Le 20/04/2023 « Éclairs sur les Bahamas »
Je commence la journée par trébucher dans un seau de vomi, Tallia toute joyeuse me dit : « Eh mon vomi ! » On ne sait pas trop si elle le propose au petit-déj’ en plus du thé et du café. Puis vient le travail de tête, ou plutôt le travail de gland. En mer on perd les bonnes habitudes de Silver Bank, l’escale Luperon aura également donné une bonne pause dans ce rythme quotidien. Visiblement ce n’est pas facile de s’auto-motiver pour faire fonctionner les neurones. Je me retrouve donc à la barre avec 5 corps échoués derrière moi, le soleil tape déjà fort, il faut rester concentré sur cette allure au vent arrière. Les voiles en ciseaux, notre cata est beau et notre cap est bon. Chacun son tour, l’équipage va barrer par coup de 1/2 heure cette fois-ci pour éviter les empannages ou les battements du génois. D’ailleurs ça faisait longtemps qu’il n’avait pas pris l’air ce génois. Les écoutes attachées aux taquets des coques, la GV qui touche presque les haubans, la girouette qui indique nord-est, le bateau glisse tranquillement sur les vagues. Nous voilà bien en direction des Bahamas. À nous ces eaux turquoises, ces îles plates, cette tranquillité et ce sentiment de seul au monde. C’est dans l’après-midi, Christophe à la barre, que nous apercevons la première île. On espère tout fort pouvoir mouiller avant la nuit mais il y a encore du temps. Plusieurs font la sieste et moi je m’allonge aussi sur le pont avec en fond sonore la voix d’Anouk. Elle lit à Yawenn le livre « Le crime n’est jamais parfait ». Je somnole et ce sommeil m’aide à oublier mon ventre qui gargouille. Un corossol mal digéré de la veille.
Chacun vaque à ses occupations jusqu’à la pluie de fin d’après-midi. Nous, avec Chad, on part faire la cuisine du soir. Il fait tellement chaud avec la gazinière et la vapeur de la cocotte que lorsque j’en ressors je suis aussi trempée que ceux restés sur le pont. Visiblement ils se sont fait rincer. Mais ce n’est pas le seul grain de la journée. Un orage nous attend pour ce soir. C’est donc sur le pont trempé que nous mangeons. Un p’tit coco-choco pour le dessert et c’est le moment d’affaler le génois. Chad a très envie de participer à la manœuvre mais sa tâche du jour le rappelle à l’ordre : il doit nettoyer la cuisine, c’est frustrant parfois la vie en groupe, les règlements mis en place au service du collectif… Mais c’est aussi tellement enrichissant. Et des soirées comme celle qui a suivi, on n’en revivra pas d’autre. Une arrivée de nuit sur l’île de Great Inagua. Tout le monde est sur le pont, muni de son gilet de sauvetage, on aperçoit les quelques bateaux au mouillage et il y a même les éclairs qui illuminent partiellement notre chemin. Avec notre lampe hyper puissante on constate vite l’eau translucide, on s’avance tout doux sur ces profondeurs de sable jusqu’à atteindre les 6 mètres de fond pour lâcher l’ancre.
Une nuit entière nous attend pour laquelle les places sur le filet se disputent. Tout le monde veut profiter des étoiles mais assez vite l’orage chassera les heureux élus. Avant cela, ce soir, au programme télévisé ce sera : éclairs discontinus. Ils sont 4 à le suivre depuis l’arrière du bateau.
Océane
Le 21/04/2023
Ce matin, nous découvrons la côte de notre première île bahamienne, apparemment ici il y a des gens et des maisons, une ville et même un bateau qui transporte du coca. C’est Yann et Isaac qui vont à terre en premier. Lorsqu’ils reviennent, les esprits se tournent rapidement vers la baignade collective, même les dauphins profitent de ce moment, je suis restée au sec, non pas que je boude les dauphins au contraire, mais plus parce que je n’ai pas envie de me mouiller. Les autres sont appelés à sortir de l’eau, nous mangeons. Cet après-midi, Christophe ira à terre faire les mails et payer l’immigration (mission qui a échouée) pendant que les autres feront les contrats et responsabilités. Ce soir nous naviguerons de nuit jusqu’à Hogsty Reef, deuxième de nos destinations bahamiennes. Je passerai mon quart avec Christophe qui baille, Tallia qui dort et un goût de savon à l’orange dans la bouche à cause d’un chocolat.
Anouk
Le 22/04/2023 - « Hogsty Reef. Les Bahamas c’est très Ble(a)u. »
Chaque moment dans ce voyage est unique, pour les jeunes bien sûr, car ils ne feront qu’un voyage, mais même pour moi, qui viens ici depuis...trop longtemps pour compter, mettons 35 ans à la louche. Mais je ne suis revenu que 2 fois ces 14 dernières années et la dernière c’était il y a 4 ans, avec Océane. Et je me pose la question : qu’est-ce qui rend, pour moi, ce moment unique ? La réponse la plus évidente est : Je ne suis pas avec les mêmes personnes, et en plus en y réfléchissant c’est vrai !
Un exemple : hier Mathys a scié le bout d’un lambi pour essayer d’en faire un instrument de musique, ensuite la plupart ont essayé d’en sortir un son, Tallia n’étant pas mauvaise à cet exercice. Eh bien, ce moment particulier a eu deux effets, j’ai repensé à Louis en joueur de lambi, il y a 4 ans à Castle Island et j’ai remis dans la playlist du matin un morceau de Frank Nicolas, un musicien qui fait de la musique avec des coquillages. Sûrement que si je réécoute ce morceau plus tard, ces images de voyages remonteront à la surface ! D’ailleurs c’est drôle car Véronique a écrit à peu près la même chose dans son texte de cette année. Je m’en rends compte seulement maintenant en le relisant, inconscient ou connexion ?
Sur cette notion du temps et de sa perception, Anouk a dit quelque chose qui m’a marqué lors du dernier GDP, sur le temps qui paraît suspendu à certains moments du voyage avec l’impression qu’il ne finira jamais et qui pourtant passe vite à d’autres moments. Elle l’a dit autrement et mieux mais je n’avais pas noté ses mots, juste l’idée.
Autre moment du calcul du temps, et j’aurais pu aussi parler de ceux qui depuis une semaine apprennent le calcul du temps avec le sextant, c’est quand Luc est venu manger à bord. Il m’a demandé combien de Tours du monde (en distance) le bateau avait parcouru depuis 30 ans qu’il navigue. Je n’en ai pas d’idée alors nous avons calculé ensemble. Par rapport au nombres de voyages transatlantiques en 27 ans, en arrondissant avec les autres voyages, il a trouvé : 12 TDM, ce qui veut dire que en « présence à bord » j’ai dû en faire au moins 5 ! C’est beaucoup non ?
Surtout pour quelqu’un qui aime aussi peu le bateau et qui aime rester tranquille chez lui !
Christophe
Le 23/04/2023
Il est 6 heures 30. Au rythme de la musique les équipiers se lèvent un à un pour prendre le petit-déjeuner sur le pont du bateau. Le grand catamaran blanc Grandeur Nature est ancré au milieu de Hogsty Reef aux Bahamas, un endroit magnifique et débordant de vie aquatique. Nous sommes aujourd’hui le 23 Avril 2023 et après les tâches c’est le travail de tête. Chacun travaille, maths, français, anglais, physique, sextant… Le temps de concentration arrive à son terme, certains ne tiennent plus en place, donc Christophe annonce un départ imminent vers l’épave. Deux personnes au guindeau, une personne à la patte d’oie, une à la barre, une qui indique la chaîne, on remonte l’ancre puis on prend notre route pour l’épave. Moins de 1 mille nous sépare de cette dernière, on met les ailes et en un clignement d’yeux on mouille à 200 mètres du tas de rouille que nous irons explorer plus tard. On mange puis Mathys nous fait un petit cours de dessin, on apprend à faire un œil, le sourcil m’inspire je dessine donc un bateau au-dessus puis une voile, pour finir un compas dans l’œil. On décide après le cours de dessin de partir plonger. Isaac et moi partons les premiers. Deux mètres de fond au maximum, proche de l’épave la vie s’est installée dessus et on va explorer ça. Je perds Isaac de vue, pas grave, on s’adapte. Je trouve un Yawenn content qui fait du body surf, je le suis dans sa folie pendant une grosse demi-heure puis je décide de rentrer. Une fois à bord, goûter, lecture, repas puis G.D.P. La question aujourd’hui est : « Que fais- tu pour apporter de la douceur dans la journée des autres ? » Chacun répond et cela permet de se rappeler que la douceur c’est important. Que dans le groupe, si on ne s’aide pas, que les choses, même les plus petites, soient faites par les mêmes personnes, à la fin ça agace et la vie devient moins agréable. Il ne nous reste que 3 mois de voyage, alors faisons en sorte qu’ils soient le plus agréable possible. Je suis content d’être avec vous tous, je vous aime beaucoup.
CHAD
Le 24/04/2023 « EL BUJO DE ROBLE »
Langoureux, euse : adj. Qui manifeste de la langueur(2) Mélancolie douce et rêveuse →langoureusement adv.
Langouste : n. f. Grand crustacé marin très apprécié, sans pinces.
Langoustier : n. m Bateau équipé pour la pêche à la langouste.
Langoustine : n. f. Petit crustacé marin, très estimé, aux longues pinces.
Langue : n. f. système d’expression et de communication, commun à un groupe social, à une espèce. Expr: langue de bois, langue de vipère, langue étrangère, étrange…
Encore une journée de routine ! Attention, je vous arrête tout de suite, s’inscrire dans une boucle ici est somme tout plutôt agréable. Travail de tête, plongée, point au sextant, replongée, lecture co de Bilbo… Tutti quanti, c’est ça la vie sur Hogsty Reef !!! Tout ça dans des eaux aux nuances de bleu que même un Matisse (je ne parle pas de ceux à bord) n’aurait jamais pu inventer, allant de l’indigo à l’émeraude… Aujourd’hui buceamos sur une épave de barge en ferrociment, peuplée de crustacés démesurément grands. Celle-ci, ceux-ci m’ont inspiré cette histoire :
Des jours et des nuits à écumer les océans tièdes des latitudes tropicales… Le clapotis incessant du vivier vide, des après-midi entières à repinocher les cales, à tremper dans l’eau à l’odeur pestilentielle de la mort, triant les cadavres des crustacés et se faisant grimper dessus par les vivants…
Cette fois-ci, il s’était aventuré loin au nord, à l’ouest des Caïcos, et depuis 3 jours il tirait de longs bords carrés. Sa cale malheureusement n’était remplie que par des bêtes pas plus grosse que des langoustines. Mainte fois, l’idée de vider sa modique pêche lui avait trotté dans l’esprit. La carène liquide d’un langoustier le fait rouler incessamment et le ralentissait, l’âne était de plus en plus bourru.
Un soir de pleine lune, un énorme grain passa, avec du nord-ouest glaçant. Mais derrière lui se cachait sournoisement, l’enfer de tout marin, la pétole…
Le fetch quand même levé, El Bujo dériva langoureusement. Yvon partit noyer sa misérable dérive dans les profondeurs de troubles songes. Il rêva d’épave, de montagne corallienne jaillissant des entrailles de l’océan, de crustacés gigantesques serrant dans leurs pinces acérées une frêle embarcation, de forêts d’antennes ondulant comme de mornes métronomes, hypnotisant de leur claquement les marins perdus ! Il vit son ajoupa, sa triste cabane, engloutie par les flots sombres d’un cyclone enragé… lui contemplant cette triste scène dans sa hune en tête de mât...
Un énorme râle de la coque le fit sursauter hors de ses rêves troubles. En sortant sur le pont il vit une étendue d’eau turquoise qui s’était étalée jusqu’à l’horizon. Celle-ci baignée par la lumière de la lune, presque ronde, reflétait une brillance lugubre, glauque. Le fracas rauque des brisants jaillissant des abysses le fit frissonner. Il s’était échoué.
En se penchant par dessus la lisse, il vit des centaines de langoustes s’échapper par les virures éventrées de la coque. Celles-ci entonnèrent une longue plainte aiguë, accompagnée de cliquetis calibrés d’une langue qui leur était propre. Yvon écoutait l’effroyable symphonie, il essaya de le nier mais il comprenait ce chant mortifère.
Bientôt on entendit un murmure macabre jaillissant, orbitant autour des eaux figées qui enclavait El Bujo. Le murmure se transforma en un grondement lourd, pesant, qui fut bientôt accompagné par un orage de cliquetis rapides. Yvon vit converger des ombres décapodes, aux allures ectoplasmiques, monstrueuses créatures. Les cliquetis se transformèrent en grincement, en grignotement. Bordé par bordé, membrure par membrure, El Bujo s’affaissait, se tassait. Yvon en un ultime espoir grimpa aux enfléchures, mais très vite l’emplanture de mât fut engloutie, et le gréement s’enfonça dans une ultime lamentation. Le bruit sourd de la mâture percutant la surface de l’eau se fit entendre, faisant jaillir les flots maintenant pourpre sang, la lune rougeoyante sombrait à l’horizon…
Maintenant, quand vous mangerez une langouste, ou bien que vous verrez des colonies cachées dans les cales d’une épave, ou dans une cavité corallienne, pensez à cette histoire. Mais prenez garde, leurs antennes peuvent capter la peur à des milles à la ronde. Lorsque vous entendrez les cliquetis ou que vous les verrez gravir une patate, respectez-les, admirez-les, car nul ne peut savoir quand viendra leur ultime vengeance...
Yann.
Le 25/04/2023 « La plongéo-thérapie »
Pourquoi suis-je si addict à la plongée ?
Plusieurs réponse me viennent à l’esprit :
- Découvrir à chaque moment de nouvelles choses sur ce monde fantastique.
- L’apnée
- Pouvoir avoir des moments de solitude
- Dans l’eau c’est là où je suis le plus zen (ou pas)
Et j’en passe, tout ça pour dire que la plongée c’est chouette.
Isaac
Le 26/04/2023 « Qu’est-ce que la cuisine avec Christophe ? »
« Eh ! Pssst c’est ton quart ! » me dit Océane
Océ ! Ils ont dû louper notre quart, mais qu’est-ce qu’ils foutent là ! Je sors sur le pont et en fait les quarts ont changé car on allait arriver au 3ème quart et Yann préfère faire l’arrivée. À un moment, une personne en calbar avec des émojis dessus nous dit j’ché pas quoi, je dis :
- C’est Mathys. »
Yann nous demande :
« Qu’est-ce qu’il y a ?
- J’sais pas y’a Mathys qui nous fait un strip-tease dans le caillebotis. »
2 minutes plus tard un « Chadounet » arrive, on se marre mais on arrête vite car on doit se mettre à la cape. La manœuvre finie je sors mon hamac et j’écris mon histoire sous les étoiles. Le lendemain matin, nous arrivons à Castel Island, mouillage fait, travail de tête fait, bon ben OK baignade. 30 min plus tard je me mets à la cuisine, le riz chauffe et la salade est prête, bon ben baignade. Christophe me rappelle pour mettre des avocats dans la salade et on sert. Après le manger, baignade. Je pars faire une plongée avec Isaac. Christophe et Tallia partent faire le tour de l’île à pied. Chrichri me dit : « Si je ne suis pas là avant le goûter vous le faites sans nous. » Je rentre après 1 heure de plongée et j’abandonne mon ami Isaac sur la plage, on goûte et baignade. Je me marre avec Océ, nos 2 amis (Tallia et Christophe) sont enfin là ils ont rapporté une bouée, des casques de chantier et des pare-battages trouvés sur les plages. On attaque la cuisine, on mange et la vaisselle dure 20 min. Voila ma journée, quand j’y repenserai, je me dirai que j’ai abusé, mais comme dit la musique « travailler c’est trop dur, moi je préfère me baigner, ce que j’aime c’est glander et rien foutre de la journée. J’préfère zouaver que sérieuser, c’est meilleur de se défouler et de transpirer à faire de la merde, je crois que je suis fatigué vu que je ne travaille pas, je peux faire ce que je veux, alors je dis bonne nuit. »
Ps : j’ai fait cette musique pour toi mon Isma.
Matis Kirikou
Le 27/04/2023
Réveil aux aurores comme tous les matins sur GN.
Un beau lever de soleil m’attend sur le pont.
Mais l’heure du repas arrive vite, du coup nous nous mettons à table.
Au menu : Big cake.
Le ventre plein il est temps pour moi de présenter un topo sur l’emplacement des objets de sauvetage.
À la suite de cela Mathys nous présente un cours de dessin où on apprend à dessiner un bateau.
Le cours fini, Isaac, Chad et moi partons en plongée.
On fait les teuteus, Chad perd même ses plombs, mais il les retrouve.
On aura bien rigolé. De retour au bateau le goûter et Bilbo nous attendent.
Après ça on se prépare car ce soir est un soir exceptionnel,
Nous partons sur la plage faire des jeux Kali’na sur la plage.
Tout cela sera animé par Anouk.
Les jeux prévus :
Course de kayaks : cela consiste à faire un slalom sur la plage tout en tenant les mains de ses équipiers puis dans vos kayaks faites le tour du bateau.
Lancer de pommes de touline : celui qui lance le plus loin remporte la manche.
Tir à la corde : les pieds enfoncés dans le sable tirez comme des brutes.
Tir à l’arc : maniez votre arc comme un elfe et tirez dans les cerceaux.
La course de sacs : armés de vos sacs de black beans sautez le plus vite possible.
Poule, renard, vipère : rebaptisé attrape le foulard : comme son nom l’indique attrapez le foulard avant que les autres attrapent le vôtre.
La course de roulade : roulez le plus vite possible jusqu’à l’eau.
Les heureux gagnants sont : Océ, Yann, Mathys !
Après ce super moment collectif on a allumé un petit feu et certains sont restés dormir sur la plage.
Yawenn
Le 28/04/2023
Tallia
Le 29/04/2023 « Iles de Mira Por Vos ou la folie de coquillages »
Samedi matin, réveil au mouillage. En ouvrant les yeux, j’en oublie l’île sur laquelle nous avons mouillé la veille, c’est celle de Mira Por Vos. Nous sommes sur la côte ouest le long d’une plage, la seule de l’île car le reste ce sont des rochers sur lesquels s’éclatent les vagues. Aujourd’hui il y a de la houle et pour accoster la plupart y vont en kayak, moi je préfère palmer. Au moins je vois les fonds, la visibilité est vraiment nulle, le corail quasi mort mais je croise quand même quelques poissons, des balistes, des demoiselles et un gros poisson coffre. Celui-là, au fond, sur le sable, il se laissait porter par la houle, j’ai mis du temps à l’identifier. Une fois sur la plage, je rejoins Anouk, elle aussi cherche des coquillages mais elle n’a pas atteint ma folie. Et comme elle est de cuisine avec Matis, ils vont vite rentrer au bateau préparer le repas. La folie des coquillages, qu’est-ce que c’est ? Une addiction découverte à bord depuis peu, disons depuis notre arrivée aux Bahamas, à Hogsty Reef. Ça semble contagieux et visiblement le temps peut s’arrêter mais pas la recherche des coquillages. Comme le classement des « gros tas » nous pourrions classer par ordre les personnes atteintes de cette folie. Bon je vais éviter car j’ai bien peur
Cet aprèm, comme tous les 2 jours, nous avons droit au cours de dessin organisé par Mathys Morgan. Il nous enseigne comment réaliser des profondeurs et des ombres. Une petite histoire en découle, chacun explique ce que le dessin lui évoque. Moi j’aborde la notion du temps sur les plages (mon dessin du cours ci-joint). Le temps qui passe, qui blanchit les coquillages, qui voit les bateaux à l’horizon, le temps qui décompte les levers de soleil, etc. Cette notion, propre à Grandeur Nature, qui fait écouler le temps différemment. Cette bulle dans laquelle nous pourrions ajouter 2 heures à nos journées, juste pour le plaisir, que cela n’aurait aucun impact sur l’extérieur. D’ailleurs on pourrait abolir les montres, à part nous déconcerter, ça ne changerait pas grand choses.
Sur cette île, il y a aussi un étang. Tallia, Isaac et Christophe l’ont traversé ce matin, leur sac en bandoulière, quelques coquillages et de la boue jusqu’aux genoux. Ils ont rejoint Yann qui plongeait vers les cailloux. C’est à ce moment-là que Tallia l’a rejoint pour ramasser des Burdos vivants pour les cuire au bateau et les proposer au repas du soir. Accompagné d’une sauce mayo c’était bon et caoutchouteux. Ça fait plaisir de manger local au beau milieu des Bahamas !
Dans l’après-midi nous avons allumé les moteurs pour changer d’île ou plutôt de rocher car il n’y avait pas de sable sur ces îlots, par contre de nombreux oiseaux, par centaines. Ils font leur nid sur les rochers, au milieu des plantes grasses et des cactus de Barbarie. D’ailleurs, comme chaque fois que l’on voit un oiseau, c’est une petite pensée pour notre Isma. Je crois même que c’est son anniversaire aujourd’hui.
Il s’en est passé des choses aujourd’hui. J’aimerais vous parler de la responsabilité en cuisine de Matis Kirikou, ou encore des points journaliers « J’ai le sexe qui tend » (sextant) de Chad et Isaac. Ou encore des casques, des porcelaines, des lambis, des colombelles, des tronques convoités par tous les fous du bord. Mais je vais plutôt terminer mon texte par les paroles de Matis qui nous dira au repas : « Moi j’ai brûlé au soleil… façon je suis né sur une plage… de détritus. Et puis j’ai eu ma carte d’identité à Carouf ». Parfois on se mélange les pinceaux, j’aime bien quand Matis fait des métaphores qui souvent en disent long.
Océane
Le 30/04/2023 « GOLUMETTE »
Salutation mon trésoreee, petite devinette :
Qu’est-ce que je ne connais pas
qui me connaît
et qui va m’aider ?
Euh, euh, le bac.
Trouvé trouvééé il a trouvé !
Qu’est-ce que je fais
que j’aime
mais que je n’aime pas ?
Je ne sais pas, euh, tu peux répéter ?
Il veut que je répète, oui il veut, oui
Qu’est-ce que je fais
que j’aime
mais que je n’aime pas ?
Laisse-moi réfléchir ! Un bac pro alternance ?
Oui c’est bien c’est bien !
Que fais-je maintenant
et pourquoi ?
et pour qui ?
Un jeu de devinettes avec moi et pour m’amuser.
Perdu tu as perdu en fait il a perdu !
C’était une lettre pour l’ASE oui pour une demande de contrat jeune majeur.
Et pour cela ta punition sera de la recopier au propre sur une feuille blanche.
Non je vais y passer 2 heures.
Yes Océ me demande de monter.
Mince il me manque 2 phrases
Bon je les finis et je lui montre.
Oh j’ai fini ah ben on mange
des galettes de riz avec le reste de la veille
Miam. Au GDP sur la question des rêves
moi le 1er c’est aller à New York
et le 2 ème c’est créer ma propre série de mangas et d’animés
Sur cela bonne nuit mon trésorrr
Mathys YK_ZeKtA
Le 01/05/2023
« Ici, ce sera ma bibliothèque. Une maxi-bibliothèque avec un gros canapé de daron en cuir. Là à côté du feu, même si y’a pas besoin de cheminée ici, ça fait aussi four à pizzas. »
« Là-bas c’est le studio de musique et à côté le sauna, bon, y’a pas trop besoin de sauna ici c’est juste qu’il y a déjà les bancs. »
« Eh Yann ! J’ai trouvé les toilettes !
- Pourquoi elles sont si loin ?
- C’est un trou. »
« On peut mettre un atelier de forge ici. »
« Oh ! Salut Bernard !
- Un bernard-l’ermite ? Faut en trouver plein ! On va faire une course ! »
Le Ninja (de Yawenn) : il était trop fort celui-là, rapide, vif, les autres n’étaient pas encore partis qu’il avait déjà fait le parcours deux fois.
Le Peureux (de Anouk) : je l’ai trouvé par terre, il était énorme mais il avait quand même peur des autres concurrents.
Gros sac (de Yann) : Très gros mais assez rapide il est arrivé deuxième dans mon classement, il ne perdait pas le nord.
Joe tout nu : Il aurait dû jouer s’il ne s’était pas retrouvé à poil. Quand Yann l’a attrapé Joe l’a pincé et quand Matis a voulut le prendre par la carapace, il est resté accroché au doigt de Yann et s’est retrouvé dépourvu d’elle.
Je crois qu’entre le Ninja, le Peureux, Gros sac, Joe tout nu et le phare, ce que je préfère c’est le phare. J’aime les ruines, j’aime imaginer à quoi les pièces servaient et à quoi elles serviraient si un jour elles étaient retapées. J’aime râler car on ne peut pas monter en haut du phare. J’aime râler contre les gens qui le laissent pourrir ou contre le bernard-l’ermite qui se cachait dans les trous du plancher pour ne pas se faire attraper. J’aime courir partout pour trouver de nouveaux endroits. J’aime savoir que je ne suis pas la seule de l’équipage à aimer les ruines. J’aime imaginer leur histoire, mais pour le phare ce ne sera pas pour aujourd’hui, je n’ai pas encore parlé du départ de ce midi au près à deux à l’heure.
Ni de mon quart au moteur où j’ai tant ragé contre la barre. Et encore moins de Tallia qui pète sur son chat.
Anouk
Le 2/05/2023 « De Little Bird Rock et son phare rond à Conception Island et sa mangrove en eau claire, deux de mes endroits préférés aux Bahamas. »
Le phare rond se délabre d’année en année. J’avais un moment rêvé d’en faire une base GN et de le remettre en service.
Le vent n’étant pas au rendez-vous, nous avons fait la moitié de la navigation avec un moteur, pour finir même par se retrouver navigant sur un miroir avec le taud au-dessus du cockpit pour se protéger du soleil de la mi-journée.
L’île grossit. Et nous mouillons en face de l’entrée de la mangrove sur la plaine de sable.
Pour une fois tout le monde se met à l’eau pour aller explorer ce petit paradis marin. J’ai juste prévenu les premiers à l’eau qu’ils pouvaient se retrouver nez à nez avec des requins, mais qu’ils ne sont pas dangereux. Les 4, 5 annexes qui étaient dans le bassin de la mangrove avec leur moteur ont dû faire fuir les plus gros animaux . Avec Isaac nous croisons un couple de raies léopards sur le chemin, c’est toujours aussi beau et la luminosité fait que l’on a l’impression que les taches sur leur corps sont en relief.
Le courant de la marée montante nous fait passer la barre de l’entrée sans qu’il y ait besoin de palmer, par endroits il y a peu d’eau et elle est jaune et très chaude. Le courant du large commence juste à la diluer et à la refroidir,
Ce n’est pas la meilleure heure pour observer les poissons entre les racines des palétuviers car c’est trop trouble, on entrevoit juste des ombres qui s’y cachent.
Je reviens vers l’entrée où il y a de l’eau claire et des palétuviers, là plein de petits poissons, bébés barracudas, poissons tigrés, je m’accroche aux racines pour ne pas me faire emporter par le courant et les poissons ressortent autour de moi.
Je me décide à rentrer pour le goûter et la lecture-co de Bilbo le Hobbit, le courant rentrant a encore augmenté et il est plus facile de marcher sur le bord que de nager.
Revenus au bateau, on se raconte nos aventures et les poissons observés.
Plus du tout de vent. À la tombée de la nuit, les estomacs remplis, ça joue, ça bricole, ça bêtifie, bref les activités habituelles. Il est tôt mais les quarts de nuit, les activités de la journée sous un soleil ardent font que la fatigue me gagne.
Les moustiques arrivent alors, chassant du pont la quasi totalité de ceux qui voulaient y dormir. Au matin il ne restera que Yawenn dans son hamac.
Christophe.
Le 3/05/2023
Je voulais faire un texte court mais il s’est passé tellement de choses que je ne peux m’empêcher de détailler au maximum. On se réveille mouillés non loin de l’entrée de la mangrove de Conception Island. Comme toujours aujourd’hui je me réveille dans les derniers, c’est
Suite à cela Yann, Tallia et moi partons à l’aventure dans la mangrove en kayak, on pourchasse un oiseau bizarre, on navigue entre les patates. Pour ce que je pense être le retour je me mets à l’eau et je palme tel Obélix pour faire avancer le kayak. Au bout d’un moment Yann et Tallia me disent : « Bon, on va rentrer. ». Je vois un grand sourire se dessiner sur leur visage quand ils comprennent que je pensais que l’on rentrait. Je vous passe les détails de la lecture collective et du repas car des choses plus intéressantes se sont passées après. La nuit tombée, les bateaux au mouillage ne le savent pas, mais un grand danger les guette. Sur le pont de GN, ça commence par des « Il y a des moustiques ». Seulement quelques minutes plus tard c’est un véritable champ de bataille. Dans mon hamac il y a un trou, pas pratique pour les empêcher de rentrer. Je fonce donc dans ma cabine et là la guerre commence, les coups de paume s’enchaînent, mais ils sont bien trop nombreux. Je décide après 2 heures de lutte un repli stratégique pipi puis je m’enroule dans une moustiquaire et je m’allonge dans le filet avant de trouver le hamac de Tallia qu’elle a lâchement abandonné. Je ne réussis pas à fermer l’œil jusqu’à la plongée de nuit, et je ne vous détaillerai pas cette dernière car entre les moustiques qui venaient dans le tuba, la buée dans mon masque, les piqûres et la fatigue je n’ai pas réussi à vraiment profiter. En deuxième partie de nuit j’ai réussi à m’endormir, ce qui m’a fait le plus grand bien, et comme toujours je me suis réveillé en dernier. Aujourd’hui trois jours après tout le monde garde des séquelles de cette nuit affreuse, mais maintenant Conception Island est un vieux souvenir.
Chad
Le 04/05/2023 « L’îlemmacculée conception »
Les reflets de la lune, presque pleine et le bleu turquoise de l’eau sur les récifs émeraudes aguichent l’œil et les pensées s’engouffrent...
Cette île est vraiment magnifique, peuplée d’une végétation au nanisme trompe-l’œil, percée par une étincelante lagune aux formes fantasques d’un estuaire, entourée par un tombant au corail fleurissant si beau que le simple plongeur sera épris de vertige abyssal.
La conception est tout de même un nom bien générique de conquistador. Cette île ne peut se targuer d’un titre singulier, mais quiconque analysera celui-ci en détail, tirera son chapeau à la justesse de ce baptême.
Prenons la définition de conception : formation d’un nouvel être dans l’utérus (fécondation) ; créer par l’imagination, former une idée…
Dans toute mon ignorance j’avais instantanément en tête Adam et Eve, mais conception et création sont par bien des égards très différents.
Mince différence, mais les mots ont leur importance surtout dans l’art de nommer.
Concevoir pour moi a quelque-chose d’ultra-ordinaire avec toute la beauté dans l’art de faire fleurir la vie, de la laisser croître, s’épanouir.
La création, quant à elle, a quelque chose d’arrogant, à se complaire dans l’extraordinaire, loin de la simplicité dans l’allégresse de la vie.
Revenons à nos moutons, écumes des crêtes, revenons à notre île.
Si j’affirme vouloir tirer mon chapeau à l’homme qui lui a donné son nom, ce serait pour une seule et unique raison… Sa mangrove en eau claire, la seule des Bahamas.
Cette lagune est composée de multiple bras, se ramifiant en un large estuaire, le tout enclavé par une dense muraille de palétuviers nains. Elle perce, traverse l’île et son centre avant de se déverser côté Caraïbe à l’ouest de l’île. Si l’on peut considérer le mouvement eustatique de la marée comme le diaphragme de l’île les palétuviers en seraient les bronches et la lagune les poumons.
Oxygénant et couvant ces eaux nourricières, cette maternelle turquoise est peuplée d’un écosystème chérubin. Réel berceau à l’échelle d’une île, ces eaux peuvent monter jusqu’à 35°c, saturées en nutriments, et le courant peut atteindre trois nœuds. C’est une expérience œdipienne que de quitter la gestation de la mangrove en se faisant expulser dans le grand bain. Ce havre de paix offre refuge aux petits poissons, requins, tortues, raies, mollusques, et oiseaux qui pourront par la suite aller s’ébrouer sur le récif ou le tombant surplombant les abysses.
J’ai toujours vu quelque chose de maternel dans l’océan et cette mangrove au liquide halieutique nourricier est bien à l’origine de la vie, de la conception.
En ce moment ce phénomène est accentué par les mouvements diurnes impulsés par la lune bientôt pleine. Cette journée, celle que je vous raconte, commencera donc à minuit, par une plongée à la quasi pleine lune… Réelle partie de plaisir, zouaverie collective, hormis un détail, en plus de concevoir abondance de vie aquatique la lagune crée une quantité apocalyptique de moustiques, par millions ! La plongée de nuit paraissait un excellent exutoire jusqu’au moment où j’entends cette phrase : « Je crois que je vais rentrer, j’ai vraiment gobé trop de moustiques ! » Nous les aspirons tous par dizaines, le tuba nous servant de paille pour cet abject repas.
Le matin sera une réelle hécatombe, un génocide, surtout que les yinyins encore plus sournois prennent le relais.
Le matin, pour dégourdir nos corps endoloris par les démangeaisons, nous partons plonger sur la barrière de corail au nord de l’île. Celle-ci est resplendissante de couleurs, et en pleine santé. Ça fait du bien de contempler l’immaculée conception.
Je ramasse néanmoins une grosse portion d’un filet flottant avec des flotteurs, accroché à une gorgone. Ces filets abandonnés continueront à pêcher et à tuer pendant des décennies pour le compte de la maladresse et de la négligence.
La nature conçoit la beauté, l’homme quant à lui crée de quoi la souiller. Lorsque je suis dans l’eau je ne me sens plus humain, et je crois qu’au fond ça me fait du bien…
Yann
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