Chers parents et amis et autres personnes concernées.

Christophe et parti, Seb est arrivé et nous avons repris la
mer. Nous faisons de l’Est à présent. Nous rentrons au bercail. Certes, il
reste encore plus de 10 semaines à vivre ensemble et pour la plupart des
adultes, l’aventure reste encore à venir, mais pour moi, nous avons déjà
entrepris de ramener les petits à la maison.
Voici donc un aperçu de leur devenir, de leurs
transformations. Ce point de vue n’est que le mien mais ça tombe bien, c’est mon
texte.

Aujourd’hui, c’est un grand gaillard, il faut souvent se
rappeler (et lui rappeler aussi) qu’il n’a que 14 ans. Il a bien travaillé sur
les points qu’il était venu affronter. Il a découvert des côtés de lui qu’il ne
connaissait pas- des bons, des mauvais…
Un être humain à part entière, quoi !
Il apprend doucement à accepter ses faiblesses puisque c’est la seule façon d’en faire une force. Je lui souhaite de ne jamais oublier combien il est heureux et épanoui lorsqu’il est bien entouré, lorsqu’il ne garde pas ses soucis dans son sac, qu’il a quelqu’un à qui en parler et qu’il ne les occulte pas, comme nous avons le plaisir de le voir en ce moment, jour après jour. J’ai l’intention de l’aider à consolider ce bien-être au maximum pour qu’il ait plein de réserves dans la suite son odyssée à terre.
Un être humain à part entière, quoi !
Il apprend doucement à accepter ses faiblesses puisque c’est la seule façon d’en faire une force. Je lui souhaite de ne jamais oublier combien il est heureux et épanoui lorsqu’il est bien entouré, lorsqu’il ne garde pas ses soucis dans son sac, qu’il a quelqu’un à qui en parler et qu’il ne les occulte pas, comme nous avons le plaisir de le voir en ce moment, jour après jour. J’ai l’intention de l’aider à consolider ce bien-être au maximum pour qu’il ait plein de réserves dans la suite son odyssée à terre.
Philémon, lui, est arrivé à bord avec zéro souci. Juste envie de faire du bateau et de ne pas aller à l’école. Il n’avait pas réfléchi à ce que cela implique de vivre en collectivité pendant près d’un an. En tous cas, c’est ce que je crois. Il a donc découvert les décisions collectives, l’inertie de groupe, la nécessité de s’exprimer clairement si l’on veut être entendu, les efforts que demande chaque petite chose du quotidien quand on est 10 voire 11 à vouloir quelque chose de différent et de pas précis. Sa gentillesse a été un bon atout pendant qu’il faisait l’apprentissage parfois douloureux de codes sociaux qui lui sont pour la plupart complètement étrangers. Aujourd’hui, je le vois riche d’une expérience qu’il n’avait pas du tout prévu de vivre, en plus de celle qu’il attendait (naviguer, pas d’école, le voyage) : il vit avec un groupe d’amis, il rit avec eux, il pleure à cause d’eux, il a du plaisir à faire des choses avec ces amis, il s’autorise à s’engueuler avec eux (surtout moi) quand il n’est pas content, il apprend à réfléchir à ce que les autres ressentent (pas trop, quand même, c’est un ado !) il grandit plus sage et plus enjoué. Ah, bien sûr, on a définitivement renoncé à améliorer le niveau de ses blagues pourrites ( oui, Miren, j’ai bien dit pourriteuh), mais il semble qu’il soit tombé dedans quand il était petit. Alors on rit, même quand on ne comprend rien, parce que c’est quand même très drôle. Je suis sûre qu’il aura du plaisir et de l’intérêt à avoir un cercle d’amis à l’avenir. Des gens qui ne sont pas forcément d’accord avec lui mais qui font grandir car on compose avec l’autre. Un être humain à part entière, quoi !

Jade n’a pas eu le temps de se préparer au voyage,
puisqu’elle n’a su qu’une semaine avant le départ qu’elle en était. Alors, bien
sûr, elle l’a pris, ce temps de préparation. Elle l’a pris pendant que les
autres se mettaient déjà au travail. Elle a traîné derrière pendant un moment,
avec les « boulets » c’était plus confortable. On n’attend moins des « boulets »
(on nous a reproché plusieurs fois d’utiliser ce terme de boulet. Il aurait
fallu ne pas leur dire en face qu’on les traitait de boulet, c’est pas le genre
de la maison)

Anaëlle est ma meilleure amie à bord et je lui fais une
confiance totale pour tout. Aussi dois-je faire un effort particulier, tous les
jours, pour ne pas être trop bienveillante à son égard, car nous détestons
l’injustice plus que tout. Heureusement, elle aussi est un être humain à part
entière et je trouve presque autant de choses à redire sur elle que sur les
autres.
L’Anaëlle qui est montée à bord était la représentation de
l’enfant modèle, celui que tous les parents rêvent d’avoir : polie, obéissante,
pas exigeante, effacée, responsable, serviable, gentille, attentionnée,
toujours d’accord avec tout le monde, même quand elle n’était pas d’accord.
Toujours occupée à faire le bien autour d’elle, à prendre soin des autres…rien
qu’à la décrire, j’étouffe.


Je suis passée par tous les stades : l’affection, la
colère, le rejet, l’indifférence, le questionnement, la bienveillance, la frustration.
Je suis sûre que tu comprends certains des sentiments que j’éprouve pour ton
fils. Mais aucun de mes différents états d’esprit ne m’ont permis d’éclaircir
le mystère : pourquoi Moussa est-il bloqué dans le corps et l’esprit d’un
enfant de huit ans ? Pourquoi met-il en échec presque toute forme de
progression ? Lui-même est incapable de verbaliser quoi que ce soit et
nous répond toujours « bé, je sais pas »
Je n’arrive toujours pas à discerner le manque de volonté du
manque de capacité, la mauvaise foi de la réelle difficulté, et bien que je
sois l’adulte qui le connaît depuis le plus longtemps à présent, et si je mets
de côté la colère qu’il suscite et moi et l’apitoiement qu’il force chez tous,
je suis toujours incapable de décrire ce dont Moussa a besoin et ce dont il est
capable. Je sais juste qu’à 10 semaines de la fin du voyage, il ne s’est pas
encore réveillé et que j’attends encore un signe pour que je puisse à nouveau
lui tendre la main et faire ce dernier bout de voyage avec lui.
Voilà, chers parents et amis et autres, comment je vois les
jeunes alors que nous avons dépassé les 8 mois de voyage. J’espère que ce
billet vous aidera à reconnaître votre enfant sur le quai d’Alger, si vous y
venez, pour ne pas le confondre avec un autre, parce que sur le plan physique,
ils sont plutôt homogènes : bronzés, chevelus, blondis et souriants, alors
ne vous trompez pas. Ils se ressemblent un peu plus chaque jour.
Un vrai groupe de Robinson de l’Atlantique que nous vous
ramenons ; bien loin des petits soucis de la civilisation européenne. Mais
ne sautez pas dans vos métro et voitures pour venir nous voir, nous avons
encore des trucs à vivre avant de rentrer. On vous fera signe quand on sera prêts.
Bien à vous
LN
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