandeur Naturiens » ainsi que Kylian et David de Vent d’ouest. En plus des 2 Nikans que nous avons remis en état de naviguer, nous avons aussi sorti 2 bateaux plus légers, des Pico et c’est sur l’un d’eux que j’ai embarqué avec le Monsieur de la PAF (David). Il y avait peu de vent, nous avons mis une bonne heure pour rejoindre l’endroit où nous voulions faire halte. Tout le long de ce trajet, que j’ai passé à la barre, mon compagnon me racontait son travail à la police de l’air et des frontières.
Devant mes interrogations, il finit par dire qu’il a parfois un peu de mal à comprendre la gestion de ce fleuve-frontière tel qu’il se fait, les gens vivant d’un côté ou de l’autre du fleuve sans qu’il soit forcément question de « nationalité » en ce qui concerne les Bushinengués. Le vent et surtout le courant descendant le long de la berge ont rendu notre atterrissage sur la plage, vaseuse, plus complexe que prévu. Mais nous avons réussi à arriver tous au camp de pêche devant lequel nous passons à chaque fois que nous naviguons entre St-Laurent et l’embouchure du fleuve, que j’avais très envie de voir de plus près.
L’endroit est beau, il fait grand soleil, il y a une petite plage de sable pour se poser. Un pique-nique de produits locaux et de boites de poisson du bateau et même, grand luxe, du fromage de Beaufort apporté par Yann.
Après manger Lola propose une répétition de portés pour montrer à Yann qui devra remplacer Robin pour le spectacle.
D’autres improvisent une bataille de vase. Moi, prudemment, je m’éloigne pour explorer les berges. Il fait toujours aussi beau mais le vent s’est un peu levé, dans le bon sens pour nous pousser vers le mouillage.
J’embarque dans un Nikan avec Lola et Anouk, nous prenons l’option de partir vite et d’installer les voiles en mouvement, on galère un peu à cause du courant et d’un safran particulier. Mais nous sommes les premiers à faire route et surtout route directe avec les voiles en ciseaux, on fonce car le vent a forci. Laissant les 3 autres bateaux loin derrière, en à peine 30 minutes nous sommes rentrés. Lola fait la manœuvre d’arrivée à la bouée, loin d’être facile avec ce vent et le courant, à la barre et Anouk nous amarre à la volée. À 13H50, nous sommes de retour sur le bateau, ce qui me donne le temps de laver mon linge et de me laver. Il faudra plus de 30 à 45 mns pour que le reste de la flottille soit rentrée. Il reste une petite heure avant le rendez-vous pour ceux qui veulent faire 2 heures de cirque. Je descends à terre avec eux pour une mission internet, je prends enfin le temps d’écrire à ma famille et à ma mère qui va avoir 75 ans. Puis le soir tombe, j’attends l’équipe cirque et nous rentrons à bord dans la nuit. Le repas nous attend. Je suis claqué, la voile, plus le soleil, Lola dit que le cirque lui a redonné de l’énergie. Moi je dirais que 9 heures de sommeil seront nécessaires.
Christophe
Portrait de Ryan
Que dire de Ryan… je l’ai rencontré à La Forestière. Vous connaissez La Forestière ? Oui...non...enfin je parle du 2ème village de La Forestière… Celui un peu plus loin que notre lieu de mouillage, vous voyez ?
Ryan donc, j’ai fait sa connaissance alors que nous finissions notre ultime représentation circassienne, et que nous nous dirigions vers le terrain de foot pour faire des bulles, jouer aux Kapla… et au foot. J’étais alors à la recherche de poisson à déguster pour le repas du soir. Je l’apostrophais donc à ce sujet. Il me répondit très simplement : « Moi, je pêche ». Ryan est grand, fin et ses cheveux sont plaqués sur son crâne par de nombreuses tresses qui se terminent en petites queues sur sa nuque. Il m’explique alors qu’il est pêcheur, et qu’il habite à Patience juste un peu plus loin, après La Forestière. Il a une pirogue et il pose son filet le soir, après la tombée de la nuit. Au matin, il retourne sur la rivière le remonter, avant que ses poissons se fassent manger par d’autres. Il est fils de pêcheur me dit-il fièrement et son père est l’un des meilleurs. Ce dernier vend son poisson au quartier chinois, à Saint-Laurent. Ryan a tout appris avec lui. Voyant que tout ça m’intéresse, il me propose du poisson pour le lendemain, « Je peux même te le cuisiner » me dit-il. Tout en marchant, il ramasse des herbes sur les bords du chemin et me les tend : « Je prépare le poisson avec ça et ça et aussi cette plante, c’est très bon ».
Je m’apprête à poursuivre la conversation lorsque soudain, je le vois s’éloigner en courant… Ah oui, nous sommes arrivés au terrain de foot et le match commence. Ryan me fait de grands signes en guise d’au revoir et je me retrouve seul, au milieu des bulles, avec toutes mes questions qui resteront sur le bout de la langue.
Robin
Le 6 janvier 2023 - Journée de boulot et arrivée de Coco
Ce matin on se réveille avec le chant des kikiwis, Papi nous dit : « Ce matin il y a du travail à faire ». Chose dite, chose faite, nous voici avec Ismaël et Isaac pour continuer et finir l’entrée, Elora, Yawenn pour planter des arbres et pour aussi faire un peu de place avec les machettes et pour finir, moi je m’occupe de continuer le trou sous le carbet car Papi veut faire un atelier et il faut creuser sinon tu ne passes pas la tête. Allez, c’est parti. Hé Ho, Hé Ho, on rentre du boulot, Hé Ho, Hé Ho, on rentre du boulot, bon la météo rend la chose difficile, un coup il fait chaud et on est en plein cagnard et un coup il pleut et on est sous la pluie. Voilà, Papi part car Alberto vient pour de
microscopiques animaux dont les termites. Moi quand je le vois ça me fait rire qu’une personne soit tellement concentrée à chercher un truc,
je ne sais pas à quoi ça ressemble et c’est son travail, pour moi c’est quand même ouf et j’ai l’impression qu’il est triste, bon je ne vais pas faire un texte sur lui, voici la pluie, comme à son habitude elle vient. Nous voilà dans la voiture, enfin Yawenn et moi nous allons chez Marie et Baptiste pour manger le midi. Comme à son habitude, Marie fait la grand-mère et ça c’est ce qu’on aime chez elle, elle nous fait à manger et nous on en ramène un peu pour tout le monde. Avec Yawenn, on fait un jeu de fléchettes et c’est parti pour la précision, on jette les fléchettes, bon c’est pas tout, mais Baptiste nous propose d’aller l’aider à chercher du compost de bois pour son terrain. Elora, Yawenn et moi y allons et en attendant, Isaac, Ismaël, l’équipe des I continue le travail au chantier. Nous revenons et Marie, pour notre bon travail, nous donne des biscuits de Bretagne et Yawenn, sur la route me dit « T’as vu ils sont bons les gâteaux de ma mère », on rigole et je lui dis « Dommage qu’il n’y ait pas Chad ». Bon, il faut quand même continuer de travailler au chantier. Allez, un petit coup de pioche et ça ira, mais non, Isma vient m’aider mais je n’arrive pas à suivre la cadence, alors Elora vient nous aider ainsi que Isaac et Yawenn, c’est parti, toute l’équipe est là. Il commence à faire nuit et chacun prend sa petite douche chaude, à peu près vu que le soleil a brûlé et ça a chauffé le tuyau d’arrosage. La voiture arrive et Papi en sort avec une jeune femme rousse et un peu fine, elle a les yeux marrons et elle porte un t-shirt et un short, elle nous fait un grand signe et un petit sourire bien placé et nous interrompons notre partie de Wingspan pour lui dire bonjour. Elle s’appelle Coco, enfin c’est son surnom, elle et Papi commencent la cuisine. C’est parti, non, ça recommence, Isma sort ses oiseaux, Yawenn pond des œufs, Isaac cherche des rats, Elora construit des oiseaux et moi je m’enflamme car j’ai la carte la plus forte du jeu et je répète 6 fois que je vais gagner, plus la partie avance plus j’ai envie d’exploser et à la fin on compte les points et en dernière place Elora, en quatrième place Isaac, en troisième place Matis, deuxième place sur le podium Yawenn et toute première place Isma « Hein quoi, comment ça troisième place, Isma t’as triché » Après le repas qui a été bon, nous faisons un Bang et c’est parti car Papi est chaud, il enchaîne les tirs sur le shérif Yawenn, il arrive à s’en sortir grâce à une bière mais Papi n’a pas terminé, il achève son coéquipier Isaac et moi Sam le vautour, je récupère la dynamite qui viendra exploser contre notre shérif qui arrive encore à survivre. Papi est en prison, Isma est mort et moi j’achève notre shérif avec trois balles. Ça y est, les hors la loi ont gagné ! Après cela nous allons nous coucher avec la voix d’Elora qui nous lit son livre.
Matis.
Le 07/01/23 et un peu du 08
Pripris des Frugis. 07 / 01
Comme convenu, on se lève et on range tout le carbet comme des zombies pour aller déjeuner chez Baptiste et Marie. Ils me font l’effet de pépé et mémé. On part tous ensemble, Yawenn, Matis, Isaac, Ismaël, Coco, Papi et moi, avec Alberto, le spécialiste des lithophores. On va aux pripris de Yiyi. C’est dans la savane, des milieux ouverts, marécageux. On guette chaque oiseau sur la route, on se gare sous le mirador, on laisse Papi et son italien aller titiller les termitières et on se rend au premier affût dans les marécages. On observe beaucoup d’oiseaux : « Isma, c’est quoi celui-là ? », « Oh, ici ça vole ! », « Sur la branche, là-bas, tu vois ? », « Tu peux me passer les jumelles stp ? ». Il ne faut pas faire de bruit si on ne veut pas effrayer les mammifères et il ne faut pas bouger si on ne veut pas que les oiseaux nous repèrent. On retrouve la Maison de la Nature, en fait c’est un peu la fête. Il y a plein d’activités. J’ai le temps de faire trois pas et Isaac et
Matis sont déjà en train de se harnacher avec des baudriers vers Timothée, au pied du grand manguier. Il anime un atelier grimpe en auto-assurage avec des nœuds de prussik. Nos deux éclaireurs montent, ils osent un peu la descente tête en bas, mais pas trop et redescendent. Yawenn et moi leur enchaînons le pas. Yawenn a l’idée de jouer de la guitare en haut, perché. C’est joli, moi je caracole et fais des sauts de branche en branche. Timothée est content qu’on soit aussi à l’aise. Quand, gonflés à bloc, Isaac et Matis y retournent, il propose même d’installer un hamac. Ismaël revient de sa balade sur les milieux aquatiques et on s’en va direction chez les frugis. Sur la route, on s’arrête tous les 50 m. Et vas-y que ça dégaine les jumelles plus vite que son ombre. Sturnelles militaires, sporophiles à ailes blanches, le grand urubu et celui à tête rouge, le noir, le caracara du nord et celui à tête jaune, la buse roussâtre, le héron garde-bœuf, (encore lui), le jacarini noir et le martinet polioure. Là encore, Ismaël fait des prouesses d’identification pour suivre le rythme de toutes nos observations d’oiseaux. Au bout d’une petite piste, on arrive au carbet de Joris le crudivore. Le lieu est entouré de jardins, de fruitiers, de plantations diverses et luxuriantes. À l’intérieur, on rencontre ses catchsurfers, Mathieu et Noé. Après avoir mangé, on profite d’une accalmie de la pluie pour aller chasser les membracides. On cherche sous toutes les feuilles, on en trouve plein, enfin surtout Papillon. On est content parce qu’on n’avait toujours pas vu ces insectes (dont il est spécialiste). En rentrant, on fait des jeux de société, puis on va se coucher après manger, en ayant dit au revoir. Oui, parce que le lendemain, on se lève vers 5 h pour aller dans les pripris de Yiyi, pour observer le lever de soleil et tout ce qui s’anime à ce moment-là.
À notre arrivée des singes saïmiris, dont une mère et son bébé, nous accueillent. Isaac, Matis et moi on met du temps à comprendre mais Yawenn et Isma ne perdent pas une miette de cette scène. On fait silence sur les chemins inondés pour aller aux deux affûts. On a l’espoir de croiser la loutre géante. J’en ai tellement envie, je l’appelle en silence. Pas de loutre pour nous mais deux boas d’Amazonie sont cachés dans la charpente du petit carbet. Notre petit déjeuner est ponctué de Gacana, Tiran Kikiwi, de Hérons striées, Ani des Palétuviers, Ani à bec lisse, Sterne Piergarin, Talèves favorites, Caciques huppés, Amazone Aourou, Piaye écureuil, Connure Pavouane, Grande aigrette, Anhinga, Canard musqué, Grèbe à bec bigarré, Tangara des Palmiers, Pic Ouentou, Pigeon rousset et Cormoran Vigua. En partant on croise les restes de repas de la loutre, une autre fois on la verra peut-être. Yawenn, Isaac et moi commençons le stop en direction de l’ADNG et mes deux acolytes font des portés pour faire rire et amadouer les conducteurs. Ça marche bien et surtout on rigole bien. À la fin c’est même Cedric et Josie qui nous croisent et nous amènent jusqu’à l’ADNG.
Elora
Le 07/01/23 ...à bord
C’est un oiseau
Ce texte n’a de rapport avec la journée d’hier que sur un point que je pense être la seule à comprendre, je pourrais vous l’expliquer, mais je n’en ai pas le courage. Désolée.
Il vole à haute altitude, il bat souvent des ailes pour lutter contre cette force invisible qui l’attire vers le sol. Il connaît sa puissance et il sait qu’il peut avoir le dessus sur elle encore longtemps. Mais l’attirance est trop forte et il plonge en piqué vers le fleuve, cédant à cette envie de chute libre. Il fonce et se redresse au ras de l’eau, il effectue encore un ou deux virages avant de reprendre de la hauteur en tournoyant.
Sur la berge, un oisillon l’observe, c’est une picolette. Elle lisse ses plumes pour la centième fois. Elle aimerait détourner les yeux, s’enfuir, mais elle ne le peut pas. Pas plus qu’elle ne peut effectuer les vrilles et les saltos dans le vent que son semblable fait sous ses yeux.
Elle se sent enchaînée, la tristesse et la peur rongent son petit être. Son cœur bat et ses barreaux l’enclavent. Ses souvenirs de vol, elle refuse d’y penser. Elle pleure et personne ne s’en rend compte.
Anouk
Le 08/01/23…à bordLa musique met du temps à arriver à mes oreilles et la pluie contre la coque bâbord n’arrange rien ; je mets donc un petit temps à me réveiller. Une fois debout je fonce à tribord pour prendre le petit-déjeuner accompagné de Mathys, Lola, Robin, Christophe, Tallia, Kathleen et Anouk.
Notre semaine, en groupe réduit, touche à sa fin car aujourd’hui on fait route pour retrouver Isaac, Yawenn, Elora, Matis et Ismaël à l’ADNG où l’on va passer 4 nuits. Après tâches, couture et travail de tête, on va chercher Jocelyne, son frère et son ami, Océane et Eric, Keziah, Solen, son mari et son fils qui nous accompagnent jusqu’à l’ADNG. Une manœuvre plus tard, on est partis, nos invités passent tour à tour à la barre et démarrent un apprentissage qui sera trop vite coupé par le repas du midi et l’arrivée qui s’enchainent. On fonce dans un kayak avec Keziah, on va amarrer l’arrière du bateau, mais j’ai un problème de nœud donc un tour mort et deux demi-clés puis on reviendra avec Robin pour arranger le nœud. On se prépare à partir, on ne doit rien oublier : hamac, nourriture, eau, vêtements de rechange. On part pour 4 jours donc mieux vaut être équipé au max. Je monte en kayak avec Yan et Tallia et on slalome entre les arbres pour enfin arriver. Revenir dans cet endroit si calme et loin de la ville me fait du bien. En arrivant on retrouve les copains, c’est comme revenir à la maison, j’entre en cuisine et avec Yan et Robin on se lance dans les cochins avec Josy et Elora. Je m’installe dans mon carbet, puis retourne avec les autres car on doit s’organiser, continuer l’éternel repoussage du groupe de paroles d’un jour et manger. Nos ventres sont pleins, les sourires ne sont pas absents alors on décide d’aller rejoindre nos hamacs et je m’endors.
CHAD
Le 09/01/23
L’ELDO-RADEAU
- Il est 13h00 et le soleil brûle entre deux averses battantes.
- Il est 13h00 sur la crique nouveau camp et la masse d’eau opaque et sombre atteindra bientôt son minima, l’étale tant attendue.
- Il est 13h00 et une équipe d’honnête dompteurs de sable se prépare.
IL LE FAUT ! La situation est plus que critique !
Le sentier entre le carbet Tamarin et le carbet Comou a était dévasté par les averses tropicales à répétition.
Les flaques atteignant des profondeurs jamais égalées, certaines allant parfois jusqu’à 5 cm de profondeur…
La mission des dompteurs de sable : consolider le sentier au péril de leurs vies.
Les équipes sont formées, les pots (seaux) de margarine sont répartis, il faudra utiliser tout le courage et l’ingéniosité en réserve. Il n’y a pas d’alternative au succès.
Entre 6 à 8 personnes se relaient dans l’eau froide et sombre, immergées jusqu’au torse, sondant avec leurs pieds, certains même à la bêche, à la recherche de sable pur. Lorsqu’une source tant convoitée est repérée, par équipe de deux ils utilisent la fameuse technique de la chaise irlandaise. Un des équipiers s’assoit sur l’autre sondant, seau de margarine à la main, raclant le fond sablonneux tel un silure tropical.
Le pot une fois remplit à ras bord, un convoyeur est affrété. Tel un chérubin orpailleur, un des équipiers se fait embraquer grâce à une bouée couronne depuis le ponton.
Le seau passe ensuite par trois étapes de filtrage, rinçage, contrôle-tri.
Il est ensuite emmené vers le sentier par deux sherpas de la jungle avant d’être déposé, lissé, dallé, nivelé par le maître ratisseur.
Des heures de travail éreintantes sous un soleil de feu, une chaleur plombante et une eau glaciale. Le sentier a finalement été restauré. Le travail finement accompli supportera le pas lourd et chancelant de milliers de voyageurs et de bêtes sauvages à travers le temps et les décennies.
Il est 16h00, c’est l’heure de goûter en regardant un paresseux. Quel contraste magnifique entre les farouches dompteurs de sable et la lenteur soporifique de la bête sauvage haut perchée.
Yann.
Portrait de ThierryThierry est un garçon de 16 ans, il est assez grand, à peu près un mètre 75. Il est de couleur noire, il a des petites vanilles dans les cheveux. Il est né à St-Laurent mais maintenant il habite à Makadisé. Je l’ai rencontré aux cours de cirque. Son père Robert a 58 ans, il est Surinamien, sa mère Jade a 48 ans, elle est Guyanaise. Il a commencé le cirque il y a un mois, mais son activité préférée c’est le théâtre. Il en fait depuis deux ans, son plus grand rêve est de devenir comédien, car quand il voit des films ça lui donne envie de jouer des personnages. Thierry est super sympa, il est ouvert d’esprit. J’ai aimé faire du cirque avec lui, c’est d’ailleurs sur Thierry que je suis monté pour la première fois en colonne. Dans le cirque, sa discipline préférée est le jonglage, sinon il aime aussi le monocycle. Thierry aime aussi la musique, la chanteuse qu’il préfère c’est Lady Gaga, mais il écoute un peu de tout.
Yawenn Leroy
Portrait d’AlanIl s’appelle Alan. Je l’ai vu la première fois au premier jour de cirque. Il 14 ans et il est né en Guyane. Ça fait deux ans qu’il fait du cirque et c’est Yann qui le lui a fait découvrir. Il a voulu faire du cirque car il trouve ça chouette. Pour du perso, il vit avec sa mère et son père. Il a sept frères et sœurs, lui il n’est ni le plus petit, ni le plus grand. À part le cirque, il va à l’école, il est en 4ème, il parle plusieurs langues : le français, l’espagnol, l’anglais, et le saramaka. À part le saramaka, il apprend les autres à l’école. Le saramaka est une des langues principales, ils se parlent dans cette langue entre potes. Il habite juste à côté des parents d’Anouk. Je lui ai demandé s’il aimait être en mer, il m’a répondu qu’il avait le mal de mer, qu’il avait déjà fait un stage d’une semaine sur le fleuve et qu’il ne veut pas faire dix mois sur le bateau GN car il ne veut pas quitter sa famille et aussi à cause du mal de mer. Il est un peu grand, il porte toujours un t-shirt Latitude Cirque. Il est noir avec peu de boutons d’acné, il a les yeux marrons et il veut laisser pousser ses cheveux pour faire des tresses, il est intelligent et comprend vite, il a une bonne souplesse, il est facile de parler avec lui sauf quand ça rentre dans l’intimité. Il est parfois timide et aime rigoler, plus tard il ira en France dans une école de cirque vers ses 17 ans. Il est né le 28 janvier et dans quelques jours il aura 15 ans.
Matis
Portrait d’Atompaï Delmond par LolaAtompaï, un maître piroguier, un Djouka père de 12 enfants, dont deux à Pimpin là où il vit depuis plusieurs années. Je l’ai connu il y a deux ans, à Pimpin justement, dans ce petit village de bord de fleuve, où vivent seulement une poignée de familles djoukas au milieu de la jungle. J’ai compris qu’il vivait là depuis 19 ans, il ne parle quasiment pas français, alors je lui ai posé quelques questions en djouka.
Ses deux enfants de Pimpin sont Jelina qui a 12 ans et Robinho qui a une quinzaine d’années et qui est parti en métropole pour jouer au football professionnellement. Il a aussi sept enfants au Suriname, car il vient de là-bas et trois autres plus haut sur le fleuve dans un village dont j’ai oublié le nom. Atompaï sait construire des pirogues, il maîtrise aussi l’art de les conduire, même s’il n’a à sa disposition qu’une simple assiette en plastique, il peut mener son embarcation à destination, en donnant des petits coups dans l’eau. Mais il me dit aussi qu’il aime conduire vite et remonter le fleuve jusque très haut, en passant les sauts. Son fils, Marlon, est également constructeur de pirogues, il lui a transmis ce savoir-faire. Son petit-fils s’appelle aussi Marlon, il va passer son bac cette année et souhaite devenir comptable ; il vient passer ses vacances à Pimpin. Atompaï a 63 ans, mais les travaux à l’abattis et la vie du village le maintiennent en forme. Il partage sa maison avec Ana, la mère de Jelina et Robinho. Il sait lire et écrire. J’aimerais apprendre encore plus de Djouka pour pouvoir discuter profondément avec lui. Atompaï m’a souhaité la bienvenue au village, il est généreux et on voit qu’il regorge de savoir-faire.
Le 10/01/2023 et le portrait de Jojo
Nous revoilà à l’ADNG pour quelques jours, le groupe est au complet avec même Océ qui nous a rejoints hier. On est 15 et bien motivés. Côté ADNG, Cédric, Amini, Madoche et Paul sont de retour après la période des fêtes. Et pour l’occasion, ils ont prévu un petit chantier. Alors nos missions du jour sont : les aider comme on peut pour avancer le travail, faire une reprise de rôle pour notre spectacle de cirque et rattraper le retard des textes et des dessins. On est à l’ADNG, il pleut, on est heureux d’avoir un carbet sur la tête. Entre deux averses, des équipes s’organisent pour aller scier, percer, masser, clouer, ou approvisionner le chantier au ponton de la crique. Quand surprise : tiens, voilà la pluie, tous aux abris !
Nous laissons donc passer le train de Mana une première fois en vaquant chacun à nos occupations. Moi j’en profite pour me plonger dans du courrier perso, rédigé en commun avec Océ et Lola pour mon grand frère Léo et sa petite famille. On se plonge en plein dedans et quand je relève la tête, il pleut de nouveau. L’après-midi c’est la reprise du cirque. Il y a pas mal de changements. Avec le départ d’Elo et Robin ainsi que l’arrivée de Yann, il y a pas mal de modifications à apporter à nos numéros. C’est un peu laborieux et j’ai la sensation de revenir au point de départ. Mais heureusement notre chef d’orchestre Lola est toujours là. Yann apprend vite et une fois le cirque terminé, un dernier petit coup de chantier avant de goûter. Avec Chad, on essaye de s’immiscer dans une équipe fatiguée par la fin de journée. On arrivera finalement à subtiliser quelques outils et s’exercer à l’art du planter de clous en trois coups. Mais déjà, l’heure du train a sonné et nous devons clôturer le chantier pour cause de déluge intempestif guyanais. Et voilà comment une journée défile à toute allure dans un train-train de vie à l’ADNG, loin du bateau Grandeur Nature resté seul, amarré sur Crique Rouge à un kilomètre de là. Mais chaque soir, après le repas, pendant que les coincheurs coinchent, que les lecteurs lisent et que les pionceurs ronflent profondément, Lola retourne d’un coup de kayak au bateau pour aller veiller sur lui et nourrir les petits moustiques qui y ont élu domicile.
Ismaël
Portrait de Jojo :
Ce matin avant de partir, Jojo m’a pris une dernière fois dans ses bras avant de quitter l’ADNG avant le lever du soleil. Plusieurs fois en écrivant ce texte, l’envie m’est venue de parler de ce fameux Jojo que je retrouve avec surprise cette année. Jojo est le fils de Josy. Voilà 13 ans qu’on se connaît, À l’époque, nous n’étions encore que des enfants. À mon premier voyage, lui n’avait que treize ans et moi j’en avais 15. Incroyable de le retrouver ici dans ce décor si familier, l’ADNG, notre QG où tant de souvenirs sont ancrés.
Depuis, le petit JoJo a bien grandi. Passionné de cirque, il est parti en métropole pour intégrer des écoles et se spécialiser dans le mât chinois (la même discipline que mon petit frère Ananda). Quand je revois Jojo, c’est comme si c’était hier… Un sourire en coin, un regard complice suffisent à faire ressurgir tous nos souvenirs partagés : les excursions en forêt, les bivouacs, le canoë, les sessions cirque avec Yann, ou les entraînements avec son petit frère Jean-François, les glissades dans la boue, les baignades à la crique ou les accro-mangroves… Maintenant je rêverais de le revoir sur scène pour voir ses progrès, mais on va partir avant la sortie de résidence du spectacle qu’il est en train de monter avec son binôme Andréa. Dommage, il faudra que je le trouve en France.
Ismaël
Le 11/01/2023
Un bateau blanc amarré aux racines de palétuvier trône au beau milieu de la mangrove. Au détour d’une crique on peut tomber dessus, il donne l’illusion d’un mirage, tel un cata fantôme qui hanterait la forêt. La lune se reflète sur son haut mât blanc et quand l’aube commence à percer, les étoiles s’éteignent lentement. Un kayak glisse du pont et se pose sur l’eau boueuse, la marée n’a pas encore fini de monter. Comme chaque matin depuis trois jours, une femme entourée d’un paréo humide se glisse à bord d’une petite embarcation flottante et se laisse emporter par le courant de la marée en donnant régulièrement des coups de pagaie. La végétation dans le contre-jour dessine des formes inquiétantes, et parfois les nuages remplissent le ciel et la nuit continue d’être si noire que les yeux jaunes des serpents ou les yeux oranges des ibijaux brillent dans la brousse comme de minuscules phares. Le kayak fend l’eau de la crique jusqu’à s’engouffrer dans une crique encore plus étroite et s’amarre à un ponton de bois de wapa qui déborde au ras de l’eau. On devine en arrière-plan des carbets et des
silhouettes humaines qui se désentortillent de leurs hamacs pour mettre pied à terre et rejoindre le carbet central, le plus grand de tous, sous lequel est déjà dressé le premier repas de la journée. Ils se réunissent tous là, une quinzaine d’êtres humains avec à leurs côtés, le même nombre de tamarins qui viennent picorer des fruits dans les arbustes et gambader sur les tôles des carbets. Dès qu’il se lèvent de table, en voilà trois qui s’éloignent par un sentier à travers l’épaisse forêt. Une voiture emporte la jeune fille blonde et l’homme de deux mètres jusqu’à la ville. La troisième rebrousse chemin. Tout au long des premières heures du jour, ils s’activent au ménage, à la vaisselle, certains attrapent des objets de cirque pour s’amuser puis se font rappeler à l’ordre pour aller copier des textes dans l’ordinateur ou le cahier. D’autres creusent le sol pour construire un chemin de sable et découpent à coups de pioche le tuyau qui amène l’eau de la grande cuve à la cuisine. D’autres encore scient les côtés du ponton de wapa flambant neuf en tenue de travail typique tropiques : maillot-bottes. Entre deux grains ils sont quatre à travailler et quand la pluie tombe, ils s’abritent et discutent des choses de la vie. Ils se connaissent peu, ils parlent de politique, de métissage, de rythmes de vie différents selon les cultures et les mentalités.
Plus tard et plus loin, dans un carbet tout fermé de grillages, des bananes crépitent dans l’huile bouillante et le riz est en train de cuire. La cloche sonne vers midi. Elle réunit tout le monde pour le deuxième repas de la journée. La jeune fille échappée le matin est revenue pour manger, elle s’assoit devant une assiette où se dressent d’appétissantes bananes pesées. Un peu après, le ventre encore plein, les humains se mettent à sautiller partout et marcher, à jongler avec toutes sortes d’objets, à se tomber dans les bras les uns les autres, ils se grimpent dessus, ils se marchent dessus même ; et ils chantent et jouent de la guitare, concentrés à faire des mouvements collectifs harmonieux qu’ils nomment spectacle et qui sont censés rendre les cœurs humains heureux. Ils forment une ligne, se baissent vers l’avant pour saluer, puis se précipitent dans la crique où ils se mettent à se couler entre eux pour remplir des seaux de sable et les répartir sur les chemins avec des brouettes et des râteaux. Une drôle de machinerie bien rodée. Quand ceux qui sont dans l’eau deviennent bleus et claquent des dents, ils sortent. Ils se retrouvent après cela une troisième fois pour un repas composé de fruits et gâteaux secs. De nombreux enfants se sont joints à eux pour l’occasion, entre deux bouchées, ils chantent des chansons farfelues en se tapant dans les mains.
Non loin de la nuit, un groupe d’humains s’enfonce dans les sentiers pour disparaître sous les feuilles. Leurs bottes foulent la boue et les racines des arbres, leurs yeux cherchent des animaux sauvages qui seraient naturellement camouflés là quelque part. L’un des humains repère une minuscule grenouille tandis qu’un autre manque d’écraser un gros crapaud buffle. Soudain, tout devient plus clair et illuminé car ils traversent une sorte de clairière créée par un chablis : un gigantesque arbre est tombé, arrachant tout sur son passage. Non loin de ce puit de lumière, un des humains découvre un crâne de félin sur le sentier. Les voilà tous accroupis, le nez penché sur ces restes de cadavre, à la recherche de quelque canine ou autre ossement qui faciliterait l’identification. Mais l’obscurité de la nuit les rattrape bien vite et ils retournent d’un pas décidé au grand carbet rejoindre tous les humains pour partager le dernier repas commun. Une fois repus pour la quatrième fois de la journée, ils allument un grand écran pour regarder des vidéos et photos d’eux-mêmes. Ils commentent et rient en même temps, certains sont même prêts à s’endormir à même le sol. La nuit est entamée depuis au moins trois heures quand la jeune femme et le kayak reprennent la route des criques pour retrouver le grand bateau blanc.
Lola
Le 12/01/2023
Aujourd’hui c’est le départ de l’ADNG, le vrai. Nous ne reviendrons plus dans ce lieu qui nous a accueillis pour Noël et depuis trois jours. Ce lieu si simple. J’aime être ici parce qu’il y a seulement ce dont nous avons besoin. C’est épuré, sobre, rempli de bois et de verdure. Je commence cette journée en écrivant un mail pour mes parents. Je me suis levée très tôt après une nuit presque blanche. Mon cerveau avait besoin de temps pour digérer la journée de la veille qui fut riche en émotions pour moi. Mais l’écho des discussions intéressantes et réconfortantes avec Ismaël et Christophe me permet de commencer la journée en étant remplie de joie et de gratitude.
Il faut s’activer, le petit-déj est fini, il est 8H12 et dans une heure nous devons avoir quitté les lieux pour rester dans le timing. La musique d’ambiance s’enclenche automatiquement dans ma tête pendant que je m’envole vers la cuisine. Il faut récupérer tout ce que nous avons amené, des daphnies au chocolat en poudre en passant par le beurre demi-sel en boîte et le beaufort suintant. Allez, on replie son hamac do Brazil et sa moustiquaire, on passe le balai dans son carbet, on nettoie la boue et on ramasse ses t-shirts moisis.
Ça y est, nous voilà sur le départ, on charge les kilos de sacs dans l’annexe. Mais...loupé, elle ne veut pas partir bichette. Son moteur, comme nous, a beaucoup trop pris l’eau ces derniers jours et a décidé de faire grève pour cause de surhydratation intempestive. Nous faisons donc les aller-retours à la rame. Moi, je fais partie du dernier convoi avec Lola, Chad et Yann. C’est impressionnant de voir au loin le bateau se tenir là au beau milieu de la forêt amazonienne. Je considère la poésie du moment, bercée par le bruit de l’eau qui se fait caresser par nos pagaies. En s’approchant, on devine un équipage qui s’affaire sur le pont. Des cordages sont tendus pour faire sécher des vêtements tels de grandes guirlandes colorées qui profitent des rares rayons de soleil et de vent. Je remercie intérieurement ces lieux qui nous ont vu grandir un peu, les arbres qui bruissent quand les oiseaux s’élancent. Je remercie aussi cette eau qui nous permet d’avancer et de voir notre reflet. Je me dis que ce reflet qui nous lie à l’eau est aussi ce qui nous lie à l’autre. On ne peut prendre conscience d’un comportement que s’il est tourné vers autrui. Sa réaction vient nous dire quelque chose de nous et je crois que c’est pour ça que nous sommes des animaux grégaires. Nous avons besoin de vivre ensemble pour savoir qui nous sommes. Sans l’autre, je n’ai pas de reflet et donc je ne sais pas si j’existe. Nous sommes chacun les témoins de l’existence de l’autre et je suis honorée d’être le témoin de l’existence de chacune des personnes qui vit sur cet univers à voiles depuis quatre mois.
Nous enlevons ensuite les amarres qui nous retiennent encore à Crique Rouge et entamons notre retour vers Saint-Laurent pour la dernière nav’ d’Élora. Je me rends compte que la dernière fois que j’étais de texte c’était aussi lors d’une arrivée dans notre beau mouillage épavien. Et justement, en parlant d’épave, un grand désarroi s’abat sur nous au moment d’arriver : on nous a volé notre bouée ! Sans vraiment d’autre choix et à contre cœur, nous nous installons sur la bouée d’à côté.
À peine arrivés, chacune et chacun vaque à ses obligations. Dentiste pour les uns, courses pour d’autres ou encore gestion du linge et rangement du bateau. Il ne reste que Christophe qui part pour une mission inconnue, sans ordinateur…Mystère…
S’en suit un plein d’eau à la rame et un repas de folie qui me fait sourire jusqu’aux cheveux : tartine de coulommiers fondu. Un vrai rêve éveillé ! Et mélangé à des dachines c’est une première, un vrai repas Guyano-Normand comme on les aime. Pour clôturer la journée nous entamons notre session nocturne quotidienne de soignage de bobos sur la table à carte, qui, à défaut de carte, se transforme en table d’opération.
Et me voilà au chevet d’une journée bien remplie et fatiguée, lui tenant la main pour qu’elle s’éteigne en douceur en me préparant pour accueillir celle qui naîtra dans quelques heures.
-Kat-
Portrait d’Arni
Isaac et moi avons rencontré Arni pendant notre session de stop pour Kourou. On pensait faire une blague en tendant le pouce au facteur mais en fait, il s’est vraiment arrêté. Il dit : « Je n’ai pas le droit mais tant pis, je n’aime pas voir les gens galérer ». On grimpe à l’arrière de la fourgonnette jaune poussin de la poste. Il y a un grillage entre lui et nous, des fois des colis remplissent tout le fourgon, le siège passager est plein de courrier. Il roule vite et on s’arrête à chaque piste. Il connaît tout le monde, salue quand les gens sont là. Il aime bien cette tournée qui n’est pas en ville mais sur la route de Kourou. En ville, ils sont plus surveillés et ici, il est plus tranquille. Il distribue des paquets énormes de lettres. Je m’en étonne et il dit qu’il rentre de vacances et que son remplaçant n’a pas très bien travaillé. Certains n’ont pas reçu leur courrier depuis deux semaines. Il avoue qu’il n’a pris que la moitié de ce qui s’est accumulé, le reste est pour le lendemain. Il n’a pas l’air du genre à paniquer pour le travail. D’ailleurs, il a passé 5 ans en métropole, à Angers, Toulouse, Bordeaux. Il a trouvé trop stricte et speed la métropole. Il n’y a pas travaillé mais un peu zoné, avec un sourire, il dit : « Tranquille, j’ai profité ». Il est Amérindien et a grandi à St-Laurent dans un quartier un peu excentré. Il parle Kalina, sa langue maternelle, taki taki avec ceux qu’il livre et français. Kalina ça veut dire porteur de plume. Sa mère est originaire du Suriname, du village de Bizistan, où il nous raconte qu’il y a un caillou, visible seulement en saison sèche, sur lequel est dessiné un monstre mangeur d’homme. On croise un panneau. Il y a une lutte à cet endroit, un projet de centrale menace des villages amérindiens. Les gens se défendent comme ils peuvent contre la déforestation, avec du sabotage, de l’occupation… Arni a l’air proche de cette lutte. À la fin de sa tournée, il nous dépose dans un petit carbet vers un village. « Vous êtes à côté des Amérindiens, vous êtes en sécurité là ». Il est confiant : « Les gens vont vous voir, ils ne vont pas vous laisser au milieu de rien ». Il n’a pas su que ç’a été si galère, une attente de deux heures et demie dans ce carbet… Et c’est mieux comme ça parce que c’était cool de le rencontrer, ça valait le coup.
Élora
Portrait de Killian DADI
Il a 34 ans et est né à Reims. Il y a vécu jusqu’à ses 20 ans. Il a fait un BTS audiovisuel, déjà intéressé par le son. Il a eu un grand frère qui est mort jeune et qui veille sur lui. Comment il a atterri en Guyane ? Il voyageait en vélo au Brésil après une transat et il est venu dans cet endroit qu’il ne connaissait pas. Cela fera 4 ans en mars. « Ce qui m’a plu, la richesse, la diversité et la nature. Surtout les gens, leurs cultures, le fleuve-frontière. Le climat, être en tee-shirt toute l’année. La forêt, les poissons, que la vie est douce et que les gens te disent bonjour ! »
Il est intermittent du spectacle, il fait des ateliers et des spectacles dans les écoles, comme ingé son et musicien. Il n’envisage pas de quitter la Guyane pour l’instant, il est passionné par la musique, le voyage et la voile, c’est d’ailleurs grâce à cette dernière passion que nous nous sommes rencontrés, dans le cadre de l’école de voile Vent d’Ouest où il est un genre de bénévole permanent et quasi tout seul sur la période où nous étions là. Il a voyagé en Asie centrale et beaucoup en Afrique mais quasiment pas en Amérique du Sud, sûrement ses prochains voyages. Pour le décrire, il est grand, barbu, il a des lunettes, il a l’air coooollllll. Il aime checker les gens, il est souvent souriant et paraît ouvert aux autres et positif. Nous avons fait de la voile avec lui, mais aussi de la musique.
Le 13/01/2023
Aujourd’hui nous nous sommes réveillés comme d’habitude avec un bon déjeuner et un pagne pour chacun, un cadeau de Christophe. Après ce beau cadeau, les tâches nous rappellent à l’ordre. Moi j’étais de pont avec Ismael et Robin. Après avoir nettoyé le pont Robin nous a dit qu’il y avait une visite au bagne et qu’il voudrait y aller, évidemment je lève la main comme la plupart du groupe, du coup on prépare nos affaires, on embarque dans l’annexe et on rame jusqu’à la terre. Un fois arrivés, on va à l’office de tourisme pour demander 9
places, 4 adultes et 5 enfants, et Mathys était content d’avoir une place adulte. On arrive devant l’endroit avec nos tickets à la main. Robin nous lit l’histoire du bagne, le commencement, etc… Puis on entre et un monsieur nous dit de nous asseoir. Après 10 minutes d’attente, le guide est arrivé, il nous a parlé du bagne pendant au moins 20 minutes puis on a commencé la visite. On a fait une pièce où on voit le profil des bagnards, puis les cellules collectives où ils étaient tous entassés les uns sur les autres et les cellules seul où ils étaient attachés à la cheville gauche. Après cette longue visite de 2 heures, Christophe et Anouk nous ont rejoints et Christophe nous a dit : « J’ai été voir un restaurant, pour savoir si c’est un problème si on arrive à quatorze, elle a dit non mais il y a un autre restaurant qui a l’air mieux, on va aller voir. » Donc nous partons Christophe, Anouk, Chad, Mathys, Matis, Isaac, Robin, Elora, Lola et moi en direction du restaurant. Quand on arrive on demande : « Si on arrive à quatorze est-ce que c’est un problème ? » Elle dit que non donc on s’installe et on commande. Le temps que Kat et Ismaël arrivent, on avait nos soupes et des assiettes. Je me dis : « Oh des poivrons trop bien ! » Puis une fois le truc dans ma bouche je me rappelle qu’il n’y a pas de poivron en Guyane…
Ça commence à piquer et il n’y a pas d’eau, ça passe au bout de dix minutes. Je tourne la tête et je vois qu’ils sont déjà tous en train de manger, moi je n’ai pas réussi à manger plus de la moitié de ma soupe. Une fois le repas terminé, on retourne tous au bateau, une fois arrivés on commence à préparer le bateau pour la nav’ direction la Dominique. Élora et Robin préparent eux aussi leurs affaires mais c’est parce qu’ils repartent en France. Là, j’entends Elora crier : « Oh non, oh non ! » Je sors vite de bâbord pour voir ce qui se passe et je la vois trempée avec ma lettre à la main. Élora a sauvé ma lettre. Une fois ma lettre séchée, leurs affaires préparées et les câlins faits, ils montent dans l’annexe. 15h30, on repart à terre à côté du Coin Couleur. On rejoint Killian. On installe les instruments, les enceintes et les micros puis Matis, Mathys, Kat, Chad et Yawenn commencent à faire de la musique. Pendant ce temps à leur droite sur la plage Ismaël cherche des petits trésors de Guyane et Christophe lui aussi sur la plage cherche des graines. Derrière nos amis les musiciens Anouk est perchée dans un arbre en train de dessiner et à leur gauche il y a moi qui ai trouvé un copain circassien qui a commencé à m’apprendre à jongler à deux massues. Après avoir jonglé pendant une heure, j’ai été voir une femme qui tricotait et qui m’a expliqué qu’elle allait faire un petit sac et qui m’a fait essayer. Pendant cet essai, il s’est mis à pleuvoir, on s’est tous précipités sous le carbet du Coin Couleur. Chacun a remballé ses affaires, on est retournés au bateau et avec le ventre bien rempli on est partis dormir.
Tallia
Le 14/01/23 - Le début de la fin pour la 2ème France
Aujourd’hui nous partons, nous partons pour plus de bonheur, nous partons pour plus d’aventure, nous partons pour la Dominique. Nous arriverons avec plus de 6 mois de voyage, nous sommes presque à la moitié et je sens que ce voyage va me changer. Je sens que ce voyage va me rapprocher des personnes que j’aime en espérant que mes conneries partiront pour toujours. Voilà cette journée je vais vous la raconter.
Il est 11 heures et nous partons à terre pour préparer notre spectacle à Saint-Laurent.
Bon, les invités viennent un peu en avance, pas grave Océane va les retenir. Le stress augmente dans le corps mais c’est bon, le spectacle commence et je pense à une musique de XXX Tentation qui se surnomme Moonlight. À la fin de cette prestation, je suis fier de moi et de nous ! Départ pour Latitude Cirque, mais avant il faut amener le bateau au ponton là où il doit y avoir 1m30 de fond.
Mission accomplie, tout le monde à bord et nous partons pour Awala !
Une petite nav’ nous attend mais je sens qu’elle va passer très vite.
C’est ce qu’il s’est passé : 3h de nav’ on aurait dit 5 minutes. En même temps, on s’est bien amusés, on a fait de la guitare, on a mangé et on a papoté. Enfin nous voilà à Awala. D’un côté se lance un concours de salto triple vrille double flip et de l’autre s’élance un Joul. Bref, c’est l’heure de dire au revoir et pour moi c’était un plaisir de faire leur connaissance.
Mathys