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26 avril 2023

Suite du Second journal "De la Guyane à l'arrivée en Dominique" du 15/01 au 20/01/2023

Le 15 janvier. Le 4 quarts à 3 marins.


Sur le planning fait avant le départ il est écrit : 15 janvier. Départ de Guyane vers la Dominique. Un mois d’escale guyanaise et nous voilà en train de reprendre la mer. Ce qui n’est pas écrit à l’avance c’est le temps qu’il fera, le vent et la houle. Eh bien pour ce départ il y a bien quelques grains avec un peu de pluie, mais du vent léger et presque pas de houle. Un vrai temps de reprise pour nos marins. Assez rapidement en même temps que l’on s’éloigne de la côte les nuages diminuent et on a même droit à un vrai soleil qui autorisera à la baignade car le vent reste calme, même s’il finira par se lever pour nous faire avancer à 10 nœuds. De toutes façons les pronostics d’arrivée sont déjà faits. Ce temps clément nous permet aussi de faire notre GDP hebdomadaire où chacun exprime comme cette escale fut riche et intéressante, le cirque, le fleuve et surtout toutes ces rencontres. Maintenant c’est le bon moment pour reprendre la route vers la suite de nos aventures.

L’après-midi un coup de fatigue et de fièvre me terrasse alors je vais m’allonger, je suis fiévreux depuis une semaine et je compte sur cette navigation pour me remettre d’aplomb. C’est une longue sieste, je rate baignade, lecture collective et goûter, et j’embraye directement sur la préparation du repas du soir car je suis de cuisine avec Isaac. Le vent a un peu fraîchi et certains ont aussi commencé à vomir ou ont la tête dans le seau, une vraie navigation de reprise disais-je.

Les quarts de nuits arrivent vite, 4 quarts à 3 marins, ce n’est pas une recette de gâteau, c’est le nombre qu’il faut pour diriger le bateau et veiller aux embarcations de pêche, car nous sommes encore sur le plateau avec peu de fond. L’un d’eux sera évité de justesse, il n’avait pas de feux de navigation. Pendant mon quart ce sont 2 bateaux de « surveillance » qui nous cherchent avec leurs puissants projecteurs et nous appellent à la radio pour que l’on s’identifie, Yann leur répond à la VHF en épelant nom et destination du bateau en alphabet international, il doit tout répéter plusieurs fois, mais ils finissent par éteindre leur projecteur qui nous éblouissait et nous laissent poursuivre notre route. Il ne pleut pas de tout le quart et c’est sur cette pensée positive que je finis ce texte et je retourne me coucher en faisant fi de la chaleur dans la cabine au capot fermé et de la goutte d’eau qui me tombe régulièrement sur le visage car le joint fuit !

Christophe.


Le 16/01 « Maldemerledeuxièmejourdenav’ »


Règle du jeu

1-CONTENU DU JEU

- 1 bateau

2-BUT DU JEU

Le premier à ne pas vomir a gagné la navigation !

3-PRÉPARATION DU JEU

Mettez tous les joueurs sur un bateau et attendez une journée. Dès 7 heures du matin, le jeu peut commencer.

4-DÉROULEMENT DU JEU

Le mal de mer vous poursuit à la manière d’un loup glacé, s’il vous attrape, vous vomissez. Si vous vomissez vous êtes éliminé temporairement et vous attendez d’aller mieux. Et ce jusqu’au prochain vomi.

ATTENTION

On n’est pas tous égaux face au mal de mer, ainsi un Isaac aura plus tendance à gagner qu’un Yawenn.

L’auteur décline toute responsabilité concernant l’état physique d’un joueur durant le jeu.

Anouk


Le 17/01/23


Réveillé par la grosse voix de Christophe, je fonce sur le pont pour prendre le petit-déjeuner. Je me retrouve assez vite dans la coque bâbord pour apprendre à transmettre et pour ça je me prépare bien, cahier et stylo en main je mets sur papier toutes les connaissances que j’ai pour que Tallia puisse rattraper les 3 mois de voyage raté. Une fois qu’Isaac, Anouk, Yawenn, Tallia, les Mathis et moi sommes réunis sur le pont, on fait un contact sous un grain, jusqu’à la sortie de Yann qui nous dit le mot magique : « Manœuvre ». Changement de voile, prise de ris et largage de ris un peu plus tard. Après manger, c’est cours d’anglais, ça me fait bizarre de me retrouver en position de professeur. Ça ne me déplait pas surtout quand c’est pour apprendre les bases de la cartographie à Tallia. Ma journée se termine comme toutes les autres accompagnée d’un livre au fond de ma couchette pour m’endormir.

CHAD





Portrait de Cédric

Cédric est le directeur de l’ADNG et il vit en Guyane avec sa femme et sa fille : Josy et Jocelyne. Pour vous le présenter je vais vous parler de ce qui a le plus attiré mon attention, on avait un point en commun, la passion du basket-ball. Il a joué en nationale 3, en sport étude. Il faisait 2 mètres mais il s’est tassé donc maintenant il mesure un peu moins que ça. Il jouait au départ comme pivot étant donné sa grande taille mais ça ne lui plaisait pas, il rêvait de plus, du poste que la plupart des joueurs que j’ai connu convoitent : le poste d’ailier. On a parlé des matchs que l’on a joués, il m’a parlé des stars du moment et de ses anciens entrainements. Il a aussi été entraineur pour des joueurs avec qui il a fait des tournois, il leur avait fait travailler ce qui pour moi est le plus important : le sens du collectif. Sans ça pour moi aucune équipe ne peut gagner sans jouer ensemble. J’ai choisi Cédric car il m’a renvoyé vers des souvenirs lointains mais très chers à mes yeux, mes matchs de street ou mes entrainements avec mes équipiers. Parler si longtemps avec Cédric m’a fait du bien, le basket me manque et mes équipiers aussi.

CHAD



18/01/23 “ L’ATTERRISSAGE ”


UTC : 0700 - ETA : 0822 - WIND : ENE  F ¾  - SEA : CALM - COURSE : 301

Traduction nous nous apprêtons à atterrir.


J’ai beau aimer profondément mon métier je trouve que la langue navigationnelle, celle dictée par le GPS, manque cruellement de poésie et d’évasion.

D’évasion car l’atterrissage vise à s’ancrer, s’installer quelque part. De poésie car ce passage dans la trame manœuvristique se doit d’être sérieux, codifié, normé, et mathématifié.

Alors laissez-moi rééquilibrer la balance immatérielle de la rêverie et de l’émerveillement.

Voici l’histoire d’une île ou bien d’un elle (personne ne le sait) à la crinière verdoyante et phosphorescente qui irradie de sa beauté.

Ses deux parents, la mer (Caraïbe) et le père (céleste) se battaient continuellement. La mer souvent pleurait et ses larmes vaporisées par la chaleur tropicale se condensaient tel des chapelets de grains roses dans la teinte bleu pâle du ciel père (notre père qui êtes les cieux).

La querelle de nos deux amants n’avait de cesse de se répercuter sur leurs enfants, les îles et les elles. Seul médiateur dans cette bamba triste, l’horizon plus ou moins clair et net selon les jérémiades de nos deux amoureux.

Un jour l’horizon s’en alla, laissant place à une lumière grise éblouissante et apaisante. Dans un éclat de lumière, ciel et mer ne firent qu’un. Ces jours de communion créatrice, tout le monde le sait, sont des jours où l’on voit naître la vie par le feu.

La flamme ardente et passionnelle habitant les abysses de la mère, la gestation pouvant durer des siècles, certains enfants morts-nés ne connaitront jamais la douceur éclatante du soleil sur leur épiderme d’humus.

Mais le destin de Dominique était différent.

La tribu sauvage se prénommant les cigales gothiques (pour leur passion du noir et leur chant significatif) se mit en chasse-cueillette.

Afin de mieux percevoir dans la nuit, ils prirent de la hauteur et de stratus en cumulus en passant par les douces plumes des cirrus, ils finirent par poser leur camp sur la lune. Lorsque le croissant atteignit son zénith, ils tendirent une ligne tissée de soie et à la douceur du vent tirèrent ensemble de toutes leurs forces.

Progressivement de minute en minute, une masse gigantesque obstruant la clarté de la voie lactée, cachant les plus brillantes étoiles de ses mornes et pitons se mit à émerger des entrailles de la mer, perçant de ses pointes l’horizon, déchirant la voûte céleste de ses crêtes escarpées, embellissant les astres de ses courbes magnifiques. À l’unanimité la tribu acquiesça, leur terre-mère était là.

Ils la nommèrent Dominique, du jour de leur appareillage déjà si lointain. Cette terre réconciliant le ciel et la mère, aux lieux d’aventure et d’exploration, à la faune et la flore des plus luxuriantes, chérira les rêves de nos valeureux cueilleurs d’île, ou d’elle.

Yann


Texte du 19/01/23

Réfléchis avec ton cerveau ! Et arrivée en Dominique

La Dominique, l’île aux 1001 cascades et 1001 rastas, l’arrivée se fait de nuit. Après un quart prolongé et une manœuvre de mouillage assurée, je vais me coucher pour le peu qu’il reste de sommeil. Je me couche pressé de découvrir à quoi ressemble ce pays. La musique retentit, je saute de ma couchette et cours au plus vite hors de la coque pour enfin voir la Dominique. Verdure, montagne et re-verdure, voilà à quoi ressemble la Dominique cyclonique. Après un bon petit-déj fraichement préparé, pas par moi mais par notre cher camarade Yawenn, on doit changer de mouillage pour aller plus proches de la plage. Enfin vraiment arrivés, on va plonger juste avant de manger pour voir l’ancre. Je plonge avec appréhension car j’ai le nez bouché et je n’ai pas envie de saigner du nez comme à Fernando. Je ne force pas et tout se passe très bien. On voit une raie, quelques poissons, une ancre bien ancrée et même un cadavre de poisson. La routine quoi. On mange une semoule préparée bien évidemment par notre semouleur fou qui n’est d’autre que Chad. Après manger, je me mets à réparer nos filets bien abimés ; cette activité me sort de toute réalité car ça m’énerve beaucoup, mais c’est super cool. Faire deux réparations m’a pris un temps fou, une demi-journée. Même si j’adore faire ça, je vous demanderai, chers camarades, de prendre soin de notre bon vieux filet en fin de vie. 18h, après m’avoir fait contracter et fileter, séance de muscu obligatoire pour se détendre. Avec Lola, Anouk, Yann qui nous rejoindra en cours de route, on enchaine gainage, pyramide et Jedi. Ma fatigue se ressent à cause de cette nuit d’arrivée. Je suis un peu mou mais la bonne humeur du groupe me rebooste. Isma trouve une nouvelle phrase fétiche, je cite de lui-même : « Réfléchis avec ton cerveau ». Chaque fois qu’il est possible de la placer, je la dis à mes chers compagnons de voyage, mais bien évidemment dans la bonne humeur. Avant de me coucher j’écris des mails à des personnes que j’apprécie énormément et je me pose une question : comment, eux, vivent-ils l’aventure que nous sommes en train de réaliser ?

Isaac


Texte du 20-01 – Premiers pas en Dominique

Pour certains aujourd’hui, ce sont les premiers pas en Dominique. Qu’est-ce que ça fait au fond de toi de fouler les plages d’une île dont tu ne sais rien encore ? Cette terre aperçue au loin sur l’horizon au cap 340, cette île parsemée de lueurs, longée une nuit entière. Cette Dominique que nous découvrons depuis hier sous l’angle de notre mouillage à Portsmouth, surplombé par des mornes intimidants, des hôtels propres et déserts et des cocotiers étêtés, souvenir de l’ouragan Maria passé par là il y a 5 ans de cela. Qu’est-ce que ça te fait à toi Dominique, de te rappeler de ce catastrophique moment ? Et vous, pouvez-vous imaginer ce que c’est de traverser une telle épreuve


naturelle ? De bonne heure ce matin, après un récurage de fond de coffre, une majorité de Grandeur Naturiens débarque sur la grande plage, baluchons de linge sur l’épaule, en direction de la rivière. Sur la route, nous sommes dans la découverte et l’émerveillement des premiers pas en terre inconnue. Tu as déjà vu, toi, une cabane/maison perchée, construite autour d’un énorme arbre/fondation avec des branches/poutres, à deux pas du va et vient du bord de mer ? Tu sais d’où ça vient les gros trucs pour faire cuire la farine de manioc ? Attends, les voitures elles roulent de quel côté ici ? Ce magasin, là, il est nouveau non ? Christophe, tu vas nous ramener quoi de bon du marché ? On poursuit notre route jusqu’à la petite montée qui mène à la rivière. Les drapeaux rouges du Parti des Travailleurs, c’est parce qu’il y a des élections ? C’est encore loin ? Je n’ai pas l’habitude de marcher en montée ! C’est quoi cet espèce de château, là ? Serrez-vous sur le côté ! Ici, c’est pas les piétons qui sont prioritaires… Nous nous enfonçons dans une plantation de bananiers, il fait froid, la boue est glissante. La végétation est incroyable ici ! Qui a déjà fait dans sa vie une lessive à la main dans la rivière ? Qui a pris du savon ? On peut partager ? Chacun s’installe dans une vasque et frotte son linge, certains se lavent à l’eau douce, ça fait du bien. Ismaël, pourquoi tu t’acharnes sur ton linge avec un bâton ? Tu ressembles à un gorille énervé ! Yann, tu vas carrément laver ton duvet ? Mathys et Matis, pourquoi vous vous êtes mis si loin ? La rivière est calme, apaisante, nous avons la visite de deux messieurs qui passaient par là. Vous croisez souvent des gens avec des machettes à la main, vous ? C’est quoi ta technique de frottage du linge, toi ? Qui a encore du savon ? Sérieux les gars, vous avez perdu la brosse dans la rivière ? T’as besoin d’aide pour essorer ta serviette ? Qui a fini, on y va ? Ismaël, tu as fini de barboter dans ton bain ? Nous prenons le chemin du retour, alourdis par le poids de nos sacs à linge désormais humides. Matis, t’as pas oublié quelque chose ? Ta serviette ! De retour au bateau, nous tendons des bouts dans tous les sens afin que le soleil et le vent caribéen sèchent les vêtements. Après un repas de crudités, se lance l’organisation de l’après-midi. Eh, Lola, tu veux faire du pain ? Tallia, tu es prête pour ton contrat ? ET QUAND EST-CE QU’ON VA SAVOIR AVEC QUI ON PART EN RANDO ??? Et c’est quoi le programme de cet après-midi ? Notre programme pour l’après-midi c’est la marche à deux. Est-ce que tu as déjà pris le temps, dans ta vie, de prendre 10 minutes avec chaque personne avec qui tu vis pour faire le point sur comment tu te sens dans la relation ? Nous prenons ce temps-là, à faire des allers-retours sur la plage, l’un écoute, l’autre parle et nous faisons cela jusqu’au repas. Une belle façon je trouve, de faire ses premiers pas en Dominique. Prendre soin de soi et des autres, prendre du temps pour nos relations, libérer la parole, les émotions, se connecter entre êtres humains. Des petits pas vers un monde meilleur peut-être ?

Lola

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