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4 mai 2023

Suite du Second Journal "1ère période sur Silver Bank" du 8/02 au 6/03/2023

Le 08/02/23


Posé à la barre, je veille sur l’équipage. De minuit à trois heures poto j’suis de quart.

S’occupe comme on peut, lit les philo-phable, discute ou encore mange nos biscuits d’quart.

Toi qui es là-bas va regarder la carte, faut qu’on fasse bellek bientôt l’empannage.


Quart tout la night ouais (ouais toute la night)

Des Quarts tout la night ouais (ouais toute la night)

On fait des quarts, si t’aimes barrer, prends-la tout l’quart

Non, toi tu dors pas, faut veiller sur tout l’équipage


Regarde pas l’compas, on barre étoiles. Tiens prends celle là, là-bas, garde-la dans ton axe.

Qui veut prendre la barre ? Quand est-ce qu’on empanne ?

Tais-toi regarde un peu la super nova.


Quart tout la night, ouais (ouais toute la night)

Des Quarts tout la night ouais (ouais toute la night)

On fait des quarts, si t’aimes barrer, prends-la tout l’quart

                                                                                                                       Non, toi tu dors pas, faut veiller sur tout l’équipage

Chad


Le 09/02/23 « LE TEMPS QUI COULE »


Nous sommes en mer et mon esprit divague…

Je dois conter la journée d’hier, mais au moment où je l’écris, j’ai une sensation de déjà vu. Vous savez cette sensation qui vous replonge dans la saudade de souvenirs inexistants mais plus que palpables.

J’ai la houleuse impression de revivre la matinée de la veille, le réveil en musique, le petit-déj, les tâches, haie sète est raz.

Cette routine, si bénéfique au bon fonctionnement d’un équipage, brouille instantanément mes repères temporels.

« Quel jour qu’on est ?»

« Ça fait combien de jours qu’on est partis ? »

« J’ai quel âge déjà ? »

Avant de partir pour cette nav de seulement 3 jours et deux nuitées (largement assez pour en oublier le calendrier, qu’il soit grégorien, maya ou chinois) je parlais avec des amis, des navigateurs solitaires ayant passé des années entières sans toucher terre. Je me demande quel était leur rythme. Que représentait une semaine pour eux ? Se contraignaient-ils au repos dominical comme dernier lien avec leur passé de terrien ? Aux semaines de 7 jours ? Au fond, qu’est-ce que c’est un mardi ?

Ou bien alors décidaient-ils de s’inventer leur propre calendrier où l’on calculait les mois au rythme des trains de dépressions ? Les journées représentées en nombre de milles parcourus et les navigations à louvoyer étaient-elles fracturées par le nombre de bord tirés ?

Seul resteraient immuable le jour et la nuit, repère visu-temporel, l’un apportant chaleur et réconfort, l’autre la beauté ancestrale tapie à des milliers d’années-lumière.

Dans toute cette lueur matinale, et écrasé par les ordres de grandeurs, mes repères s’effacent…

Mais bien que je me rappelle très bien de l’heure et la date d’aujourd’hui, mon esprit par habitude & réflexe cherche à me perdre en l’oubliant afin de se créer une nouvelle temporalité, une nouvelle réalité.        

Yann


Le 10/02/23


À notre droite Puerto Rico scintille de mille feux. Une traînée d’étoiles est tombée là, au milieu des hommes pour illuminer la nuit. Histoire de peurs ancestrales, la nuit mystérieuse pour les hommes qu’on tente de dompter en l’éclairant à grand coup de réverbères. Mais sur la mer, on a appris à l’apprivoiser, à lire dans la voie lactée ou les constellations, nos routes ou notre position.

Quand Chad repère la croix du Sud, il me demande comment localiser la Polaire qui indique le Nord. J’imagine que pour Tallia, qui vit avec nous ses premières navigations, tout cela doit être un drôle de charabia. Pendant ce temps sur le bateau, le reste de l’équipage dort profondément. Nous franchissons le Cap Rouge, el Cabo Rojo, extrême pointe sud-ouest de Puerto Rico et entrons dans le Mona Passage, ou « le passage du vent ». J’aime dire tout par leurs noms.

Après un coup de mole que l’on attribuera à l’île, au vent de notre bateau, qui nous barre les précieux alizés porteurs de nord-est, nous savons que nous retrouverons Éole au près d’ici quelques milles. Nous devinons au loin les lueurs de la République Dominicaine, un cargo fait son apparition par l’arrière, passe sur notre franc-bord, avant de nous dépasser par bâbord et de s’évanouir dans le lointain. La nuit est fraîche, bizarrement. Alors on s’emmitoufle dans nos polaires, nos chaussettes et même nos bonnets, avant de retoucher du vent au près qui forcit rapidement. Avec lui, la houle se creuse dans les premières lueurs du jour qui ne tardent à poindre puis à nous éblouir. Une à une, les frimousses encore ensommeillées des membres de l’équipage font surface et viennent s’agglutiner  sur les rares banquettes préservées de la houle qui explose maintenant sur le pont et gerbe dans le cockpit. Il nous faudra finalement abattre de quelque degrés pour garder notre petit-déj’ au sec. Le bon pain du bord est tout beau mais je n’ai malheureusement pas encore la recette des tartines water proof. Je suis au poste de barre quand nous entamons une diagonale dans le Mona Passage. Nous naviguons alors au solent, avec un riz dans la grand-voile. Pourtant la mer est calme et il nous faudra encore plusieurs heures avant de toucher la grosse houle de l’Atlantique (au Nord) qui tente ici une intrusion dans la mer de Caraïbes (au Sud). Par cette petite porte s’engouffrent pêle-mêle la mer, le vent et les marées, forçant ou forcissant dans le Mona passage. Avec Mathys, nous sommes de cuisine. Alors nous tentons de nourrir un équipage touché par une double épidémie et atteint du mal de mer en prime. Malgré tous les maux de ventres mes compagnons gardent un appétit féroce pour le chili con riz.

Bientôt l’immense bouche, la grande baie de Samana, s’ouvre sur l’horizon. Je ne me lasserai jamais de cette arrivée splendide sur la République Dominicaine, quand on entend crier sur le pont « Baleines, baleines... »

« OOOooh, regardez ! Un baleineau qui saute comme pour nous souhaiter la bienvenue ! »

La nuit tombe doucement tandis que nous filons, toujours à 10 nœuds, dans la baie de Samana. Il nous faut être vigilants aux barques, aux casiers de pêche et aux éventuels filets qui jalonnent ces eaux côtières, peu profondes, investies par les hommes. Ce n’est qu’une fois la nuit franchement tombée, face à l’îlot du Levant, que nous jetterons à l’aveugle notre ancre à tête plombée, qui quittera la proue dans un gros plouf, puis un cliquetis de chaîne assourdissant. Nous sommes mouillés à une brassée  de la plage, dans une petite passe entre l’îlot du Levant et un petit ilet corallien, sur cette langue de sable blanc que nous connaissons par chœur. L’eau normalement verte est noir d’encre sous les reflets de la lune, les poissons frétillent dans le faisceau de nos lampes, la nuit semble douce, mais un grain nous précipite rapidement dans nos cabines où je rejoindrai ma lecture sur les Révoltés du Bounty, que je vous conseille d’ailleurs pour sa valeur historique, avant de m’endormir dans un sommeil profond. Bonne nuit les choubidous.

Ismaël


Le 11/02/23 « Les Hommes avec un grand H me font peur ».


Bon, la journée du 11 n’a pas été très intéressante, Christophe et Yann sont allés payer l’entrée de Rép Dom (10 000 pesos). Il y a eu aussi le Groupe De Parole hebdomadaire, le tout premier en Rép Dom et il y en aura plein d’autres, comme nous restons 1 mois et demi. Le cours journalier d’espagnol animé par Lola a eu lieu aussi. Mais bon s’il y a eu une chose qui m’a marqué, c’est un article que j’ai lu dans un magazine qu’on a à bord, « 6 Mois ». Un journal vraiment intéressant qui m’a appris plein d’actualités diverses et variées sur le monde d’aujourd’hui. Il y a un thème qui m’a marqué, c’est le Brésil. Mais vous me direz :  « Pourquoi le Brésil, Isaac ? » C’est tout simplement parce que nous y sommes allés. Laissez moi vous expliquer ce qui s’y trame. L’Amazonie est la plus grande forêt du monde, 10% de la biodiversité mondiale, et dans cette jungle 75% de ses espèces végétales n’existent pas ailleurs. Comment vous dire que nous les Hommes nous avons le devoir de la préserver, cela paraît évident. Mais apparemment ce raisonnement ne marche pas pour tout le monde. Au Brésil, les riches s’enrichissent en détruisant l’Amazonie, ils la détruisent pour pouvoir exploiter les terres, pour planter du maïs et du soja, rien que ça ! Ils déboisent et brûlent des milliers de km2, mais vous me direz, les politiciens comment ils réagissent ? Eh ben certains sont contre mais d’autres encouragent. C’est le cas de Jair Bolsonaro l’ancien président; durant son mandat il voulait faire de l’Amazonie le cœur de l’économie du Brésil. D’ailleurs de 2018 à 2019, la déforestation à augmenté de 92%. Un chiffre énorme qui ne cesse d’augmenter, la forêt rétrécit petit à petit, les indigènes qui y vivent sont contraints de se battre jusqu’à la mort, mais rien n’est fait. Dites-vous que 17% de la jungle a été totalement détruite, et que si le chiffre monte jusqu’à 20% l’écosystème se brisera et l’Amazonie sera condamnée à disparaitre. Donc, comment vous dire que le changement doit se faire très vite ? La chance a souri à la forêt, en élisant Lula et non Bolsonaro, les Brésiliens ont fait le choix de préserver la forêt et de préserver le monde entier. Et nous, que pouvons-nous faire face à cela ? Pouvons-nous aider ? Eh bien je n’en sais rien car nous les Hommes avec un petit grand H nous ne pouvons rien faire face aux pouvoirs de l’argent. Et c’est pour cela que les Hommes avec un grand H me font peur.

Isaac


Le 12/02/23


À l’heure où j’écris ce texte, impossible de me concentrer avec les équipiers du bord qui hurlent dehors « WAAAAHH ! Mais c’est quoi ce caca ? Eh, venez voir le caca de Christophe !!! Eh mais moi y a jamais tout ça qui sort !», « Christophe, pourquoi tu lui as pas mis une voile pour qu’il parte plus loin ? ».

Voilà comment peuvent commencer les journées à Grandeur Nature. Mais hier, ça n’a pas commencé comme ça.

Nous sommes dans la baie de Samana, mouillés en face d’un petit îlot relié à la terre par un immense pont qui s’illumine de Leds la nuit. En face, la ville de Santa Barbara nous salue de loin, avec ses maisons enchevêtrées entre les cocotiers. Ici, c’est beau et vert. Mais quand tu zoomes tu vois les détails : les déchets qui s’accumulent dans les caniveaux engorgés, le boucan des motos qui crachent une fumée noire, les trottoirs défoncés, la précarité, les magasins de bazar et d’accessoires en plastique aseptisé, les touristes entassés sur la plage, parés à consommer. La Rép Dom, de loin ou de près, on ne peut pas deviner comment c’est sans y mettre les pieds.

La journée a donc commencé aujourd’hui par débarquer les cuisiniers, Chad et moi, ainsi que Christophe. Tous les trois nous allons aux bureaux de « medio ambiente », qui sont ouverts même le dimanche, car pas de répit pour le whale watching. Par chance, Israël, notre interlocuteur, est bien là ce matin. Nous pouvons faire le point sur le permis qui nous permettra d’aller à Silver Bank. Celui-ci est déjà prêt, il ne manque plus qu’à payer. Mais où devrons-nous nous rendre pour récupérer ce bout de papier et régler ? Christophe devra-t-il se déplacer à la capitale, Santo Domingo ? Les affaires administratives sont déjà lassantes et les informations contradictoires. Nous vivons dans un monde de paperasses à outrance, où il faut des autorisations et des permis qui ne sont délivrables qu’en faisant preuve d’une patience déraisonnable, où tout est procédure et on s’y plie, car il faut bien qu’on nous accorde l’accès à la nature, à Silver Bank, au sanctuaire.

Au cœur de la ville par contre, la circulation est libre : les « motoconchos » grouillent, les « galeras » se remplissent, de nouveaux magasins s’érigent, les gens sont bien là, de fil en années l’ambiance de Samana ne change pas. Après avoir trouvé le musée de la baleine fermé pour une semaine pour travaux et avoir galéré avec un distributeur auquel nous n’avons finalement rien retiré, Christophe part aux mails et Chad et moi cherchons des empanadas. Dans cette ville, qui me rappelle tant l’atmosphère latino du Guatemala, il y a de ces délices qui donnent de la douceur à ce trop plein d’urbanisme. Nous achetons une douzaine d’empanadas frites, fourrées au poulet, au maïs fromage et à l’oeuf. Les Dominicains s’arrêtent à ce coin de rond-point, le temps d’un jus et d’un en-cas, ou alors serait-ce leur unique petit-déjeuner ? Ici, on dirait que la vie va plus vite, comme si elle était pressée. Et qu’elle vit plus fort en terme de volume sonore. Nous rentrons alors au bateau, où nous attendent de grands verres d’eau douce, car le béton ardent et la pollution ambiante semblent nous avoir desséchés. À bord, la vie est plus douce, nous sommes dans notre cocon et nous passons au calme le début de l’après-midi. Vers 15 heures se prépare le deuxième convoi de la journée. Douze équipiers vont aller découvrir le tumulte de ces rues animées. Yann attendra sur la plage, gardien du cata qui menace de se faire aborder par la jeunesse dominicaine venue plonger depuis le petit quai de l’îlot. Ils sont là pour se baigner, flâner, festoyer comme un dimanche après-midi. Il attendra patiemment qu’on lui ramène le fruit de notre quête, une de ces douceurs de la Rép Dom qui la caractérise tant.

Nous autres, traversons l’interminable pont du haut duquel la mer scintille de son reflet bleu turquoise caraïbes. Au bout du pont il y a la plage. C’est la plage de l’hôtel où retentit la bachata à plein volume. Personne ne danse, c’est juste pour l’ambiance. C’est la transe des touristes étalés sur leurs transats comme des tartines qui grillent au soleil. La délivrance de ces humains en vacances qui peuvent barboter sous les cocotiers, c’est de nos jours le synonyme de sérénité. Je le répète, c’est un dimanche après-midi, les locaux aux couleurs métissées sont eux aussi de sortie. Il y a ceux qui se posent avec leurs chaises pliables sur le parking, face au coffre de leur voiture d’où jaillissent des sons plus ou moins entrainants. Il y a ceux qui jouent aux dominos en buvant des bières. Il y a un groupe de jeunes qui suivent une sorte d’entraînement militaire dans un sérieux impressionnant. Il y a des camions ou bouis-bouis qui servent de guinguette et vendent divers produits à leurs clients qui s’assoient à l’ombre d’une bâche déchirée. Il y a un grand terrain, un presque marécage, parfait pour les acrobates en herbe qui s’élancent en rondades effrénées. Il y a des rues, des avenues, qui ne sont pas si faciles à traverser car les motos fusent ! Enfin, il y a ce vendeur derrière son bar qui prépare des snacks et des « batidos », le fameux objet de notre quête. Un milkshake de papaye et de lait concentré sucré bien glacé. Repus de cette boisson-goûter, nous rebroussons chemin. Là, nous croisons un hélicoptère, paré à décoller, planté au beau milieu du grand terrain marécageux. Ses hélices tournent si vite et le moteur vrombit si fort que le décollage assourdissant effraie les chevaux qui broutaient tranquillement l’herbe autour des piquets auxquels ils sont attachés. Avant de retourner à bord, certains restent sur la plage et apprennent à fabriquer des chapeaux en palmes naturelles avec Yann, ou font des qui et autres acrobaties.

Nous sommes des apprentis Robinsons, des marins devenus un peu hostiles à la ville, des humains qui tentent de se reconnecter à la nature. Je suis contente de nous imaginer dans quelques jours loin du brouhaha industriel. Nous serons à la merci du chant des baleines, à découvrir toutes les merveilles dont regorgent les sculptures sous-marines qui peuplent les fonds des océans.

Silver Bank, nous arrivons !

Lola


Le 13/02/23


Cette journée je ne vais pas vous la raconter car les journées sont les mêmes depuis trois jours, Christophe va chercher les mails, les cuistos vont au marché pour le midi, cours d’espagnol fait par Lola, ensuite lecture collective fait par mi, goûter, baignade, dessin et guitare, l’heure du repas arrive et le lendemain approche. En parlant de lecture collective, je leur raconte l’histoire des Coloriés, une île où il n’y a que des enfants car les parents sont partis sur un bateau pour aider une autre île, sauf leur instituteur Claque-mâchoire, qui sera tué par Ari le personnage principal, qui lui, déteste les parents car les siens le maltraitent. Casimir, le grand frère d’Ari se fait chouchouter, il veut devenir un adulte donc il est ennemi avec les Coloriés qui eux veulent être des enfants. Moi j’aime bien ce livre, enfin j’adore lire, pour moi et pour les autres, c’est ma passion.

Matis   


Le 14/02/23

Aujourd’hui c’est la St Valentin et ça se voit en ville, il y a du monde dans les magasins et plein de cœurs rouges partout. Avec Tallia nous sommes descendues à terre pour repérer les grands magasins où faire notre approvisionnement du bateau. On en profite pour acheter de petites fournitures et ce qui fera le plaisir de Tallia ce matin ce sera les deux nouvelles montres : une rose assortie au t-shirt GN et une jaune fluo. Moi, durant cette excursion, ce qui m’a bien fait rire c’est ce monsieur qui nous a abordées, la quarantaine, crâne rasé, allure sportive et une tasse de café à la main. Il emboîte nos pas et nous demande si tout va bien. Il fait un signe à chaque commerçant, salue chaleureusement les passants qu’il semble connaître. Et hop ! Le voilà soudainement embarqué sur une moto… toujours avec sa tasse à la main. Le sourire aux lèvres nous continuons nos recherches.

Ce matin, en ville, je me sentais perdue. Je ne reconnais pas bien les rues que j’avais arpentées il y a 4 ans. J’essaie de comparer les prix des produits mais aucun prix n’est affiché, on cherche une planche à découper en vain, on cherche des feuilles à petits carreaux mais les carreaux ne sont pas aussi petits que d’habitude… On finalise nos achats et retour au bateau rapidos car Tallia a peur de manquer l’heure du repas. Ces fameux repas de Samana : les empanadas accompagnées de salade, de crudités et d’un énooorme demi-avocat.

Ça fait une semaine que j’ai rejoint l’équipage, j’ai mis du temps à atterrir, je me sens fatiguée et encore en retrait. Je n’ai pas encore en main les responsabilités et le recul des relations. Ça vient petit à petit et je prends le temps. Je sens un équipage en forme, ravi de se rapprocher chaque jour un peu plus des baleines. À présent Mathys Morgan se met seul aux révisions d’espagnol. Tallia, elle, n’a plus son tic de l’épaule. Isaac a toujours la patate. Anouk s’exprime clairement quand quelque chose lui déplaît. Matis Kirikou a la voix qui mue mais qui déraille encore sur la tonalité d’aigu. Yawenn a toujours une expression du visage bien définie. Chad se montre bien motivé pour la navigation.

Je trouve super agréable que chacun se mette au travail de tête le matin. Il ne reste que moi pour en trouver un qui fait sens à mes yeux. Et aujourd’hui c’est ce texte qui prend la place.

L’après-midi nous avons gardé notre rythme habituel. Le bateau au mouillage, tout proche de l’île, nous voyons tous les promeneurs le long du pont qui relie l’île à la terre. Et de l’autre côté, des collines remplies de cocotiers qui surplombent la petite ville de Samana.

Fin de journée, le repas du soir au cours duquel la nuit commence à tomber. La ville s’illumine, c’est un moment que j’adore quand les luminosités s’inversent : la clarté du ciel laisse place aux lumières de la ville. Petit à petit les étoiles apparaissent et la magie de la nuit arrive. Ce soir, il y a des mails, du monde derrière nos trois écrans du bord ou derrière des bouquins. On se couche tôt, comme tous les soirs Yann dort dehors, Mathys et Matis décident aussi de se coucher sur les filets. Et moi, comme depuis notre arrivée ici, je dors déjà lorsqu’Ismaël me rejoint dans la couchette. « BOUM BOUM BOUM » me diront les équipiers après la lecture de mon texte : c’est le bruit de la St Valentin à Samana.

Océane


Le 15/02/23

Bon je ne sais pas comment je vais commencer ce texte mais je vais le commencer. Les débuts de journées sont tous pareils : petit-déjeuner, tâches et travail de tête, mais aujourd’hui pas trop le temps pour le travail de tête, car personne ne va rester au bateau, à part Anouk, Isaac, Yann et Matis pour finir quelques bricoles à faire. Une première équipe (Isma et Chad) part avec Domingo en barque pour

faire les courses pour midi et en attendant, Lola et moi partons faire plusieurs missions. Mission 1 retirer des sous. On part à la recherche d’un distributeur, Lola retire de l’argent mais le distributeur refuse qu’elle en retire une 2ème fois, donc on cherche un distributeur qui fonctionne.  1, 2, 3, 4 distributeurs… Aucun ne veut fonctionner donc on décide de partir au marché sans énormément d’argent en espérant tomber sur Chad et Isma. On commence par acheter des pommes de terre à un pick-up sur la route du marché. Il fait chaud, on tombe sur une dame avec une glacière qui vend des jus, elle dit à Lola « piña » « goyava leche » on décide de prendre « piña ».  Plus loin après nous être rafraîchis, on achète des ananas et beaucoup d’avocats. Les sacs commencent à se remplir. On continue au marché avec des carottes, des tomates, des chayottes, des choux énormes. On n’a plus de place dans nos sacs et Lola me dit : « J’espère que les autres vont bientôt arriver parce que faire les courses à deux pour douze c’est compliqué ». Là, on voit Chad et Isma, on décide de leur passer des trucs car ça commence à être lourd, puis on continue nos courses et on voit Océane, Yawenn et Mathys qui arrivent. On embarque Mathys avec nous. Ah, changement de plan, on remplit à fond le sac de Lola et des cabas pour qu’Isma fasse un premier aller-retour au bateau. On porte le sac à deux pour l’amener à Isma, je marche en arrière et il n’y a pas beaucoup d’espace entre les stands, pas pratique quand on a un gros sac… BADABOUM !! je renverse une caisse pleine de piments végétariens ! Après avoir tout ramassé on fait un échange de sacs avec Isma. Après avoir fini toutes les courses dans une vieille odeur de viande crue, de fruits et légumes, on rentre avec Océane et Mathys en motoconcho. On rejoint Chad qui nous dit qu’il attend depuis 30 minutes. On attend encore 15 minutes avec lui, qui ne fait que nous répéter : « Le nœud de taquet  est mal fait, ça me stresse.». Isma arrive, on remplit l’annexe de tous les sacs et les cagettes, puis on monte tous. Ah non, Océane reste et attend Lola et Yawenn qui achètent tous les fruits. Pendant ce temps au bateau on sort des sacs et on range tout. Bazar général à tribord, il y a des légumes partout, ça déborde  dans les caisses. Chez les équipiers ça parle dans tous les sens. 13H30, pause repas bien méritée. Pas le temps de se reposer, on finit de ranger tous les légumes, de nettoyer toute la terre dans le carré, puis je commence à trier et couper aux ciseaux les herbes pour faire les sauces salade. Ça me prendra toute l’après-midi. Les autres ? Repartis aux courses.  Eh oui ce n’est pas fini, il y a tout le sec à faire au bateau. Yann, Anouk, Isaac font la vidange du moteur, le reste de l’équipage rentre ; à peine ils arrivent je range déjà 2 sacs, puis Lola m’aide pour les flans de leche ou pas puisqu’ Océane s’est trompée et nous a ramené non pas 60 boîtes de flan de leche mais de leche ! On en a goûté et après on finit de ranger. Après le goûter épluchage de curcuma pour certains, création de lacets, baignade et douche pour d’autres, puis après un repas rapide et délicieux on va se coucher parce que je ne sais pas vous, mais moi je suis crevée .

Tallia


Le 16/02/23

Ça y est on a le permis pour le Banc d’Argent, on va pouvoir partir aujourd’hui pour les baleines.

Après un bon petit-déj, une équipe reste au bateau et l’autre part acheter ce qu’il restait dans la liste. Moi je reste au bateau, faire mon travail de tête. En fin de matinée, les équipes de courses reviennent de leurs missions, on range puis on se met à table. Après le repas, on prépare le bateau et vers 15 h nous larguons le mouillage. Départ en louvoyant pour sortir de la grande baie de Samana, les vagues et le vent étaient au rendez-vous mais le mal de mer aussi… Je vais vous expliquer comment  se passe un match de vomiskateball...

Règle numéro 1 : bien viser dans les paniers.

Règle numéro 2: ne pas aller dans les coques. Une fois que vous avez ces règles en tête le jeu peut commencer.

3…2...1… top ! Anouk court vers le panier et elle marque, suivie de près par Yawenn !

Les deux équipes sont à égalité ! Mais Océane entre dans le match et marque un double panier, mais Yawenn ne veut pas se laisser faire, il marque un autre panier ! À la dernière minute Isma arrive et marque, faisant gagner l’équipe tribord de deux points. Tribord gagne ! Après ce match des plus fous, les quarts de nuit arrivent. Des quarts se déroulant dans une nuit sombre, avec des grosses vagues.

Yawenn Leroy   



Le 17/02/23

Ce matin je me réveille pour déjeuner et je suis content car je suis de cuisine. Je passe  ma matinée à rien branler. Non j’rigole, non j’rigole pas, attends 2 secondes, faut qu’on ce concerte. Ah ben non en fait on arrive à Silver Bank, tu sais les baleines là ! Bref, 11h, je vais faire la cuisine, ce midi ça sera riz, salade, pain, guacamole et en dessert fromage blanc. Ensuite les autres reviennent de la préparation mouillage et comme prévu, c’est l’anniv’ de Isaac. Du coup, il aura droit à un gâteau au chocolat et des cadeaux. Après cela, plongée, moi j’y vais mais sans en avoir envie. Après 10 min je rentre au bateau car l’envie de faire une activité n’est pas présente. Bref après 30 min tout le monde rentre au bateau et nous mangeons avant d’aller nous coucher au mouillage en plain milieu de la mer.

Mathys


Le 18/02/23

Aujourd’hui, après les tâches et le travail de tête, Ismaël nous a fait un topo sur les baleines et sur comment faire pour les voir, nager avec elles. Après le repas de midi, plongée sur l’épave. Elle est immense, de loin, on ne voit d’elle qu’une petite partie mais sous l’eau c’est très différent. On peut voir du métal rouillé et encore du métal rouillé. Des poulies plus grosses que ma tête et de très gros piliers. Tout un tas de poissons vivent, grandissent ou se nourrissent ici, au creux des restes de cet énorme cargo. Lorsqu’on rentre au bateau, je suis épuisée, j’écoute la lecture collective puis je vais me cacher dans ma couchette jusqu’au repas du soir avec les Philo-fables pour la Terre. Il y a parmi toutes ces fables une qui m’a bien fait réfléchir. Elle s’appelle l’ingratitude de la gazelle.

C’est l’histoire d’une gazelle qui fut prise en chasse par des hommes. Dans sa fuite, elle se réfugia dans un petit bouquet d’arbres. Et les feuilles qui s’étaient resserrées autour d’elle l’aidèrent à se dissimuler. Cependant, la gazelle un peu trop gourmande ne put s’empêcher de grignoter le feuillage.

Anouk


Le 19/02-2023 « Le banc d’Argent ». Pour Tit.

Playlist.

« Dis papa t’as connu le corail ? » « S’il y en a un qu’a bien connu le corail c’est ton père, c’était au siècle dernier quand le corail était vivant, il y avait des couleurs partout et des poissons aussi. J’avais le corail en fleurs ». C’était il y a bien longtemps, d’en parler ça me fout le seum (comme ils disent). J’aurai pas dû mettre les Zouffris Maracas ce matin, ça m’a mis dans une drôle d’humeur.

Routine.

Pourtant la journée commençait bien, déjà il n’y avait pas les bateaux de charter et ce depuis 48 heures. Un vrai coup de chance, mais qui a pris fin en fin de journée. Journée qui nous avait vu installer un début de routine : cours d’espagnol après les tâches, plongée vers la barrière l’après-midi.

Baleines.

Pour moi qui n’était pas parti plonger avec les autres, ce sont des baleines passant à moins de 100 m derrière nous qui m’ont attiré dans l’eau avec Chad. Nous avons nagé dans la direction où nous les avions vues sans les rattraper. Puis Chad est parti vers l’est, puis vers le bateau. Moi vers le nord et une tête de corail où je me suis assis pour voir si les baleines ressortaient pas loin. Mais ne les voyant point, je me suis mis à rentrer en plongeant et là j’ai entendu une baleine chanteuse assez proche, j’ai essayé de la trouver en me dirigeant vers le son, mais le chant s’est arrêté et je suis rentré à bord. J’y ai retrouvé Chad et Océane qui observaient les mêmes baleines qui n’étaient pas très loin de l’endroit où je les avais attendues. Chad était motivé pour y retourner et Océane l’a accompagné, même si c’était loin, les baleines semblaient immobiles. En fait le temps qu’ils arrivent près de la tête de corail où nous les avions vues, elles s’étaient éloignées vers l’ouest.

Plongée .

Les plongeurs sont rentrés sur le bateau en racontant ce qu’ils avaient vu : des raies léopards, une tortue et le requin, tu l’as vu le requin ? Ben non, je ne l’ai pas vu, je n’étais pas avec Lola !

Groupe De Parole.

Après le goûter un GDP nouvelle formule, à l’initiative d’Océane : chacun doit dire un coup de cœur, un coup de blues et un fou-rire (ou bon moment) de la semaine écoulée. C’est un peu plus varié que nos derniers GDP ou chacun avait 2 mn 30 pour dire comment il s’était senti dans la semaine. On garde l’idée de la minute optionnelle que chacun peut prendre pour dire quelque chose en plus. Et dans sa minute Mathys revient sur quelque chose qu’il ressent comme une injustice, cela part d’il y a 2 soirs où je lui ai dit qu’il devait arrêter ses apartés quand nous sommes en groupe, pendant les repas par exemple, avec l’autre Matis, surtout que c’est pour parler à 2 de sujets qui n’ont rien à voir avec ce que l’on vit. Je précise qu’on en était au moins au 4e rappel de cette règle (écrite) dans la semaine. Il était parti faire la vaisselle en tenant des propos orduriers. J’avais continué en disant à l’autre Matis qu’il était lui aussi responsable de la situation. Ce qu’il avait retransmis à Mathys sous la forme de : « Ils ont dit (les adultes) qu’on ne doit plus se parler ». Et c’est cela que Mathys trouvait injuste et insupportable. Après avoir redit à Mathys ce que je trouvais énervant dans son attitude et qui m’avait fait réagir autrement qu’en le lui disant pour la Xème fois, j’ai aussi demandé aux autres membres de l’équipage, surtout les jeunes, ce qu’ils pensaient de cette situation (les apartés récurrents). Certains ont pris la parole, mais cela a un peu tourné aux reproches que certains voulaient faire à Mathys ou à dire qu’ils étaient d’accord avec moi. Genre contre Mathys tapez 1 (ou sur lui) pour Christophe tapez 2. Yann a pris la parole pour dire que cette discussion le mettait mal à l’aise et que cela ressemblait à un « tribunal ». Je pense que nous étions nombreux à ne pas apprécier la tournure qu’avait pris ce GDP, y compris parmi ceux qui s’étaient exprimés. Nous mettons donc un terme au GDP et je ne sais plus qui a dit : « Ben au moins avec cette nouvelle formule c’était plus animé ».

Conclusion.

Je suis allé discuter avec Mathys pour lui redire que mon intention n’était pas de le mettre sur la sellette, mais d’avoir le sentiment des autres sur cette situation et que j’aurais préféré qu’il vienne me parler directement plutôt que de s’en tenir à ce que lui rapportait l’un ou l’autre de mes propos.

Fini.

Tout est donc bien qui finit bien. Et le soleil s’est couché derrière les bateaux de charter. Et nous aussi nous nous sommes couchés mais sur notre bateau.

Christophe


Le 20/02/23

Tard dans la nuit :

Hum… C’est quand le petit-déjeuner ?

Un peu plus tard :

C’est bientôt le petit-déjeuner ??

Voilà comment mon cerveau décide de m’embêter toute la nuit. Aujourd’hui au programme il y a taches, caca bain ou pour le dire plus joliment cadeau aux charters, espagnol puis navigation. Tout passe vite et en un claquement de doigt je suis à la jupe. Yawenn est à l’eau avec l’aile, je le surveille. Quand il remonte il me dit que c’est incroyable. Je prends donc l’aile, peu rassuré mais intrigué, je vérifie trois fois mes propres nœuds avant de sauter à l’eau….

Le mou défile dans l’eau jusqu’à ce que mon corps se laisse tracter par GN. Je sens des vibrations partout dans mon corps. La mer est belle, l’eau est bonne, la visibilité un peu moins. Je décide quand même d’incliner l’aile vers l’avant et de plonger. Les sensations sont indescriptibles, la vitesse se sent sur tout le corps. Je remonte et laisse ma place à Isaac avant que l’on soit appelés pour  manger. Après un bon repas, retour dans le monde sous marin ; je veux à nouveau entendre le chant des baleines, mais je ne suis pas suffisamment bon en apnée pour rester longtemps, je fais donc des aller-retours. L’heure de repartir a sonné et en quelques secondes, pour qui suit encore dans un petit nuage, nous sommes en train de slalomer entre les patates de corail pour rentrer. On sent la routine se créer et notre cocon se refermer, j’aime savoir parfaitement ce que l’on fait tout autant que quand on se laisse surprendre par l’aléatoire du jour. J’ai l’impression de pouvoir progresser dans plein de domaines différents petit à petit. Je suis plus tranquille intérieurement, bref je me sens bien.

CHAD


Le 21/02/23 « BALLENA PSYCHADELICA »


Tout est sombre, L’ombre, le vide dans l’espace…

Le corps se déhanche et plonge, l’océan pousse

Le mouvement chasse l’élément aqueux

L’eau qui entoure, l’eau qui couve…

Un tympan, deux tympans, « Plop »

Le bruit est là

Bruit, Son, Extase musicale ?

Cacophonie, Symphonie, Palabre verbale ?

L’ouïe envoûtée, le cœur palpitant

La chair vibrionnant des basses charmantes

L’esprit est emporté et dans les colonnes de lumière  

Le plongeur sombre dans les entrailles de la mer

Le sable est proche, la terre lointaine

Et le corps en lévitation de son poids tombe

Au dessus ne restant que les ondes

Ondes longues ondes courtes sinusoïdales

 Alizées, arctique, houleuse cavalcade

Mais le bruit reste immuable et palpable

Incantation intraterrestre, chant de sirène

Transe chamanique, valse rêveuse

prière chimérique, mélodie langoureuse

idylle soporifique, berceuse inhumaine

Je me perds, je m’égare, les sens inhibés

Réflexes vitaux oubliés, mental paressant

Je crois, je me désole, qu’il est grand temps

de remonter vers les rayons célestes

d’un monde oxygéné seul source d’air

Ou les choses parlent au lieu de chanter

Yann



Le 22/02/23

Ingrédients :

- 30 à 40 tonnes de baleine à bosse ;

- Un petit baleineau ;

- Quelques patates de corail ;

- un filet de turbot

- Une tasse d’eau de mer ;

- 1 oeuf ;

- 1 fruit de la passion ;

- 1 tasse d’eau de mer ;

- 173 flans de leche ;

- des poires

- 1 bouquet de sargasme

- 1 pincée de safran

Pour une belle rencontre baleinesque, tout d’abord rêvez pendant des mois d’un mignon de baleineau accompagné de sa mère sur un banc d’argent. Laissez de côté vos doutes, vos peurs et vos appréhensions. Lorsque vous êtes bien mûrs, formez un équipage pour partir en voyage. Choisissez un banc, un banc d’argent de préférence, un Silver Bank ou bien un Banco de la Plata, ça conviendra. Faites chauffer sur le pont une équipe de guetteurs, mettez de côté un petit groupe de plongeurs à mariner dans leurs combis, à dessaler dans leur transpi, sans oublier de prévoir palmes, masques et tubas, toujours prêts à dégainer.

Laissez ainsi mariner votre marinade de marins amarinés. À souhait, vous pouvez aussi leur faire faire quelques ronds dans l’eau, ça n’en sera que plus rigolo. Observez les baleines à vapeur filer turbo, chaque fois que vous vous mettrez à l’eau. Pour la passion du sucré-salé, incorporez un flan de leche entre chaque plongée, plongez dans l’eau bouillante, dans l’huile turquoise, ou bien la mer plombée. Si vous broyez du noir, ne perdez pas les poires, n’en faites pas des salades, gardez la patate de corail, un brin de sargasme, une tasse d’eau de mer, un nœud à la coque, un soupir de safran.

Et un beau jour, envoûtés par son chant, aurez-vous peut-être le privilège de tomber nez à nez avec le léviathan.

Alors servi sur le plateau d’argent, un formidable assortiment, savourez, délectez, jusqu’à la moindre miette de votre assiette chaque seconde de cet instant hors du temps. Avec vos compagnons de palanquée, communiquez, laissez-vous être touchés, vous transcender par ce que vous êtes en train de goûter :

un baleina-flirt .

Ismaël


Le 23/02/23 « La non rencontre ! »

La plaine de sable, terrain de jeu pour tous plongeurs apnéistes. 12H20, je plonge avec Yann, en espérant tomber sur une baleine. Je me stabilise à la surface de l’eau, je me prépare à descendre. Je me calme , reste zen, mon rythme cardiaque est de plus en plus lent. Je sens que c’est le moment et je sonde. Je m’engouffre dans ce monde aquatique à la force de mes jambes, tout en écoutant le chant des baleines qui fait vibrer mon âme. Mon corps est en accord avec mon cerveau, cela me permet de descendre jusqu’en bas. J’ai l’impression de m’aventurer dans un gouffre sans fin. Je vois le fond mais il n’arrive jamais à moi. Le chant m’accompagne toujours, ce qui me pousse à continuer. La route est longue mais j’y suis enfin. Je touche le fond, me mets en tailleur et attends. J’attends en espérant voir une baleine passer son chemin, mais je fais une autre rencontre. Un poisson m’intrigue, il est blanc avec 3 taches noires à l’horizontale sur son corps, des moustaches tombent de son menton. Il est entouré d’un banc de poissons, il fait route avec eux, mais à un moment il me repère. Nos yeux se fixent, quelques secondes plus tard ce poisson mystérieux décide de mettre fin à cette rencontre en partant à pleine vitesse, rejoignant ses anciens compagnons. Je remonte tout content et intrigué par ce poisson. J’aimerais savoir son nom et pourquoi pas le revoir. Ce n’était pas la rencontre que j’espérais mais c’était une belle rencontre. Je découvre son nom quand j’attrape le livre sur les poissons coralliens. Ce n’est autre que le barbarin rouge, je l’ai vu sous sa forme colorée. La journée se terminera avec l’anniversaire d’Anouk et une autre plongée en compagnie d’Ismaël que j’avais laissé pour mort dans un tunnel. Dans la nuit un autre événement marquera cette journée, une météorite énorme est passée au dessus de nos têtes pendant qu’on essayait de dormir sur le filet avec les deux Mathis.

Isaac

Le 24/02/23

Chapitre 1 : Quand les chat-rters sont pas là, les souris-res dansent

L’agressor. C’est un nom pour un bateau ça ? Un bateau d’observation de baleines en plus. Y a de quoi lorgner du coin de l’œil d’un air sceptique : AGRESSOR. Ils veulent agresser qui au juste ? Agréés pour agresser les baleines à coups de touristes en annexe à moteur peut-être. Mais pas agréable pour le voilier qui vient depuis une vingtaine d’années et qui voudrait bien être épargné par les six petites embarcations vrombissantes à tout va, là, et de ces trois bateaux qui s’interposent pile poil entre eux et les couchers de soleil à chaque repas du soir. En ce matin du 24 février, les Grandeurs naturiens auraient eu un vrai prétexte pour fêter leur « une semaine » à Silver Bank. À peine le jour levé, ils peuvent admirer le magnifique, le splendide, l’incomparable ballet (presque) synchronisé des charters qui larguent leurs amarres et s’éloignent, moteur grondant, en direction de Puerto Plata où ils ré-embarqueront une ribambelle de nantis prêts à payer 1000 $ pour vivre une expérience sensass’ : NAGER AVEC DES BALEINES À BOSSE, attraction en pleine mer, ouverte de février à avril, all inclusive.


Chapitre 2 : Comment voyager dans le temps.

Vous êtes-vous déjà demandé l’heure qu’il est ? L’heure qu’il est vraiment ? Mais où ça ? Chez toi ? Chez moi ? Dans quel continent ? L’heure universelle déjà. Autrement dit l’heure UTC, ou l’heure TU. Celle qui est donnée par une grosse horloge atomique. L’heure qu’il est à Greenwitch, celle qui est calée sur le midi de Greenwitch. Les fuseaux horaires ne suivent pas exactement les méridiens mais c’est tout comme : il faut s’imaginer un découpage sur la terre comme des quartiers d’oranges, chaque quartier correspondant à un fuseau horaire GMT +1, GMT +2, GMT +3, jusqu’à + 12 vers l’est et idem vers l’ouest mais en négatif. Il y a donc 24 fuseaux horaires. L’heure locale c’est l’heure qu’il est pour chacun au cadran solaire. C’est une science moins exacte, bien que si on calculait l’heure avec un cadran solaire on tomberait approximativement sur la même heure que l’heure fuseau. Petite précision, un fuseau = 1 heure, 1 heure = 60 milles, un fuseau = une centaine de kilomètres. Entre GMT + 12 et GMT – 12, il y a cet espace spatio-temporel surprenant dans lequel tu peux remonter le temps d’une journée si tu vas dans le sens du soleil, c’est-à-dire d’est en ouest. Une journée peut donc se répéter. À l’inverse, en allant d’ouest en est, on peut sauter une journée, autrement dit accélérer le temps.

Voilà la seule et unique machine à remonter le temps qu’a réussi à inventer l’être humain jusqu’à nos jours.


Chapitre 3 : Les poissons-coffres moutons !

Entre les raies léopard majestueuses, les carrelets qui ont un strabisme, les poissons ange noir et jaune vif, les tortues qui battent frénétiquement des ailes quand elles ont peur, les crevettes bleu fluo, les poissons chevalier aux prodigieux motifs, les couples de diodons timides, les requins vache de mer qui rôdent, les lambis cachés dans leurs coquilles, les poissons perroquets qui grattouillent le corail, les seiches qui ondulent curieusement, entre tout ça, mon poisson préféré c’est : LE POISSON COFFRE MOUTON !


Chapitre 4 : Haïku de Djedaï

Abdos, gainage et pyramides,

La force grandit en toi,

Voie du Djedaï.


Chapitre 5 : Citation

« À  force de dire « La baleine tu sors ! » elles ont fini par se vexer ! ». Tallia.

Voilà une des hypothèses que nous avons émises par rapport à la rareté des cétacés à bosses cette année.


Chapitre 6 : Manifeste pour la paix éternelle de la barrière de corail.

Je suis la vie,

J’abrite la vie

Je suis un écosystème d’une richesse époustouflante

Je suis l’air que vous respirez

Je suis le trésor des océans 

Je suis un mouvement perpétuel et lent

Je suis une respiration

J’absorbe, je filtre, je régénère

Je dépollue l’air que vous souillez 

Je suis multitude, je suis multicolore, je crée le sable

Je crée des plaines de sable

Je capture le chant des baleines, le chant de l’eau

Je suis le souffle magique qui régule l’atmosphère

Je suis l’équilibre

Je suis la force tranquille et je suis le cours des temps

Je suis l’écueil invisible qui piège les navires d’antan

Je suis la corne d’abondance

Je ne suis pas un objet de consommation

Je n’aime pas les folies frénétiques des plongeurs aux harpons

Je ne veux pas répondre aux caprices de mangeurs de poisson

Je ne veux pas subir les attaques sournoises des substances toxiques répandues dans les océans

Je suis fragile

Je ne peux pas survivre au réchauffement des océans 

Je meurs à feu doux sous le regard absent de ceux qui sont mes assassins

Je deviens blanche, je deviens vide, je tombe malade

Je voudrais me révolter mais je suis impuissante

Tout est allé trop vite pour moi

Les changements sont trop rapides et trop nombreux

Je suis là depuis si longtemps pourtant

Le monde qui m’entoure et que je protège inlassablement m’est devenu hostile

Vous ne vous rendez pas compte de ce que serait la vie sans moi

N’oubliez pas, je suis la vie.

Signé : la barrière de corail.  

LOLA


Le 25/02/2023

On se réveille avec une bonne nouvelle : les charters se cassent, yaouh ! Enfin on pourra voir le coucher de soleil ce soir. Bon je résume cette journée, espagnol le matin, travail solo, plongée. Parlons de plongée : on a vu une raie léopard, 2 requins, une tortue, une crevette violette, sans oublier le barracuda, tout ça en une minute. Ça fait beaucoup, mais toujours pas de baleine en vue, après le repas ça sera encore de la plongée, eh oui sur Grandeur Nature on n’aime pas les coups de soleil alors on se baigne. Pendant l’après-midi je me suis exercé à plonger en compagnie de Mathys. Après plusieurs défis on décide de rentrer au bateau, pour le goûter c’est flan de leche. Moi je dis qu’avec un peu plus de sucre ça serait meilleur mais j’ai peur qu’en rentrant mon médecin me dise de manger moins de sucre. Bref. Après un beau coucher de soleil qui finira au vert, je me demande  où sont les baleines, on n’en a pas vu une seule aujourd’hui j’espère que demain sera meilleur.

Matis Kirikou





Le 26/02/2023

« Ah mais non, ah mais non c’est pas les grillons » Voila comment a commencé notre journée : par la musique de Pierre Vassiliu, puis l’inspection des fruits et légumes, un cours d’espagnol sur les verbes irréguliers. Enfin nous partons parce que les charters polluent notre espace de mouillage, « patate de corail à 2 heures à 100 m » « baleine qui tape de la pectorale à midi 200 m ». L’après- midi on est rentrés tôt pour faire de la plongée, allez on fait comme les baleines, on sonde, on souffle, on tape de la pectorale. J’adore la plongée, d’ailleurs on a vu un barracuda , un poisson lion, Popol (Polixéni), notre poisson de compagnie Pascal et une tortue. Pour finir après un GROS bol de couscous revisité pour la 115ème fois, un Chad heureux d’avoir gagné alors que c’est sa première partie de Level up et une Tallia qui avait le seum d’avoir perdu au contrat 3, je vais me coucher déçue par cette défaite.

Tallia

 

Le 27/02/2023 « Les baleines ont fui »

Aujourd’hui c’est fini

Les baleines ont fui

On n’a pas compris

Isaac parle de triche

Christophe se dit

Remboursement du permis ?


Aujourd’hui l’horizon est statique

Comme le vent est parti

La houle aussi

La mer d’huile a conquis

Un 0°C suffit

Et ça devient Silver Bankize


Trêve de plaisanterie

Les phoques rient

Car nous on se languit


Aujourd’hui on cuit

Le soleil jaunit

On plonge sans combi

C’est la corail-thérapie

L’eau si translucide


Aujourd’hui je survis

Car 4 jours depuis que

Mon tympan a failli

La plongée je fuis

Mais pour le groupe j’écris

LES BALEINES ONT FUI


Moi aussi j’essaie de jouer avec les mots, c’est long, je n’y prends pas plaisir et le résultat est étrange. Je dois être plus concrète que poète. Donc je disais que nous avons passé une journée spéciale, apparemment bien plus rare à vivre qu’apercevoir une baleine sur le Banc d’Argent. Déjà les baleines semblent avoir disparu, en plus la mer est tellement calme que le bateau pivote autour de notre bouée de mouillage et enfin dans la soirée on aperçoit une fusée décoller pour l’espace. Je pourrais même rajouter qu’avec Yawenn on a failli servir une pizza’soupe (c’est à dire qu’elle baignait dans le jus des tomates). Aussi pendant que les adultes faisaient une réunion, les jeunes en ont aussi fait une de leur côté, ce qui est plutôt rare. À les entendre, on pourrait dire que ça a mal tourné. Tous ces exemples prouvent que cette journée était unique !

Pour donner un aperçu de l’ambiance à bord: il est 13h04, 35°C sur le pont, à l’ombre du taud Chad et Anouk s’entraînent à l’accordéon. Isma et Tallia sont à bâbord en train de rédiger un mail pour Carmen. Morgan joue de la guitare à tribord. Yann et Isaac sont partis en kayak pour noter les points GPS des patates de corail qui nous entourent, tandis que Lola et Matis pagaient sur leur kayak aussi mais pour essayer de rejoindre une baleine aperçue au loin. Christophe ouvre la baille de mouillage, peut-être vérifie-t-il que ses grosses clés du Popol n’avaient pas disparu ? Et Yawenn tranquille dans sa cabine répond aux questions pour le bilan collectif. Moi je profite d’une baignade dans cette eau si claire. Et c’est trop bon !

Le soir, il fait nuit, j’étais avec Yawenn en cuisine en train de faire la vaisselle, lorsque j’entends quelqu’un crier : « Une baleine ! ». Je ne prends pas le temps de monter voir car il fait trop noir. Par contre lorsque j’entends Mathys Morgan dire : « Venez voir les cuistots, il y a une fusée ! », et d’autres ajouter : « une météorite », « une étoile filante », là je suis trop curieuse de voir ce qu’il y a dans le ciel. Et en effet, c’était une fusée en provenance de Floride. Lumière blanche, elle laissait de grandes traînées qui semblaient être éclairées. Un long parcours dans ciel, tout le monde la suit du regard. Et hop elle traverse la couche d’ozone ! On aurait dit qu’elle entrait dans l’eau avec les halos créés autour d’elle. Il n’y a plus de traînée mais on aperçoit encore le point de la fusée. Elle avait presque parcouru les 180°C de la surface du ciel avant de disparaître. Plutôt impressionnant et très différent de la fusée observée, il y a deux ans sur le GN, depuis les îles du Salut.

Ce soir, je pars retrouver mon livre de Lyes Louffok et sa proposition de loi permettant aux enfants de voter. Il y raconte, en toute sincérité, le cheminement de sa pensée, ses arguments et ses propositions concrètes pour la mise en place d’une telle loi. C’est questionnant, perturbant et ça donne envie de faire place aux enfants. Mais à leurs yeux, est-ce vraiment intéressant ?

Océane







Le 28/02/2023


Je sors la tête de la coque bâbord et comme tous les matins, ça me fait bizarre de me réveiller au beau milieu de cette étendue de bleu, surtout sans barreur. Aujourd’hui pas de cours d’espagnol mais un GDP, pour parler de nous et des problèmes collectifs.

Après le groupe de parole, on prépare le bateau et enfin nous voila toutes voiles dehors, enfin presque car nous naviguons sous solent seul. À ce moment-là, je me suis installé sous la voile et là la guitare a commencé à chanter toute seule. le vent soufflait dans les cordes et produisait des chants  similaires à ceux d’une baleine ou à la résonance d’un violon et le son d’une flûte, j’avais l’impression de me retrouver à la plaine de sable, nageant, rêvant, planant dans les chants de baleines. Je sors la tête de mes pensées et trouve deux compagnons partageant ma rêverie musicale…

Yawenn Leroy

     










Le 01/03/23


Réveille matin 6 h, j’me réveille comme un bailleur

Là je me réveille chui fatigué comme un étron ou un ourson.

Départ matin 10h j’espère que l’on arrivera à l’heure

Ah non putain c’est vrai je suis de cuisine purée c’est le cas de le dire ce soir c’est purée mais avant ce copain y’a la journée ah désolé j’avais oublié j’en étais où déjà ?

Oui, c’est bon, c’est ça, aujourd’hui c’est l’anniv’ d’Isma.

Enfin pas le vrai le faux sinon ce n’est pas rigolo. Bon ok c’est bon je ne vais pas vo(mito) la journée c’est la routine du coup je vais plutôt vous raconter le goûter : un bon gâteau au chocolat, des cadeaux et puis voilà, Tallia finit mes tresses. Puis je vais préparer le repas et après manger jouer, puis je vais me coucher.

Mathys/MOOGGY/ZêKtA





Le 02/03/23 « Immense et si à l’aise »


Elle nous voit, là, quand elle nous fonce dessus ? Ah non, elle se tourne. Il est où son œil ? C’est bon ! Je le vois ! Ouaaah, le baleineau, il est là ! Il est trop mignon, il nage sous la pectorale de sa mère. Eh bien, elles sont balèzes les deux autres.

Sur Silver Bank, el Banco de la Plata ou le Banc d’argent, j’ai eu l’impression que la mer m’offrait un peu de ce qu’elle avait de plus grand, de plus beau, quelque chose qu’elle a que nous, les humains n’avons pas. Porque la tierra no se vende, no se compra. J’ai eu l’impression que l’océan nous avait montré sa beauté.

La plongée d’abord, les coraux, les poissons, les raies, les requins. Puis, ce 2 mars , elle m’a montré les baleines.

J’ai eu de la chance, j’avais senti que ce serait pour aujourd’hui. J’ai gardé ma combinaison, j’ai surveillé Lola à l’aile. Puis, il a fallu deux ou trois sauts périlleux à midi pour que je saute à l’eau et rejoigne Lola qui avait lâché.

Première entrevue, rapide, simple. J’aperçois déjà la petite famille, mère, bébé, sans oublier l’escorte. Elles partent rapidement et ressortent plus loin. Elles nous paraissent à une trop grande distance pour les rejoindre à la nage. Le bateau vient et nous rapproche d’elles, on nage droit par le travers.

Deuxième entrevue, plus proche, plus longue, tout aussi belle. L’escorte nous dévisage, se met entre la mère, son petit et nous. Elle nous fait face, mais finit par nous tourner le dos. Si on l’embête trop, il lui suffirait d’un coup de queue pour nous faire valser. Alors nous les suivons, mais doucement, et elles, elles vont vite, dans la direction de Yann. Elles nous sèment un peu, mais Yann les voit et nous continuons à les suivre. Ismaël et Yawenn nous avaient rejoints mais un peu trop tard, elles avaient déjà disparu. J’aimerais beaucoup en revoir.

Anouk.


Le 03/03/23 « Fin de séjour ».


Il se passe trop de choses dans ma tête, alors je ne sais ce que je vais raconter. Si je jette mes pensées en vrac comme un Mikado, ça donnerait : Problème avec une embarcation des charters/ le bilan et les évaluations de mi-voyage + les bilans ASE / Le peu de baleines que l’on voit pendant cette première période sur le banc/ La vie du groupe et les relations à bord/ Le départ d’Ismaël et la suite du voyage, escale à Cuba ou pas/ Comment je gère ma motivation et mes doutes/ L’escale courte à Samana…

Bon une fois que j’ai jeté tout cela sur le papier, je vais essayer de retirer le Mikado.

Donc je commence par l’agression par les charters. Nous étions rentrés tôt pour terminer la mise en commun de nos réponses au bilan de mi-voyage, vers 15 heures nous avions fini et un petit groupe a décidé d’aller se rafraîchir et de plonger devant le bateau. Des baleines

étaient passées à côté, poursuivies par une embarcation des charters, mais elles étaient parties vers le sud et la barrière de corail. Alors un groupe de 4 est parti plonger (avec palmes, masque et tuba) vers une tête de corail affleurant à 100 m devant le bateau. Ils plongeaient depuis une bonne demi-heure, quand les petits bateaux à moteur des charters ont commencé à se rapprocher. Inquiété par le bruit sous l’eau Yann est monté sur une tête de corail, composé de grosses branches de corail mort, pour voir et être vu, il a vu ressortir les baleines qui venaient vers eux. Ils sont restés groupés à côté du corail pour regarder les baleines, un bateau des charters leur a foncé dessus, un gros monsieur à cheveux blanc aux commandes du bateau, leur criait en anglais que c’était ses baleines ! Qu’ils (les plongeurs) n’avaient pas le droit d’être là, et qu’il allait faire ce qu’il faut pour faire annuler notre permis, que c’était la dernière fois qu’on venait sur Silver Bank, et d’autres choses du même genre... Il était à quelques mètres des plongeurs et des baleines avec ses hélices qui tournaient mais tellement furieux et tout rouge qu’il ne s’en souciait pas ! Ce que lui a fait remarquer le capitaine (Yann) qui était dans l’eau avec Ismaël, Tallia et Isaac, tous étaient restés le long de la tête de corail pour qu’il n’y ait pas d’accident. Les baleines sont ressorties un peu plus loin et les 2 bateaux à moteurs, dont celui de Lorenzo, ont déversé leurs « touristes » (une douzaine) dans l’eau, les nôtres sont rentrés à bord un peu choqués et tristes de ce qui c’était passé.

Dire que 2 jours avant je disais à Yann que cette année les charters s’étaient calmés et nous laissaient tranquilles, il faut dire que nous partons à 5 milles d’eux quand ils sont là pour ne pas les croiser ou les gêner.

La dernière semaine a été très studieuse, surtout pour les z’adultes, en plus du bilan de mi-voyage et du dessin/graphique sur les relations que chacun devait faire, nous avions les rapports pour l’ASE à écrire et les 2èmes évaluations de chaque jeune à faire. Cela nous a occupé 5 soirées. La mise en commun  du bilan et du graphique relations, à 12, nous a pris une journée et une soirée, étalées sur 2 jours. Les évaluations individuelles et les rapports ASE 2 jours, entrecoupés de plongées et même de rencontres avec des baleines sur la fin. Ouf, ça, c’est fait. La prochaine fois se sera aux Açores juste après la traversée.

Une des questions sans réponses que l’on s’est le plus posés pendant les 2 semaines était : « Mais où sont passées les baleines ? » Je n’ ai jamais vu aussi peu de Mégaptères en pleine période de reproduction des baleines sur notre petit coin de Banc d’Argent. En 2 semaines on en a vu autant  qu’en 1 journée moyenne d’habitude. Vu nos relations avec les charters, on ne peut même pas leurs demander si c’était la même chose l’année dernière. En tout cas pour moi c’est une énigme, heureusement que nous avons fait quelques rencontres les 3 derniers jours. Je vais essayer d’en parler avec Israel, le responsable du Medio Ambiente à Samana pour voir s’il a des réponses.

Et c’est ce que j’ai fait !

La vie du groupe, nous voilà à mi-parcours dans le voyage et on doit faire avec le manque d’envie, les attitudes qui ne changent pas et même le vol de nourriture dans les coffres du bateau, et franchement tout cela est dur ! Il suffi de 2 personnes pour abîmer le voyage des 10 autres. Il va falloir trouver des solutions pour changer les choses et mieux répartir le poids qu’ils représentent, surtout maintenant qu’Ismaël nous quitte, il portait plus que sa part de cet aspect désagréable de notre vie.

Se pose de plus en plus la question de l’escale à Cuba ou pas ! Nous verrons avec les nouvelles concrètes que Séb nous enverra de France. En fait quand j’écris ce texte une décision a été prise.

Quand à ma motivation et mes doutes cela allongerait trop ce texte qui est déjà assez long, je m’y attellerai la prochaine fois, à moins qu’il ne se passe trop de choses, auquel cas vous n’en saurez peut-être rien, je parle des gens qui lisent ce texte, ceux qui sont à bord savent !

Christophe


Le 04/03/2023

Aujourd’hui c’est notre dernier jour sur le banc ; ça me rend un peu triste mais je me dis que l’on part pour mieux revenir. Je commence la journée sur la carte avec Yann, on travaille sur la variation. J’aime beaucoup ces moments où j’apprends la cartographie et de nouvelles notions. Cependant l’espagnol vient assez vite mettre fin à ce moment, chaque apprentissage a son temps, l’espagnol c’est maintenant. C’est long et le fait que ce soit le dernier jour sur le banc rallonge la journée, chaque minute en dure deux. La fin du cours sera marquée par l’arrivée d’une baleine et de son baleineau. Avec Isaac, Yann et Océ on fonce. (Lire le portrait de Silver Bank)

On sort de l’eau et on rentre à bord, mon cœur bat la chamade, je suis tout content d’avoir fait cette rencontre. On mange le repas du midi animé par le débat : « Quel nom on donne au baleineau ? ».

On part plonger avec Isma et Yann. On voit plein de choses et toutes ces belles choses pèsent tellement lourd dans ma tête que je coule en voulant purger mon air… Ah non, finalement c’est l’unique poids à ma ceinture qui me fait couler. On rentre bien amusés par cette découverte et on finit la journée par notre                                                                                                                                 routine habituelle : goûter, lecture co, Jedi, repas puis dodo.

CHAD


Portrait de Silver Bank

Aujourd’hui maman est fatiguée donc on ne va pas beaucoup bouger. Mais on a eu des visiteurs qui ont tous joué avec moi. J’étais trop content, maman aussi. Alors il y en avait des grands et des petits mais bon comparés à moi ils étaient tous minuscules. Il y en avait un, il était drôle, je crois qu’il jouait à m’imiter mais il était très nul pour ça. Ils prenaient plein de photos de moi et maman même qu’ils voulaient identifier maman, donc elle leur a donné gentiment le droit : elle a sondé puis elle a relevé sa nageoire pour qu’ils puissent bien prendre la photo. Au bout d’un moment le petit homme qui m’imitait a collé ses yeux dans les miens et je crois qu’il a dit un truc du genre….

Aujourd’hui j’ai rencontré, avec Isaac, Yann, Océ, Ismaël et Matis, une baleine et son baleineau. Ils  étaient posés tranquillement quand on les a vus du pont, après l’espagnol. Là un groupe se prépare. On part après avoir revu des signes qu’ils n’ont pas bougé, sous le vent. Quand on arrive, rien, mais Yann  crie pour nous appeler et nous dit de le suivre, il les a vus.  On fonce, mon coeur  bat vite, j’ai mal aux cuisses mais l’adrénaline donne la force de palmer encore et encore, on arrive là où Yann avait aperçu les baleines mais rien. Elles jouent au chat et à la souris avec nous, elles sont repassées derrière nous, on fonce. Mon rythme cardiaque s’accélère, impossible de me calmer. Yann s’arrête et me montre quelque chose, je ne vois, au début, rien, mais peu a peu deux puis trois puis quatre pectorales sont apparues devant mes yeux. Les deux baleines sont là, devant mes yeux. Le baleineau joue autour de sa mère, je l’imite. Pendant un temps que je ne saurais définir j’ai joué à imiter cette danse magnifique. Un moment le baleineau passe une énième fois en dessous de sa mère puis remonte en me fonçant dessus. Je recule pour lui laisser la place, je le suis des yeux, il finit par sortir toute sa queue et je descends sous l’eau.  Je finis par coller mes yeux dans les siens et je le remercie pour tous ces beaux moments. La mère cale son bébé sous son ventre et nous fait un signe de la nageoire puis s’en va. On remonte à bord heureux d’avoir fait cette rencontre.

CHAD



Le 05/03/2023 « Cétus del levante »


C’est bizarre d’humaniser un mammifère de la taille d’un bus ! Mais c’est la magie des cétacés et de leurs origines si proches de l’homme.

Les marins pendant des siècles ont peaufiné les mythes sur les sirènes, tirées des formes chaloupées du lamantin… Quand même, assimiler le fantasme de femmes amphibies, faisant chavirer des navires par leur chant et leur beauté, à un animal broutant le fond de l’océan...

Les baleines après les avoir un petit peu côtoyées pendant 2 grosses semaines me font plutôt penser à une troupe d’artistes pluridisciplinaires. Equi, Accro, hoola hoop de baleineau, ballet aquatique, spectacle de fontaine et orchestre symphonique incluant toutes les tonalités, du baryton au castrat.
Après la première représentation de ce long spectacle crescendo au final mémorable, une rencontre magnifique avec une mère entraînant son baleineau au trapèze aquatique pour qu’il rejoigne la troupe.

Nous sommes finalement sur le départ. Répartition des rôles de l’appareillage, organisation de l’escale à Samana.

Mais par trois fois la troupe de la Plata nous offre un rappel digne de sa réputation. Dans la nuit déjà un baleineau fait un numéro de danse contact avec la coque bâbord à la lumière de la lune, au petit- déj les acrobates del Banco font pirouettes synchronisées pour finir sur un ballet aérien couronné d’un spectacle de souffle d’eau.

Par trois fois nous nous arrêtons, subjugués par l’énergie de la troupe, certains des équipiers déjà en tenue pour rejoindre la danse.

Nous tenons bon, partir pour mieux revenir… du moins avec du frais, troc difficile contre un Ismaël.

Jusqu’à la sortie du banc nous sommes escortés par les baleines, le spectacle finissant sur une course effrénée. Un dernier au revoir d’une nageoire pectorale, un dernier saut. Quel magnifique spectacle offert par la nature et quelle meilleure salle que le grand large pour en profiter.

Yann


Le 06/03/23

Aujourd’hui dernier coucher de lune rouge, dernier lever de soleil flamboyant.

Ce matin, dans une synchronisation parfaite des astres, de part et d’autre de la baie de Samana,

l’aube se lève comme un soupir, hors du temps, entre les quarts de nuit et la journée dans la fourmilière.

Mais pour l’heure, le bateau glisse doucement dans l’eau calme de l’entrée de la baie de Samana.

Ce matin je me suis réveillé tôt pour profiter de ces derniers instants de navigation avant l’escale technique. Escale qui sera pour moi l’ultime étape de ce voyage puisque je m’envole pour la France

48 h après notre arrivée à Samana. Tout va très vite, alors je prends le temps. Sur le pont, je retrouve Yawenn, Yann et Mathys qui terminent leur quart. C’est d’ailleurs ce dernier qui relève l’importance du moment en disant qu’il faut en profiter. Profiter, oui, mais comment ? Profiter sans attendre la dernière minute ou le dernier moment, profiter des gens qu’on aime, c’est un peu chaque jour ; profiter c’est tout de suite et maintenant, pas demain, hier ou quand « je serai grand ». Alors profitez-en, profitez de votre chance, de cette super occasion d’apprendre, de grandir, d’évoluer, de changer avec tous les gens géniaux qui vous entourent, parce que ce que vous êtes en train de vivre est tout simplement génial et extraordinaire, pour donner le meilleur de vous-même et pour ne jamais rien regretter.

Face au soleil levant je médite tout ça, prends quelques photos, avant d’être happé par les pensées qui me propulsent vers mes propres aventures.

Je repense par flashes à des centaines d’instants de vie pendant ces 6 derniers mois. Mais bien vite la réalité me rattrape en même temps que la petite ville de Samana (qui vrombit, klaxonne, grouille, bouillonne…) grossit à l’horizon.

Les 20 jours aux baleines sont terminés et il va falloir passer à la suite. L’heure est aux lessives, nettoyage, rangement, aux pleins, aux mails, aux courriers et aux courses. La journée passe plus ou moins vite, selon ceux qui s’activent ou ceux qui s’ennuient et tournent en rond.

Pour finir sur un ultime coucher de soleil, la journée se terminera sur une dernière ligne droite pour moi : un GDP à l’étrange goût de peanuts butter avec pour objet la question suivante qui sera :  « Qu’est-ce qu’on fait lorsque quelqu’un ne veut pas respecter une règle ? ».

Voilà, un petit cadeau pour la fin pour me tenir en haleine jusqu’au bout au cœur de l’action, afin que je ne vous oublie pas. Non je ne vous oublierai pas, mais j’avoue que je préfère garder d’autres souvenirs :

- Un piment qui met un coup de fouet après une longue ascension avec Mathys et Chad à Santo Antao.

- Un hors piste nocturne à Fernando avec Isaac et Yawenn.

- Un rap de la carotte avec Matis.

- Un porté rigolo à chaque spectacle avec Anouk.

- Une confiance rapide avec Tallia.

- Une histoire de pigeons avec Christophe qui me conte sa bonne action.

- Des papotages du soir dans la cabine avec Océ,

- Des extra d’espagnol avec Lola

- Et enfin des histoires de vieux ornithos avec Yann…

Sans parler de tous les moments de groupe (ADNG, Maroni, plongées, cirque, navigations, Santa Lucia, jeux, lectures co, Fernando, glaces ou batidos… et tant d’autres) qui étaient pour moi des super moments du voyage.

Il vous reste du chemin à parcourir, alors je vous souhaite un Groéland, pendant que je pars traquer le percnoptère (je vous raconterai une histoire). Bon voyage à vous !!!!

Isma

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