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18 juin 2017

Lettres de l'Atlantique - Anaëlle et jacques

Position: N 38°41. 475’
  - W 035° 03. 994’
                                                                                
                                                                                                                        Le 13 juin 2017

                                                    
  Cher frère,


Au moment où je t’écris, je suis encore en mer à l’approche des Açores. Je profite de ces quelques jours de soleil et de calme pour t’écrire. Ce sont déjà les derniers ici, seuls au milieu de l’eau, des nuages et du soleil. Eh oui cette traversée touche bientôt à sa fin. Bon tu t’attends sans doute à ce que je te raconte comment ça s’est passé. Eh bien, finalement très bien. Il parait que nous avons eu beaucoup de chance "météorologiquement" parlant. Nous nous sommes d’abord fait pousser par une dépression, il y a eu des moments plus difficiles, surtout fatigants. Arrivés déjà à quelques jours de traversée, on a senti le froid venir à grand pas. On a carrément dû sortir les deux couches de pulls et de pantalons, et pour moi deux c’était le minimum encore, en plus des chaussettes, moufles et du bonnet. Imagine-toi aussi dans le froid sous la pluie avec un bas de ciré pas totalement étanche et les fesses mouillées. Aussi bien sûr, il ne faut pas oublier de faire bien attention à économiser les habits sinon en une journée tu n'as plus rien et en plus ça moisit, alors il vaut mieux ressortir avec les affaires déjà mouillées ou humides. Dans ces conditions on a souvent hâte de retrouver nos duvets, d’être bien au chaud avant de prendre notre quart en espérant ne pas être du dernier, car pour moi, c’est le plus difficile ; tu enchaînes ta journée direct après, sans connaître le plaisir inouï d’aller te recoucher. Enfin bref au final tu t’y fais et en effet ça devient habituel de se lever en pleine nuit pour barrer et guetter et ça durant 2h30, avec comme réconfort, les gâteaux de quart (enfin, si tu es chanceux et que tu ne tombes pas sur les gâteaux américains les plus horribles du monde genre marshmallow entre deux gâteaux à la banane chelou ou à la pâte de gâteaux style pas cuite). Mais au mieux, tu tombes sur des gaufrettes délicieuses au peanut-butter. Miiiiam ! 
Sinon aussi le truc pas mal c’est d’être trois fois de cuisine dans la semaine, pendant que le bateau fait des loopings. Bon, non j’abuse un peu là, pour moi en plus ça va, je n’ai pas le mal de mer mais bon… Ah oui aussi bien sûr, rien de mieux que les soupes bien chaudes pour réchauffer tout le monde et les "flans de leche" au goûter pour nous réconforter. Mais bon, tout ça c’est déjà loin maintenant car à notre plus grand plaisir cela fait maintenant trois jours de suite que la mer est calme et que le soleil tape juste assez pour tout nous sécher. J’ai pris beaucoup de plaisir tout au long de cette traversée et j’en suis contente. Même dans les moments les plus difficiles, il y avait des sourires sur tous les visages, et c’est là que je me suis rendu compte qu’il est plus facile pour tout le monde, surtout lorsqu’on vit en groupe, de rester positif, de relativiser, de prendre soin les uns des autres et dans notre cas, on se souvient même que l’on vit une expérience unique que nous ne sommes pas près d’oublier. Cette traversée à elle toute  seule m’aura encore appris de nouvelles choses, que ce soit sur la vie, sur les autres et même et surtout sur moi-même. Alors voilà comment s’est passée ma traversée de l’Atlantique. 
Je t’embrasse très fort.
                                                                                                        Anaëlle





Jeudi 15 juin 2017
Île de Flores en vue... cachée sous les nuages, nous avons tardé à la distinguer, pris que nous étions dans l’observation de l’horizon parsemé de souffles de baleines et de cachalots. C’est ici leur territoire et un rorqual est même venu tout proche pour nous souhaiter la bienvenue.
Voilà, notre transatlantique retour touche à sa fin après seize jours et quelques heures pour couvrir les 3600 miles parcourus depuis Rose Island aux Bahamas. Car après Nassau, c’est dans le fief du président de Grandeur Nature que nous avons mouillé pour profiter une dernière fois des eaux turquoises et des magnifiques fonds marins. L’occasion d’effectuer le bilan des huit mois de voyage avant de se lancer pour la traversée.
Cette dernière fut, suivant les adjectifs choisis par les membres de notre équipage, facile, doublement agréable, salée, océanique, inoubliable, fatigante ou tranquille. Comme depuis le début de l’expédition, nous avons en effet eu beaucoup de chance avec les conditions météorologiques. Cette fois-ci, le vent nous a porté tout du long sans jamais dépasser les 20 nœuds apparents sur le pont, juste ce qu’il faut pour que le bateau glisse bien sur les flots. Deux jours de pluie et une seule nuit vraiment mouvementée où seuls les vieux ont barré pour dompter les vagues. La remontée vers le Nord a occasionné des nuits plus fraîches mais globalement, ce fût des conditions exceptionnellement favorables.
Suite aux tensions de l’itinérance Bahamienne, l’ambiance à bord fût aussi bonne que les conditions climatiques où chacun, chacune, a trouvé le temps de penser à son retour. Période d’introspection dans cette expérience unique qui vous sera bientôt relatée en détail par la personne que vous connaissez, complétée par les textes du journal de bord. Difficile de brosser un aperçu de ce qui se trame dans les têtes, tellement cette rencontre prolongée avec l’océan génère de sensations, d’émotions et de projections qui sont de l’ordre de l’intime.
Les nuits furent courtes mais les siestes longues, laissant le temps au travail studieux du matin, à la lecture collective de l’après-midi, mais aussi à divers bricolages ou autres dégustations livresques, ponctuées par des contemplations de l’océan, surtout lorsque des mammifères marins s’approchaient du bateau.
La rapidité du trajet va nous offrir l’occasion de bien profiter de l’île de Florès. Alors nous avons convenu, après deux jours d’atterrissage pour nous occuper de nos petites affaires habituelles d’escale, d’établir un campement sur le terrain d’une amie de l’association. Nous pourrons y travailler pour l’aider à remettre le verger et la bergerie en état, mais aussi rayonner autour pour des randonnées à la journée en fonction des envies.
Vous en connaîtrez les détails lors de la prochaine lettre qui sera postée de l’île de Faïal, à la fin du mois.
La nuit tombe... nous jetons l’ancre dans l’avant-port de Lajés, conformément au pronostique que j’avais fait avant le départ, à deux heures près. Juste avant, lors du dernier mile, nous avons sauvé une tortue prise dans un filet et reçu la visite de tout un groupe de dauphins sautillants.
À tout bientôt. En attendant, nous allons nous dégourdir les jambes à terre.

Jacques, pour l’équipage.   

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