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22 décembre 2020

Lettre collective de Guyane... par Sydney

 

Hello tout le monde,

Le 4 décembre nous sommes bien arrivés à Saint Laurent du Maroni et nous commençons l’escale par le ravitaillement du bateau. Les premiers jours nous serons tous ensemble et pendant la journée quelques personnes iront à Latitude Cirque. Après, Océane et Théo partiront une semaine à Sinnamary, aller chercher Ismaël qui rejoindra le bateau très prochainement. Pendant cela le reste de l’équipage sera divisé en plusieurs groupes, selon les choses à faire et les envies de chacun. Quelques groupes de deux ou trois alterneront pour aller à l’ADNG ( Association pour la Découverte de Nature en Guyane) pour faire des travaux, d’autres de quatre ou cinq alterneront pour aller à Saint Jean du Maroni échanger avec les enfants de l’école primaire. Et pour ceux qui restent au bateau, certains continueront les cours de cirque à St Laurent.

 

« Le lapin » à Gilles ! (cette fois il nous l’a posé!)

Arrivés ici, nous avons appris par Lola que Gilles n’était plus, sa maison avait brûlé et lui avec. 

Plusieurs versions circulent sur cet événement: incendie volontaire, suicide au gaz, règlement de compte, accident… Depuis nous avons croisé plusieurs personnes qui nous ont donné des petits bouts de l’histoire.

Par exemple, j’ai croisé ses voisins: Enzo et son père, distants d’une centaine de mètres, ils ont entendu une grande explosion, le matin ils avaient croisé Gilles qui était venu échanger des livres et il allait bien.

Yann (du cirque) l’avait croisé la veille, ils avaient parlé de notre venue, que Gilles attendait avec impatience, mais il s’était brûlé en foutant le feu pour nettoyer son terrain… 

Un ancien jeune du cirque, qui était ami avec Gilles, lui a aussi dit qu’il planquait chez lui des « explosifs »!

Bref, la version la plus probable est qu’il ait mis le feu accidentellement à sa maison et que ses bouteilles de gaz et les « explosifs cachés » chez lui aient tout fait péter!

Depuis 10 jours que nous sommes là, je m’attends à voir la silhouette de Gilles apparaître sur le ponton flottant et nous faire signe de venir le chercher. C’est étrange d’être ici et que lui ne soit plus là pour nous guider à la rencontre d’autres « incos » comme lui. Je revois son sourire chaque fois qu’il venait à bord, son côté espiègle, c’est le souvenir que je garde de lui. Chez moi les nombreux cadeaux qu’il m’a faits décorent ma maison, souvenirs aussi de sa générosité!

Christophe.

Ce qui a marqué Ben c’est les gens en général, la mort de Gilles, Christine qui est retournée en France, des nouvelles rencontres hyper intéressantes ( Mado, Jonathan, Roberto, Killian, Lucile).


L’épave

Notre bateau est amarré à une bouée qui est située derrière une épave, envahie par la végétation. Cette dernière est très connue, elle se nomme l’Édith Cavell. Ce bateau quitte Cayenne le 27 novembre 1924 et arrive le lendemain au fleuve du Maroni. Deux jours après, voulant accoster le quai (qui n’existe plus) à St Laurent le bateau s’échoue sur un banc de sable qui le fait stopper net. De nombreux travaux sont mis en place pour le sauver mais néanmoins l’Édith Cavell se brise en deux le 30 décembre. 

 

Le nom en lui-même d’ Édith Cavell était celui d’une espionne anglaise qui a été tuée par les Allemands durant la première guerre mondiale, la cause de sa mort est son glorieux courage, d’avoir aidé des soldats belges à quitter la Belgique pour les Pays-Bas. Elle fut dénoncée et condamnée à mort. 

 

Le Cirque

On rencontre Yann, le directeur de l’école de cirque qui se nomme “Latitude Cirque” et Joël un jeune circassien. Cette école ressemble à un hangar sans mur, une grange remplie d’agrès de gym. Ils nous ont appris différentes disciplines : les aériens (trapèze, tissu, corde lisse); les équilibres sur les mains; le jonglage (massues, balles); l’équilibre sur objets (monocycle, boule, fils); l’acrobatie (trampoline, porter); les jeux d’acteurs et le mât chinois. 

Dès l’échauffement nous dégoulinons, transpirons et notre petit rituel est de rentrer sous la pluie, bien rincés. 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

Lola est contente que nous soyons enfin arrivés, elle a pris plaisir à partager le cirque avec nous et elle espère continuer comme ça.

Ce qui a marqué Kylian c’est son arrivée en pleine jungle à l’ADNG.

 

L’ADNG

Ce lieu est une Association pour la Découverte de la Nature en Guyane. C’est un camp caché en pleine forêt, c’est apaisant, paisible et agréable. Les personnes que l’on y rencontre sont très intéressantes par leurs histoires. Ces séjours se composent de petits travaux comme réparer le ponton de la crique, vérifier l’évacuation des éviers, nettoyer le site, ranger le bunker, réparer les fuites … 

Nous dormons dans des carbets, ce qui s’apparente à une cabane en bois sans murs, où l’on peut mettre nos hamacs. Il y en a d’autres qui servent à diverses choses. 

Maylou, ce qu’elle a le plus apprécié c’est l’histoire et les miracles des gens qu’elle a pu rencontrer.

 

Le Bagne

À Saint-Laurent-du-Maroni, juste à côté de l’endroit où l’on mouille, se trouve le camp de transportation du bagne. Nous l’avons visité avec l’aide d’un guide. 

 

Le bagne est une page importante de l’histoire Française pas toujours glorieuse. Il représente l’univers pénitencier de la Guyane où furent déportés ou relégués 70 000 détenus.

Nous apprenons que les bagnards, initialement condamnés pour racheter leur peine, étaient en réalité exploités, torturés, mal traités, malmenés et parfois condamnés à la peine de mort. Beaucoup mouraient de maladies et d’épuisement comme en témoignent Papillon ( Henri Charrière) ou Albert Londres dans leurs récits sur le bagne. Rares étaient ceux qui revenaient de ce véritable mouroir. 

La Guyane, c’est pas le bagne. Mais ça secoue quand même, quel cirque ! Une fois la première semaine d’adaptation et d’organisation passée, une fois le groupe reparti en sous-groupes pour diverses randos, à partir de là c’est génial ! La Guyane si vivante d’enfants, de projets, de cultures différentes, j’adore! Morgane. 

 

Saint-Jean

Saint-Jean-du-Maroni est un village bushinengué construit autour d’un camp militaire. Dans ce camp militaire ils chantonnent la Marseillaise deux à trois fois par jour. Il y a une centaine de familles (qui viennent principalement de la Métropole), des jeunes du coin en “découverte” et un groupe d’engagés en lutte contre l’orpaillage. 

Saint-Jean c’est quelques métro qui vivent sur une barge ou un bateau. Et surtout c’est un tas d’enfants djuka qui sont vivants, curieux de notre présence et qui se rappelaient de nous et de notre passage en bateau il y a 2 ans! Nous y avons retrouvé Chloé une animatrice de quartier qui nous a introduits dans les activités péri-scolaires.

Nous avons goûté à la danse traditionnelle d’Awasa, au fablab, à la confection de mini pirogues et de paniers. 

Tanaé a bien aimé aller à l’école avec Ewen et Maylou. Faire avec les autres. Elle a aimé aller dans le cimetière des relégués, couper du bambou, camper en hamac, jouer avec Joy, Jonas, Ilan, Ewen et les autres enfants. Elle a aussi aimé courir sous la pluie pour vite rentrer au campement, se baigner, aller à l’épicerie. Bref elle a aimé un tas de choses. 

Ewen a adoré aller à Saint-Jean et jouer avec ses copains bushinengués, Ilan et Jonas. Il a adoré aller aux deux écoles, vivre une bonne ambiance et le plaisir de travailler. 


Ce qui a marqué Maxime : c’est qu’il n’a toujours pas vu de serpent. 

 

Randonnée Théo et Océane


Ils ont quitté le groupe pour aller à Sinnamary et Kourou rejoindre Ismaël et ses amis naturalistes. Des balades en forêt, des observations (ara rouge, caïman à lunette, tatou, tamandua), des soirées au coin du feu et des nuits en carbet, des matins de foot et de nombreuses rencontres. 

Durant cette randonnée Théo a appris beaucoup de choses sur la nature.

Océane adore la nature d’ici, si dense et verdoyante.

 

Conclusion

Pour conclure ces dix premiers jours, nous nous retrouvons tous au bateau à Saint Laurent avant de repartir pour d’autres aventures. Nous espérons que la météo gardera toute sa clémence, malgré la saison des pluies dans laquelle nous nous trouvons. 

« Les moteurs d’un bateau, je trouve que c’est mieux quand ils fonctionnent tout seuls».

Sébastien.

J’aimerais faire un petit remerciement à tout ceux qui m’ont aidée à faire cette lettre collective.

Et je vous souhaite à tous de bonnes fêtes ! Pour nous ce sera au milieu de la forêt de l’ADNG...

Sydney.

 

7 décembre 2020

D'un continent à l'autre, par Maylou et Océane

 

“Oh vous m’embrayez !” nous dit Maxime. Eh oui on embraye les moteurs pour quitter la baie de Mindelo. Avant de partir pour la traversée, on fait une halte à Santa Lucia, cette belle île naturelle qui nous a bien plu à notre arrivée au Cap-Vert. On veut la montrer à Christophe, profiter d’une dernière plongée et quitter en douceur cet archipel. C’est le jeudi 19 que l’on met le cap sur la Guyane. Chaque membre de l’équipage écrit son pronostic d’arrivée. Ce jeu que nous faisons pour chaque navigation consiste à estimer la vitesse moyenne à laquelle nous avancerons grâce au vent. Cela permet, avec le nombre de milles nautiques à parcourir, de calculer le jour d’arrivée aux îles du Salut. À cela nous ajoutons le pronostic “poissons” : combien de poissons seront pêchés durant cette navigation ? Eh bien sachez que nous aurons pêché 2 gros poissons, un thazard bois et un thazard blanc long d’1 mètre 20. L’excitation sur le pont, la décapitation à la jupe et la dégustation dans nos assiettes. On ne peut pas faire plus frais !

Concernant les pronostics, c’est Maylou qui a gagné. Nous avons réalisé 1880 milles nautiques en 12 jours avec une moyenne de 6 nœuds.

Grâce à un vent portant nous avons navigué une bonne partie du temps avec les voiles en ciseaux. Voile d’avant d’un côté, grand voile de l’autre, c’est rare pour un catamaran de naviguer de cette manière. En tous cas pour nous c’est super agréable, d’autant plus pour ceux qui ont le mal de mer. Que ça soit les voiles en ciseaux ou une paire de ciseaux, les deux sont à notre avantage. Car croyez-le, en 12 jours de navigation, 3 de nos matelots ont grandi d’un an ! Et qui dit anniversaire dit cadeaux. Les cadeaux sur Grandeur Nature sont toujours fait mains, alors, de l’aiguille à coudre au marteau, le matériel de bricolage aura bien servi.

À l’aube du 21 novembre, des dauphins nous rendent visite pour fêter les 14 ans de Maxou. Taquin, un sourire en coin, il nous donne tout plein de câlins. Un thazard bois et 2 beaux gâteaux seront ses premiers cadeaux. En fin de journée, Maxime parcourt le bateau durant d’une chasse au trésor pour découvrir des bouts de canne à sucre. Ce sont nos bonbons à bord.


 

22 novembre, c’est Océ qui fête ses 10 ans de plus que Max. Et l’anniv d’Océane en plein Océan c’est quand même pas courant ! Elle a tout plein de belles attentions. Et comme la veille, ce sont Théo et Kylian qui se démènent pour cuisiner de bons gâteaux.

29 novembre, Kylian sort de la coque et tout le monde donne une voix de stentor pour une chanson personnalisée sur l’air de Santiano. On n’a pas inventé le fil à couper le beurre mais on a réussi à l’émouvoir. Le moment rigolade fut durant le goûter où nous l’avons accueilli sur le pont tous déguisés en pirate.

 


Mises à part ces journées exceptionnelles, le quotidien en navigation est bien rythmé. Déjà le soleil nous impose les horaires de coucher et celles de lever. L’horaire n’est pas tellement important car au fur et à mesure que nous avancçons, nous reculons l’heure. Et selon les personnes qui s’en chargent, on gagne une heure, soit durant le travail de tête, soit avant de manger car il y a du retard en cuisine, ou encore pendant la nuit pour avoir plus de sommeil. Mais ce n’est jamais au 4 heures pour goûter deux fois…

Le travail de tête est très aléatoire. Motivé ou ramollo, parfois esquivé, parfois intéressant, ce temps-là est bien personnalisé selon les intérêts et les capacités de chacun. Certains organisent des cours collectifs ou des exposés pour le groupe. Christophe et Maylou ont présenté l’histoire de la Guyane et de ses nombreux bagnes, tandis que Tanaé et Ben ont parlé des animaux vus et observés lors de leur dernier passage en Guyane, au voyage précédent.

En début d’après-midi c’est souvent le temps baignade, on affale la voile d’avant pour ralentir le bateau et on peut même sauter de l’étrave pour nous accrocher sous le bateau ou à l’arrière. La vitesse et la houle fluctuent. Par contre la joie dans ces moments-là est toujours présente, même Morgane a sauté de l’avant. On mélange le jeu à l’hygiène, se savonner ou sauter dans tous les cas ça mousse à l’arrière.

S’ensuit le point journalier, effectué par le navigateur quotidien qui comptabilise les nombre de milles nautiques ainsi que la vitesse moyenne parcourus en 24 heures. Autour d’un goûter, on écoute Christophe qui nous lit un livre sur les aventures d’un garçon orphelin. Une histoire bien touchante sur la déporatation des enfants anglais dans les années 1945. Entre le goûter et le repas du soir c’est souvent un temps libre, paisible, où des parties de jeux de société s’enchaînent, type échecs, backgammon, Main verte… Puis c’est généralement Maxime qui est pressé de lire les ¼ de nuit, au point de les connaître par coeur. Ainsi il nous annonce à quel moment de la nuit nous allons veiller à l’avancée, la sécurité de l’équipage et du bateau.

C’est au cours de ces journées qui se ressemblent que nous avons des surprises. On se souvient tout particulièrement de ce soir où des dauphins enjoués nous ont encerclés. C’était furtif et magique comme si nous passions à travers une représentation. Parfois ce sont des phrases entendues qui pimentent notre quotidien, du style Ewen qui crie : “Eh ben j’peux vous dire qu’une orange pourrie ça flotte!”.

Enfin, à la tombée de la nuit, nous apercevons une terre à l’horizon: les 3 îles du Salut. Ce sont d’ anciens bagnes, les constructions qui y demeurent nous font sentir toute l’histoire et les souvenirs qu’il reste de ces prisonniers français (jusqu’en 1945). Nous sommes restés deux jours au mouillage pour nous mettre à flot et visiter l’île Royale. C’était bon et doux de retrouver la terre. Nous avons rencontré des singes et des agoutis, la sociabilité des singes était impressionnante, d’ailleurs c’est une belle transition pour se ré-ouvrir vers le monde extérieur, car dans notre bulle, en plein océan, nous avons tendance à en oublier le reste du monde. Nos découvertes culinaires de ces îles (cocos et amandes) nous ont bien régalés, tout de même généreux nous avons partagé avec les singes. Sydney et Maylou gardent bien en tête leur gourmandise avec les cocos germées et les manques pas mûres. Il faut quand même que l’on vous parle de notre première arrivée sur ces îles. De nuit, après 12 jours de traversée, étonnamment nous arrivons ½ heure avant le lancement d’une fusée. Le centre spatial se trouve sur la côte guyanaise, ainsi les îles du Salut sont interdites d’accès car il peut y avoir des risques. Nous venions de lâcher l’ancre et d’éteindre les moteurs quand des gendarmes tout affolés nous demandent de quitter les lieux sur le champ. Séb, tout tranquille, leur demande: “Euh...on est vraiment obligés ?” pour essayer de négocier. On rallume les moteurs et on se dirige vers Kourou avec comme attraction le décollage d’une fusée. C’était tellement inédit et grandiose !

À présent nous sommes au mouillage à Saint-Laurent-du-Maroni, où nous faisons escale pour le mois de décembre. Beaucoup d’activités et de rencontres nous attendent, Lola nous a rejoints. Nous avons troqué l’eau bleue salée contre de l’eau douce et marron.

Maylou et Océane pour l’équipage.

 

(Les photos arriveront plus tard le scribe débordé!)