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11 avril 2015

la lettre de Kaïs et Michel


Lettre collective Samana à Lupéron

Nous arrivons donc à Samana après trois semaines passées sur le banc d’argent. Les sinus sont lavés, les oreilles aussi et, donc, Samana nous apparaît bruyante, polluée, fatigante. Le soir, les bars déversent une musique super forte qui arrive jusqu’à notre mouillage. Du coup, on a décidé de ne pas traîner. Une équipe courses au supermarché, une autre pour les vivres frais, les autres se relaient pour faire les pleins d’eau avec l’annexe et les bidons. C’est long, surtout quand l’unique tuyau du quai manque de pression. Quelques courses à faire, notamment une nouvelle gaffe  qu’un gaffeur, dont nous tairons le nom par charité (mon premier sert à pécher et mon second est un pronom possessif), a fichu au fond de l’eau. Tout le monde s’y met et en deux jours on a fait ce qu’on avait à faire (sans oublier les lessives). Lorsque Marec et Aude arrivent avec un jour d’avance sur nos prévisions, nous sommes prêts à repartir le lendemain. Ils sont tout blancs, ça tranche avec les pains d’épice du bord. Ils nous apportent des nouvelles, des journaux, des lettres perso et aussi leur enthousiasme. Moment sympa. On repart donc fissa sur le banc. Les fichiers météo récupérés par Michel nous promettent 10 nœuds de vent d’Est. On en aura 20 ! Reste que le vent est bien Est et nous filons retrouver notre Home Sweet Home à bonne vitesse. Comme prévu, nous arrivons un peu tôt à l’entrée du banc et nous nous mettons à la cape le temps que le soleil se lève. On en profite pour prendre le petit-déjeuner à la dérive. Puis, le soleil dans le dos (obligatoire pour voir les patates de corail et pour entrer sur le Banc) nous pénétrons dans le sanctuaire de nos amies les baleines. L’enthousiasme de nos deux nouveaux camarades fait plaisir à voir, surtout celui d’Aude qui n’est jamais venue sur le banc et qui n’a aussi jamais vu de baleines à bosses. Quelques pectorales saluent son arrivée en territoire-baleine. On s’amarre à nos bouées et c’est parti pour une petite semaine de wale-watching et d’éclate.
Bon, on ne va pas vous décrire à nouveau comment ça se passe, si vous ne le savez pas, reportez-vous à la précédente lettre collective qui décrit bien tout ce que l’on voit.
Ce qu’il y a de nouveau cette semaine, c’est que nous avons à bord deux personnes supplémentaires : Aude qui va bientôt remplacer Elodie et notre superviseur, Marec, armé de sa « super vision ». On les met systématiquement prioritaires pour aller sur les ailes (si vous ne voyez pas de quoi il s’agit, révisez les nouvelles données sur le site) et là, forcément, c’est un choc pour nos deux cachets d’aspirine : une baleine à bosses, c’est gros ! Les jeunes commencent à confondre les prénoms d’Elodie et d’Aude ; comme si elles formaient déjà une entité indissociable. Bon, il est vrai que c’est un remplacement très fluide : une bretonne va succéder à une bretonne. Côté gabarit, on fait aussi dans la continuité, au niveau de la joie et de la bonne humeur elles font aussi la paire.
Côté nouveauté, nous avons maintenant à bord un club de « tricoteurs » qui le soir, paisiblement, se tricotent leur bonnet de laine autour de la grande prêtresse des aiguilles : Elodie. Ça donne un petit coté décalé à G.N. « La marine n’est plus ce qu’elle était » semblent se dire certaines vieilles moustaches du bord dont nous tairons le nom par charité (mon premier est très velu et mon second ne l’est pas moins).
Et puis, la présence de Marec permet de faire le point avec les jeunes lors d’un « groupe de paroles ». Ce dernier permettra aux jeunes de dire ce qu’ils ressentent, pensent et ce qu’ils ont envie de dire aux autres. Nos journées sont toujours rythmées par une escapade sur le Banc et par des plongées dans le Polixeny et dans des patates de corail voisines. Peu de rencontres pour cette fin de saison. Les baleines semblent avoir déjà pris le chemin du retour avec leurs petits. Bon, on en verra quelques-unes, mais moins qu’au précédent séjour.
Le 6, c’est l’anniversaire de Kaïs : 14 ans et toutes ses dents ! C’est l’occasion de lui dire qu’on l’aime, et, tant qu’à faire de lui faire quelques cadeaux. Jade, de cuisine, y passera la journée, aidée par toute la meute, pour lui faire des choux à la crème. Bon, c’était une expérience culinaire… intéressante. Le reste de la crème pâtissière finira en pan cake le lendemain matin, c’est dire si la crème était réussie ! On lui offre des dessins, des sculptures sur bois, un réchaud confectionné avec des morceaux de canettes, deux bracelets, un mobile, une serviette, un collier qui pue l’enfer, à base d’éponge de mer (Merci Marec), 7 dollards caribéens à la valeur plutôt affective que financière et deux filets à cheveux de « racaille » américain. Bref, une super soirée avec bougies et tout et tout. Ultime cadeau : une plongée nocturne très attendue par nos jeunes plongeurs. Départ à 1 heure du matin en direction de l’épave du Polixény. Les courageux étaient au nombre de cinq : Christophe , Hélène, Elodie, Philémon et, bien sûr, Kaïs (Michel restera à bord pour les compter à leur retour). La lune était au rendez-vous et l’épave avait quelque chose de féerique, au dire des survivants.
Le 8 au matin, nous récupérons notre mouillage. 6 plongeurs s’y mettent : il faut couper les bidons qui assuraient la flottabilité du mouillage, ramener le bout en textile, défaire les passages de la chaîne entre les patates. Bref, une heure plus tard et, après que nous ayons exploser un grappin qui nous servait à nous maintenir en place durant la manœuvre, nous pouvons quitter une dernière fois le mouillage avec une pensée émue pour l’épave du Polixény  que nous ne pensons pas revoir un jour ; vu son état très enfoncé actuel. Nous partons, comme d’habitude faire du wale-watching et nous sortirons du banc en fin d’après-midi par la passe ouest du banc. Vers 14 heures, un groupe d’une dizaine de baleines adultes nous escortera jusqu’à la sortie. Elles passent et repassent si près du bateau que l’on dirait d’énormes dauphins qui jouent avec notre étrave. Une heure durant, elles resteront à une vingtaine de mètres, voir moins, devant nous, à coté de nous, derrière nous, en nous ! On ne sait plus où donner de la tête, il nous manque juste un troisième œil derrière le crâne pour en profiter. Une des plus belles rencontres depuis que nous sommes sur le banc. En tout cas, la plus belle des rencontres en surface. Nous discutons afin de savoir si elles nous escortaient vraiment pour nous dire adieu, ou bien si c’est juste le hasard. A ce moment-là, se déroulait sous la surface un drôle de dialogue entre les baleines :
- Tu les as vus ?
- Qui ?
- Ces humains sur le voilier.
- Oui, oui
- Tu en as compté combien ?
- Une dizaine au moins
- Oh, toi, il faut toujours que tu en rajoutes !
- Ils avaient l’air sympa, non ? On aurait dit qu’ils nous accompagnaient jusqu’à la sortie…
- Arrête avec tes projections baleinomorphiques !
- N’importe quoi !
- Mais si, tu projettes des sentiments de baleines sur des humains. En fait, ils étaient juste là, par hasard !
- N’empêche, ils avaient vraiment l’air sympa et on aurait bien dit qu’ils nous accompagnaient pour notre départ du banc….

Bref, chez les baleines aussi, on s’est posé des questions. Hélène, chez nous, a réglé la question en disant : « J’men fous pas mal, projection ou pas, moi ça me plaît cette idée qu’elles nous ont accompagnées une bonne partie de l’après-midi, pour nous dire au revoir ! ».

On sort du banc, vers 17 heures, direction Big sand Cay, l’île la plus au sud des Turk and caïcos. Le vent est Est-sud-est et nous décidons de passer par le sud de Mouchoir bank, un plateau corallien sur notre route. Navigation sans problème. Arrivée de nuit vers 4 heures 30, mouillés devant une magnifique plage de sable blanc qui ressortait bien avec une lune encore assez puissante. Quelques brèves heures de sommeil, plus tard, nous entamerons l’exploration de cette île déserte et de ses fonds, plus riches que là d’où nous venons. C’est parti pour la collecte des coquillages en tout genre. Philémon nous ramène un très joli « casque » qui pue l’enfer, parce qu’il y a encore une bestiole dedans. Il faudra, sous la pression de l’équipage, remettre le coquillage à l’eau. D’autres récupèrent un pare battage tout neuf, d’un bleu très chic qui complètera notre collection. Hélène ramènera du corail noir en pagaille. Les coffres se remplissent et Christophe se marre en regardant la tête circonspecte de Michel qui se demande comment tout cela va-t-il rentrer sur G.N.
On lève l’ancre le soir  même, après la soupe, direction Lupéron : 75 milles à faire. Miracle, le vent est bien orienté : 25 nœuds d’Est. Du coup, on file d’un bord, au près bon plein, à 7 nœuds de moyenne, toute la nuit. Nous arriverons au petit matin, à « l’heure où blanchi la campagne », sauf qu’ici la campagne n’est pas blanchie par le givre de la Normandie de Victor Hugo : il fait chaud et nous rentrons dans la mangrove de Lupéron où nous mouillons tout au fond de la baie.
Ainsi, se terminent les aventures de G.N au pays des baleines. Bientôt Cuba, Kaïs s’entraîne à la guitare sur l’air de « commandante Ché Guevarra ». On espère qu’il la jouera assez bien, pour que nous ne finissions pas tous en taule…
 Kaïs et Michel

PS: Une pensée pour Elodie qui rentre en France après un peu plus de 3 mois à bord, c'était super ces trois mois avec toi! On se voit en juillet au retour! (Le claviste).



1 commentaire:

Michel CUSENIER a dit…

Companeros queridos ,
Intento dejar aqui un tercer mensaje , ya que los dos primeros se perdieron no se donde ?!... pero todavia no estan en Cuba ,sino al norte de Haiti, donde estoy yo tambien, men nan sid , coté Ilavach la ... alo m'ap palé creyol ave ou !!!... men paske pa gen anpil moun kap compran mwen , m'ap contnyé en francais !...

... et donc chaque jour , je monte sur le morne "citadelle"a 10mn de l'orphelinat , savourer le soleil levant ou couchant ... et de plus a la mi-avril , je guettais en temps jadis une voile blanche sur un gros batiment blanc , venue du Sud-Est ...

C'était vous , avec 8 moussaillons et 4 membres d'equipage ... comme sur la photo en bas de la tres remarquable lettre de Kais et Michel ... ou l'on observe aisement la reincarnation de Georges Brassens en second plan , et celle de Robinson Crusoe en premier plan ...

... mais helas , et beaucoup de fois helas , je ne vois rien venir , seulement le soleil qui poudroie et la mer qui verdoie... et comme Penelope attendant le retour d'Ulysse , je redescends tristement au chateau de la Reine de l'Ile a Vache - Flora Blanchette - conter mes malheurs a Roselie qui me rassure d'un grand eclat de rire un peu hysterique! :Vos 2 vieux loups de mer vous raconteront de quoi je parle ?!...

Je vous laisse donc naviguer au Nord d'Hispaniola vers Cuba mythique ... et je reste avec mon docteur cubain alberto préféré qui consulte a l'ancienne , a mains nues , avec un bon savoir , et gratuitement ... Merci a la revolution cubaine , malgré tous ses detracteurs oubliant que l'education gratuite et les soins gratuits sont aussi des Droits de l'Homme , comme certes le Droit a la Parole , mais tout autant que lui !...

... et chante alors en moi Jean Ferrat ... "... La nuit quand je m'en vais a reve decouvert , quand j'ouvre mon ecluse a toutes les derives , Cuba dans un remous de crocodiles verts , Cuba , c'est vers toi que j'arrive !... "

" Hasta la victoria siempre " ... meme si Mao a dit avec humour (?!) :
" De defaites en defaites jusqu'a la victoire finale !... "

Abrazo grande a todos , companeros del Che y del Canilo Cienfuegos !...
Michel Cusenier