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26 janvier 2023

La traversée de l'Atlantique : Cap-Vert/Fernando du 18 au 25/11

Le 18/11/2022. « Yawenn a vomi sa banane » par Philippe Katerine. Ou « va te voir dans le four ». 

Premier jour de navigation.


Ce jour-là, j’étais aussi de cuisine avec Yawenn, mais il était malade, il a vomi toute la journée et il a fini au lit vers 17 heures après avoir mangé une banane d’où le titre.


Ce jour-là, une bonne partie de l’équipage, dont Ismaël, a ressenti la fatigue des derniers jours d’escale et de la préparation de la traversée, conjuguée aux mouvements désordonnés de la houle.

Ce jour-là, nous nous sommes réunis entre grands pour défaire des nœuds, Kathleen (alias Vanessa) voulait que je raconte ça en mode télé-réalité mais moi (alias Dylan) j’avais grave la flemme.

Ce jour-là, Kathleen a coupé les cheveux de Mathys dans le filet avant et quand il a demandé ce que cela donnait la phrase : « Va te voir dans le four » a été prononcée.


Ce jour-là, nous avons parcouru 185 milles nautiques en 24 heures et tout l’équipage a fait un grand nettoyage du pont à l’eau de mer, avec des brosses, pour faire partir la crasse de la ville.

Ce jour-là, les parties d’Awalé se sont enchaînées sur le pont, ainsi que les concerts avec guitares et chants.

Ce jour-là, des baleines ont soufflé derrière nous et montré leurs caudales de rorquals tropicaux.

Ce jour-là, j’étais content d’être là et de me dire qu’on était partis pour une nouvelle traversée vers cette île de Fernando que j’adore.Cette nuit-là, le 18, mathématiquement je n’ai pas fait de quart de nuit, puisque j’étais de premier quart le 17 et de dernier quart le 19 (ça c’est pour les matheux).Publié le 26/Ce jour-là, on a surfé sur les vagues, nous avons quitté les eaux cap-verdiennes et dépassé les dernières îles, sans les voir.

Ce jour-là, j’ai pensé à Félix, à Lila, à Véro, aux autres membres de l’équipe, à la famille ROUX-SIRE et à Benjamin.

Ce jour-là était un jour parmi d’autres sur Grandeur Nature. 

Christophe


Le 19/11/22. « Étoiles doubles »


Ce matin, c’est lecture du livre sur l’univers. Anouk est à la barre et je m’installe à côté d’elle avec Yawenn pour lire à voix haute. Plus tard, Chad rejoindra l’équipe des petits astronomes en herbe que nous sommes. Nous abordons le chapitre sur les étoiles doubles. Elles naissent à partir du même nuage de gaz et de poussière. Elles peuvent être deux, trois, quatre et même plus à naître en même temps. Une fois nées, les étoiles doubles passent leur vie à tourner l’une autour de l’autre. Elles dansent en cadence dans un mouvement infini, et quand l’une passe devant l’autre elle cache sa lumière au passage. Vu qu’à ce moment-là sa luminosité chute d’un seul coup, nous, de loin, on a l’impression que ça clignote.

Un beau jour, quand la plus grande a perdu toutes ses réserves d’énergie, elle commence à venir arracher la sienne à sa compagne. Elle en amasse tellement qu’elle déborde, sa surface explose brusquement. Elle s’illumine alors violemment pendant plusieurs heures, c’est ce que l’on appelle une Nova. Après la crise, son éclat diminue peu à peu et tout redevient comme avant. Et quand, c’est au tour de la seconde étoile, ça recommence et ainsi de suite.


Ce passage m’a passionnée parce que je trouve qu’il illustre bien ce que nous pouvons vivre dans les relations. C’est un peu comme une valse sur la musique de la vie. On s’attire et on se repousse, on suit le rythme de nos émois. Parfois, comme la grande étoile, on prend beaucoup de place dans la relation, tellement de place qu’on aspire l’énergie de l’autre. De l’autre dans toute sa beauté d’étoile, dans toute sa lumière. On l’aspire tellement fort qu’on finit par exploser. On nie, on pleure, on crie, on est tout rouge à l’intérieur. Puis le silence se fait, le calme revient et on peut s’écouter, se rejoindre. Reprendre la danse où on l’avait laissée. On a appris de nouveaux pas. On sent mieux le tempo de l’autre, celui qu’il a dans la tête et dans le cœur. On lui offre, dans cette valse, une place pour qu’il nous montre à quelle fréquence il bat.

Kathleen


Le 20/11/2022. « T’as un grain toi ! »


Ça fait quelques jours qu’on a quitté Mindelo et, bien installés dans nos alizés, on voit passer des petits cumulus. On les observe, on en parle, certains commencent à dire que « c’est lui, là, qui nous fait du vent » en montrant un petit cumulus humilis ou un rondouillet mediocris.

Du coup, on en a parlé de ces fameux grains. Ce sont des nuages cumuliformes qui influencent le vent en surface. Ils se déplacent avec un vent plus en altitude, donc souvent, ils viennent de la droite (dans l’hémisphère nord) quand on regarde face au vent, mais parfois, ils font juste n’importe quoi.

Soit, ils se chargent et font comme quelqu’un qui aspire l’air vers le haut, soit ils se déchargent avec la pluie et font comme s’ils soufflaient de l’air froid vers la surface de la mer. Ça, c’est souvent quand ils sont un peu gros, genre congestus.

Niveau ressenti, du coup, on a un courant d’air froid, une variation de direction et de force du vent et de la pluie.

Et puisque, la pluie, on ne l’a pas vue tant que ça depuis le début, ça fait longtemps, alors ça change et ça donne ça dans nos impressions :

C’est Anouk et Kathleen qui ont eu le premier en début de nuit. Je sors de ma vaisselle et entends Anouk dire : « Ouh ! Il se met à faire froid d’un coup. »

Je demande : - « Le vent a tourné ? »

- « Non… Ah ! Si ! » répond kath. « Ça y est, on a pris 10-15° ! »

Isaac dira : « C’est marrant, on est passés de la théorie à la pratique. »

Alors il y a les enthousiastes genre Kath : « Eh, mais il faut en profiter et prendre des douches ! Ouvrez la glacière, on la remplit d’eau douce ! » Elle chante la chanson de la pluie de Bambi et avec Anouk, elles virevoltent en réglages de voile tout leur quart.

Ou bien Matis-Kirikou qui fait semblant de « Oh non, pas la pluie... » puis une fois dans le grain : « Wouhou ! On dirait que je fais un truc héroïque ! Je protège les coéquipiers de la tempête ! »


Et puis il y a ceux qui ont l’air de ne pas trop aimer ça. Christophe dit : « C’est humide… enfin, on était contents de laisser un ciel dégagé pour les suivants. »

Ou bien Mathys-Morgan qui, descendu quand il ne pleuvait pas encore, dit : « Quand je suis remonté, c’était la grosse pluie, je suis resté faire un point. » pendant que Chad : « On s’est fait mouiller comme des fous ! On a trempé nos cirés en deux minutes et jusqu’aux os même ! »

Et puis Yawenn, le Breton habitué : « Boh, on est juste sous la pluie quoi... »


Cette première nuit de pluie a donc amené des discussions sur la Bretagne où Isma a vu son premier « mur de pluie » à Erquy et sur cette drôle de ZIC (Zone Intertropicale de Convergence) où finissent par s’entasser les grains en bout de course.

On parle de la malédiction d’Isma qui a toujours de la pluie dans ses quarts et du pouvoir de Christophe qui repousse les grains par la force de l’esprit.

Elora.   

  


Le 21/11/2022. « Entre zic et zic, on traverse l’atlantique »


Petite pensée pour Seb ce matin, qui nous fait notre routage et qui tous les deux jours nous envoie des petits messages. « Eh, aujourd’hui vous êtes dans la zic les amis ! »

Zic : la Zone Intertropicale de Convergence.  Qu’on reçoit par téléphone satellite. De grain en grain, pas un quart sans pluie cette nuit : Kath, Anouk et Chad ; Mathys et Isma ; Christophe, Isaac et Matis et enfin Elora et Yawenn. Chaque fois le constat est le même : il pleut, ça mouille. La journée c’est pareil, l’énorme amas des jolis petits cumulus humilis de tout l’Atlantique Est s’est entassé ici, au 3 degré Nord.

Hier Elora a eu du flair et nous a fait un cours sur les grains, avec travaux pratiques aujourd’hui même : le vent qui forcit de manière spectaculaire, une vague d’air froid, une grosse masse sombre, un gros nuage parfois orageux, parfois pluvieux, faisant un peu ce qu’il veut.



Autant d’indices qui ne trompent pas : des grains ! Et ce, un peu partout autour de nous.

Pas de doute, la Zic est sur nous. Alors on s’équipe de notre bon vieux Guy Cotten, ou bien le maillot de bain pour d’autres.

Tout le monde est paré pour braver cette quatrième journée en traversée. La mer est agitée, la houle varie dans tous les sens, tantôt formée, tantôt croisée et parfois toute plate. Je profite des quelques accalmies pour sortir mes jumelles.

Ça faisait longtemps que je n’avais pas pris le temps de regarder les oiseaux, sortir mes guides, bosser les critères d’identification, d’âge…chez les Pélagiques.




Les petits bouts de rochers St-Pierre et St-Paul ne sont pas loin, l’Équateur approche. On sent que les concentrations d’oiseaux se font de plus en plus fréquentes… Dans les pêcheries, les espèces tropicales se font de plus en plus fréquentes : Fous à pieds rouges, sternes fuligineuses, noddis bruns, océanites frégates…Ces évolutions de cortèges, uniques témoins de notre avancée vers le Sud... J’aime observer les ballets et les piqués de ces virtuoses du vol à voile qui nous inspirent depuis des millénaires et qui sont à l’origine de tous nos voiliers et des avions.

C’est peut-être finalement ce qui m’attire le plus dans la voile : avancer avec le vent, au rythme des éléments, comme les oiseaux. C’est décidé, quand je rentre, je me mets au parapente.  Ismael.                                                                                                                                                               

                                                         

Le 22/11/2022. « Les fous et les adultes »


Un lever tranquille mais toujours en navigation ; l’heure du repas arrive et on observe les oiseaux qui essayent d’attraper les poissons volants. Les jeunes fous masqués ne sont pas expérimentés mais les adultes y arrivent au bout de la vingtième fois. Petite session baignade pour Grandeur Nature et l’équipage retrouve le sourire car on attendait tous ce moment. 




Ismaël me montre comment bien plonger et j’y arrive avec trois essais.  Après cela Christophe nous lit « Bahia », un livre sur le brésil où ça parle de pauvreté, j’aime bien ce livre. Ça commence à mouiller et tout l’équipage se met en ciré, l’eau claque contre les étraves et vient nous fouetter. On réveille Christophe qui nous aide à prendre un ris et nous allons nous coucher.

Matis



Le 23/11/2022. « Passage de l’équateur »



Ça y est nous sommes à 120 Milles de la ligne 0, vous me demanderez ce que cela fait de la passer mais bon, je vous raconterai à la fin du texte. Ce matin je suis de carré tribord avec Elora et Isaac. Après un coup de ménage, je me lance dans le rangement de ma cabine, soulever mon matelas, etc…


Après c’est l’heure du travail de tête ; je me lance dans l’écriture de texte car j’ai une inspiration de ouf !!! Cela me fait plaisir.  Ensuite après un repas de polenta, je me lance dans 1h de barre et à ce moment-là je me dis : « Mais pourquoi ne pas faire un gâteau au chocolat ? ». Je propose à Kath mais elle a des choses à faire. Isaac est chaud de le faire, alors go, il lance la pâte, mais avant la dégustation un grain-douche :  c’est un nouveau concept, tous à poil et on va dehors.  Enfin, pas vraiment à poil, hein.

Après la dégustation de notre brownie, Chris nous lit un chapitre du « livre co », ensuite moi je prends une douche à la jupe. Enfin, viennent les quarts, moi je suis avec Kat durant ces 3h. Nous parlons de tout et n’importe quoi. Je réveille le 2ème quart en disant bien de venir me réveiller pour le passage de l’Équateur. Chad vient me réveiller à 2h10, il reste 10 Milles avant le passage 10/9/8/7/6/5/4/3/2//1 ! « ON A PASSÉ L’ÉQUATEUR ! » Je vais vous dire ce que ça fait : c’est comme réaliser un rêve. Maintenant 2ème rêve : aller à New York avec ma tante et ma cousine, dédicace à toi d’ailleurs, et voilà c’est la fin, bises.

Mathys Mooggy/yk_noupix


Le 24/11/2022 « Du repas… au seau »


Ce matin, je n’ai pas trop envie de sortir la tête de mon lit, car une autre journée de mal de mer, ça ne m’attire pas trop. Mais bon, faut se forcer ! Alors, je sors la tête de mon oreiller, enfile mes habits et enfin je quitte la coque bâbord. Isaac est de petit-déj, il nous a préparé un super porridge ! Après le petit-déj, j’apprends que je suis de cuisine avec Elora. Aïe ! Mon ventre ne va pas aimer ! Mais bon, c’est le jeu ma pauvre Lucette ! Après avoir coupé des légumes et dégueulé dans un seau mon petit-déj, le repas est enfin prêt ! (patates, mafé et tartines de poivron). 


Par la suite, la vaisselle : mon ventre n’a vraiment pas aimé ce moment-là ! Heureusement qu’Elora était là ! Elle lavait la vaisselle et moi je la séchais à l’extérieur. Ensuite je vais faire une petite sieste, rapidement interrompue par Matis (Kirikou) et Mathys (Morgan). Après une petite douche à la jupe, on attaque mon contrat, puis l’heure du goûter est arrivée. Au menu, noix de coco et citronnade ! Enfin vient la fin de la journée. Je vais me coucher après avoir vomi mon repas…Yawenn Leroy  




Le 25/11/22. « DEUX MOI »


Aujourd’hui c’est assez spécial car on est le 25 et c’est jour que je dois raconter sauf que l’âme pleine d’inspiration j’ai écrit un texte que vous allez lire. Le texte est signé Malo car c’est mon nom de scène.

Deux moi - par Malo :

Depuis 2 mois ma vie a complètement changé,

J’embarque à bord d’un projet en quête de liberté.

Mes problèmes sont sortis du terrain, d’autres sont entrés.

Certains peuvent être réglés, d’autre me font sentir que,

Mes voiles hissées, je n’avance même pas à moitié.

Mais j’oublie tout ça en plongeant dans chaque grosse vague.

Sécher les cours à p’t être été ma meilleure connerie

Les conséquences d’mes actes au final sont magiques.

Des plages, balades ou nav’ presque toutes idylliques.

En partant de Sète j’savais qu’ j’allais jamais revenir.

Enfin l’autre moi n’allait jamais pouvoir s’en sortir.

Tant de nouvelles découvertes j’pourrais faire une liste…

D’abord y’a Gaël Faye cet artiste dont j’suis fanatique

Ces couplets, ces lignes m’emmènent dans un monde utopique.

Ensuite y’a les quarts, les nav’ sans aucun moment triste

Là où corps et esprit dansent ensemble sur la même piste.

Ensuite y’a les moments sombres que l’on n’éclaire pas
Donc ce n’est pas ici que j’vais vous en faire part.

Aujourd’hui sonne la fin d’la nav’, on est arrivés.

Brésil nous ouvre ses portes on va p’t être y accéder.

Mais à mes camarades ce sera d’vous raconter…

Chad/Malo




24 janvier 2023

La Guyane c'est finie !


Aujourd’hui c’est le 12, on quitte l’ADNG, on a rangé nos hamacs, vidé nos carbets et retrouvé notre catamaran au milieu de Crique Rouge. On commence à préparer notre départ, maintenant, on est rodé, c’est mission « super U » en sacs à dos, le plein d’eau à la rame parce que notre moteur est en arrêt maladie et session dentiste pour Tallia et Isaac. Le soir on se retrouve tous pour partager des supers tartines de coulommiers et ça c’est précieux après trois mois et demi de désintox.


Le lendemain matin au petit dèj, on a le droit à une petite surprise de Christophe qui, tel Mary Poppins, n’en finit pas de nous sortir des pagnes hauts en couleurs de son sac à dos qu’il est parti chercher au Suriname la veille, tradition Grandeur naturienne oblige ! On a chacun le nôtre et on en est super fier ! Ensuite, c’est visite du bagne et dégustation de soupe Mong au restaurant. On se régale en partageant un petit moment convivial pour profiter des dernières heures avec Elora et Robin. Et oui, c’est le jour du grand départ pour notre capitaine solaire. Depuis le 24 septembre nous sommes ensembles, ce qui fait 112 jours de vie commune, de partages, de rires, de découvertes. 112 jours de relations qui se créent, de liens qui se tissent, lentement, maille après maille. De quart en quart, les philo fables et les anecdotes de marins, nous on fait découvrir un petit bout de qui est Elora. Nous la remercions d’avoir embarqué à nos côtés pour déguster ensemble cette petite tranche de vie et nous lui souhaitons bon vent pour ses nouvelles aventures glacières.


Vers 16h, on se retrouve tous au point couleur car on a été invité par Killian à faire une Jam, tous les zikos du bord sont excités à l’idée de jouer sur des guitares électriques et de vrais djembés. Il y a même une batterie. Au mic’ ce soir, c’est Malo allias Chad qui nous livre un texte qu’il a écrit. C’est la première fois qu’il rappe en public et c’est un exercice difficile alors encore bravo !


Nous voilà arriver au 14 janvier, nous partons de Saint Laurent du Maroni en direction d’Awala, non pas à douze, mais à une trentaine, parce qu’il y a la tribu de Latitude Cirque qui vient avec nous. On a amené le bateau directement au ponton et on fait embarquer les gens. Après avoir mangé, chacun passe un après-midi tranquille sur le bateau : certains sont à l’étrave en attendant de se faire mouiller, d’autres sont allongés sur le pont, il y en a qui grimpent dans le baby ou qui jouent de la guitare. Il y a même un atelier coiffage dans le filet. Quand on arrive à Awala, on plonge direct à l’eau, certains font un loup prénom, d’autres un joul (jeux collectif guyanais ou il faut beaucoup courir) et d’autres encore se déhanchent sur du Banamba. Le temps « des au revoir » est venu, câlins à tout le monde et nous retournons au bateau le cœur rempli de joie d’avoir rencontré des personnes aussi extraordinaires, créatives, douées et généreuses.

Le lendemain matin, c’est le grand départ, nous prenons le large pour entamer notre périple vers la Dominique. C’est fini les Kikivis, fini les vêtements moisis, la pluie et les moustiques. Maintenant place aux caraïbes. Ce sera la première navigation de Tallia. Elle se met à la barre et passe les bouées comme une chef. On finit enfin par hisser les voiles et à voguer sur l’océan. L’après-midi, on s’installe dans le cockpit autour du barreur pour entamer notre groupe de parole hebdomadaire. Ça faisait longtemps que l’on en avait pas fait un en mer, il faut se concentrer pour écouter celui qui parle, on s’offre de l’attention en s’écoutant car la parole est précieuse. C’est le moment de regarder en soi et de faire le bilan de l’escale Guyane.


Voici venue l’heure des quarts. Le premier de Tallia et le bilan au lendemain de cette nouvelle expérience c’est : « C’est trop cool on a chanté des chansons en faisant des jeux avec Yann et Isaac. On est que trois, du coup on apprend à mieux se connaitre et en plus on a le droit à un gâteau ! Et puis aussi, c’est fatiguant parce que t’as envie de dormir mais…T’as pas le droit de dormir. »

On entame des journées pleines de soleil et de vent, on oscille entre travers et bon plein avec un Nord/Nord Est qui sera notre compagnon pendant toute la nav’. Nous avons un rythme plutôt régulier, comme d’hab en navigation. Le matin, les z’adultes se réunissent à tribord pour parler des contrats et préparer les randos pendant que les jeunes, en théorie, font leur travail de tête en faisant avancer le bateau. Ensuite, on mange et chacun vaque à ses occupations, baignade, douche, lecture, sieste, ou encore coup de soleil et mal de mer. Ensuite à 15h10, place au cours d’anglais animé par Chad, armé de son tableau velleda géant et de ses feutres à moitiés vivants. Il nous aide à apprendre les bases qui nous permettrons de nous débrouiller en randos. Et oui, en Dominique, on parle l’english, Yéman younowatamine ! Doyouno wérise ze aïesscrimshop ? Ensuite, c’est l’heure du gouter accompagné de la lecture collective. C’est le grand retour de Matis Kirikou, qui finit de nous raconter les aventures Morpurgesque du Titanic. Encore une histoire qui se termine et les qualités de conteur de notre Matou Batman ne font que s’accroître de livre en livre. Le lendemain, ce sera au tour de Christophe, dans un autre registre, avec la lecture de « Géographie politique de la Caraïbe ». 


C’est aussi le moment de lire les textes que nous avons accumulés depuis la Guyane, on a au moins 5 jours de retard dans les lectures, alors il faut s’activer ! Après ce moment tranquilou, on ne mollit pas et on se met en place sur le pont pour entamer la séance de muscu quotidienne, on s’y tient et ça fait du bien au corps et au cœur. Un bon moment de rigolade et de transpiration conviviale dans la plus belle des salles de sport en tenue adaptée bien sûr : pagne et maillot de bain ! Après ça, pendant que les cuistos cuistotent c’est session guitare au coucher du soleil, ça chante et ça sourit, la vie quoi !

On aura fait environ 202 milles par jour pendant cette petite nav’, sur GN on est Ré Gu Lier !

Nous voilà déjà arrivés au dernier soir de mer, on profite des derniers rayons du soleil qui se couche sur la Martinique que nous longeons par la côte Est. Les nuages roses et oranges se dissipent pour laisser place à la nuit. Nous arrivons au petit matin à Portsmouth, pour l’occasion, notre sondeur nous lâche et nous devons mouiller grâce aux souvenirs des anciens, au savoir-faire de Yann et à notre fidèle sonde à main. Nous retournons nous coucher pour trois quart d’heure de fin de nuit et nous nous faisons réveiller par un chant de sirène accompagné de flûte traversière. On découvre alors au lever du jour les montagnes verdoyantes de la Dominique et on se prépare à passer une escale pleine de nouvelles rencontres, de cascade et de vie ! Et comme dirait Bob « Every little things gonna be alright ! ».

Katlheen et Tallia


17 janvier 2023

Lettre collective du 10/01/23


Après un arrêt express à Saint-Laurent, nous voilà déjà repartis pour la remontée du fleuve. En fin de soirée, on arrive à Saint-Jean, pendant la navigation, nous sommes passés devant la charbonnière, terre rouge et avons slalomé entre les bancs de sables et roches de l’île aux lépreux. Heureusement que Christophe se souvient si bien de tous ces endroits et de comment les passer !

En vue de la barge de Chloé, on préfère rester à l’écart pour dormir. À Saint-Jean, on ne se sent pas encore assez prêts pour présenter notre spectacle, on préfère répéter et peaufiner des passages, puis jouer avec les enfants du village en leur proposant un atelier cirque. Zoé nous fait les traductions, fait régner l’ordre parmi ces troupes de footballeurs et de circassiens.



À partir de ce moment là, nous avons pris notre rythme de cirque et de spectacle : le matin après le petit déjeuner et les tâches, nous partons pour une petite navigation jusqu’au village suivant. À notre arrivée, nous allons à terre nous balader, dire bonjour et prévenir les habitants du village que nous leur proposons vers 15h30 un spectacle de cirque ainsi que des ateliers pour les enfants et aussi un peu pour les grands. On retourne manger au bateau et c’est le temps calme du début d’après-midi. Le moment de travailler nos textes, avancer nos responsabilités ou toute autre chose. À 15h, nous retournons à terre pour nous préparer, aménager notre scène, s’échauffer et accueillir notre jeune public. Lola virevolte pour que tout se passe du mieux possible. Nous, on se concentre autant qu’on peut pour être fier de notre spectacle. Il y a souvent des rires, surtout quand Isaac dégaine son cheval et débarque au milieu de la scène. Il y a aussi des sourires quand on jongle, des exclamations quand on tombe des épaules de nos coéquipiers et que les autres sont là pour nous rattraper et nous relancer en l’air.

Apres le salut, nous nous mélangeons avec les enfants pour les entrainer vers des activités : un jeu collectif de cirque pour se rencontrer puis des ateliers de jonglage, portés, bulles, kapla ou foot. Jusqu’à l’heure ou nous sommes obligés de rentrer pour manger au bateau, à chaque fois on profite de chaque minute jusqu’à la dernière.



Tout cela est coloré par des aventures intempestives. À Pimpin, il a tellement plu que nous avons retardé le spectacle, préférant apprendre le joul (jeu jouka) dans la pluie et la boue en fabriquant des barrages et en espérant qu’ils tiennent, en vain. On est sous un magnifique manguier et à chaque bourrasque, une mangue ou deux tombent et les enfants se précipitent, c’est au premier qui l’attrape de la manger. Certains sont très forts et ce n’est pas toujours juste mais le jeu en vaut la chandelle et on s’y met presque tous. On nous en offre également et elles sont très bonnes.

À Bastien, on a subi une attaque de mélipodes pendant l’échauffement. Tallia en a plein le T-shirt et Robin se retrouve avec une douzaine agrippées à son cuir chevelu. Ils courent partout et on finit par réussir à les immobiliser pour les sauver. On a fait un loup objet puis des belles balades et baignades sur la plage. Le village est vraiment très joli et bien entretenu.

Sparouine est un village un peu plus grand, il y a même une école. C’est le village où vit la famille de Claudio, il nous rejoint avec Yann et Sophie, c’est l’occasion de leur montrer notre spectacle. C’était important pour nous car ils nous ont beaucoup donné. Il pleuvait fort et heureusement que nous avons eu la salle polyvalente à notre disposition. Tout ça pendant que le bateau faisait des acrobaties autour de son ancre.

En pensant arriver à la forestière, on se trompe, on se retrouve à Anaoela Onde, le village juste à côté. Ça nous fait bien rire et on remouille au bon endroit. Là-bas, les enfants sont très affectueux, ils nous font des câlins, nous tressent, nous les portons. Sur le chemin du retour, nous chantons tous ensemble en se tenant les mains.


Le soir du nouvel an, notre tournée se finit, nous nous éloignons de toutes vies humaines afin de pouvoir dormir loin des feux d’artifices et des pétards. Pour notre dernière journée sur le fleuve, nous choisissons Pimpin, notre village préféré. En posant des questions, nous apprenons qu’ils ont prévu une journée de préparation de couac pour le lendemain matin. Tout le monde en saute de joie, et nous les invitons à passer un moment sur le bateau le soir même.

Aux premières heures du jour, l’équipe couac est prête à presser, tamiser et remuer du manioc dans le pagi (grande poêle) avec de la fumée plein les yeux. Ismaël fait du pain avec les jeunes de Pimpin. Kathleen observe une petite araignée dans les branches du manguier. On partage des bons moments, un repas, du travail, de la sueur et nos yeux piquent tous ensembles à cause de la fumée. Mais l’heure du départ arrive, nous faisons nos au revoir au village et à ses habitants, un peu tristes mais contents d’aller vivre de nouvelles aventures.



Nous rentrons à Saint-Laurent. Sur la route, Yawenn, Isaac, Matis, Isma et Elora préparent leurs sacs et leur départ pour être prêts demain matin afin de partir chez Papillon et Coralie, les amis naturalistes d’Ismaël.

On ne se retrouvera que le 8 janvier à l’ADNG pour se raconter nos aventures:


ANOUK : Vous avez fait quoi pendant ces cinq jours?

YAWENN :  On a fait pleins de soirées jeux de société ! Surtout des Wingspan.

ANOUK : C’est quoi?

YAWENN : C’est un jeu d’ornithologue où tu dois créer une équipe d’oiseaux qui te rapporte le plus de points possible.

ELORA : On a surtout vu beaucoup d’oiseaux en vrai, dans les marais, dans la savane, dans la forêt.

YAWENN : Ah oui, et on a aussi vu deux boas dans l’affut, y’en a même un qui nous a surpris en attaquant juste devant nous.

ANOUK : Attendez, vous êtes allés où, dans les marais, dans la savane ou dans la forêt?

ELORA : Bah, un peu des trois, le carbet de papi et coco et celui des frugivores sont dans la forêt, ils ont juste dégagé un peu autour de la maison pour planter et puis on est allés observer la faune au Pripris Yiyi, c’est des marais juste derrière la savane.

ANOUK : Vous avez vu beaucoup d’oiseaux ?

YAWENN : Ouais, on en a vu pleins, on a vu une buse blanche, des colibris dryades, des toucans, tangara évêque…

ELORA : Et le Jacana aussi !

ANOUK : Attendez, vous allez pas tous me les dire ce serait trop long. Et sinon, vous avez fait quoi chez Papi et Coco ?

YAWENN : On a beaucoup travaillé, on a débroussaillé plein d’endroits à la machette pour pouvoir planter des arbres. On a aussi renforcé l’entrée du terrain que l’eau avait tout raviné et creusé sous le carbet pour y faire un atelier.

ELORA : On a quand même pris le temps d’aller se balader à la montagne des singes et on a passé du temps avec Marie et Baptiste, les voisins chez qui on est allés manger plusieurs fois. On est aussi allés rencontrer les gens du lieu de vie de la LVA.


YAWENN : On y a même fait de l’apiculture !

ANOUK : Eh c’est quoi cette histoire de frugivores ?

YAWENN : Bah, en réalité Joris est plutôt un crudivore ce qui veut dire qu’il ne mange que des choses crues, jamais cuites.

ELORA : Il est aussi instinctivore, ça veut dire qu’il considère qu’en étant crudivore, son corps lui fait mieux savoir ce dont il a besoin. On est allés chez eux le dernier jour, on y a observé des membracides dont Papi est spécialiste et on y a dormi.

YAWENN : Maintenant c’est a toi de nous raconter !

ANOUK : Alors, bah déjà on a mis les deux petits dériveurs de l’école de voile à l’eau et on les a essayés.

YAWENN : Ah ouais, et c’était bien?

ANOUK : Oui, on est allés faire un pic nic mais comme on était trop nombreux pour tous y aller en Nikans, on a aussi pris deux Pico.

YAWENN : Il y avait encore beaucoup de réparation à faire?

ANOUK : Non, mais quand même, on les a fait avec Chad et Christophe, Kathleen et Tallia qui étaient au bateau et le reste du groupe étaient à Saint Jean avec Chloé et Zoé pour faire une ballade. Apparemment c’était cool, Robin a dit: « c’était pluvieux mais avec une bonne surprise sur l’île portal ». Je pense qu’il voulait parler de l’awassa, une danse traditionnelle.

ELORA : Et vous avez eu le temps de faire du cirque?

ANOUK : Oui, on y est allés mercredi, vendredi et samedi. Vendredi, c’était entrainement de bascule, on a pu essayer. Puisque Keziah ne pouvait pas venir jusqu’à awala la semaine prochaine, nous lui avons proposé de nous accompagner à l’ADNG. Il est venu en même temps que Solaine, qui est prof de cirque à Cayenne, son compagnon qui est océanographe, leurs enfants, Jocelyne, Jojo, Andréa, Eric et Océane. On était beaucoup sur le bateau et heureusement il n’a pas plu.

YAWENN : Ouais heureusement, sinon, ça s’est bien passé l’arrivée de Yann?

ANOUK : Oui, il a débarqué en Stop-Kayak au beau milieu du petit déjeuner. Avec toutes ses affaires, c’était marrant.



Nous vous avons conté une petite période de l’ADNG bien remplie. C’était la dernière lettre co d’Elora mais Yawenn et Anouk vous disent à la prochaine fois!


Elora, Yawenn et Anouk.