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9 mai 2015

Cuba (l)ibre !


Bonjour à tous,
Voici le récit des aventuriers à Cuba... Dense, riche, plein d'humour, de belles rencontres, des questionnements... 
Le bateau a maintenant quitté Cuba pour rejoindre les Bahamas avec comme première escale Great Inagua. Sébastien a rejoint le bord et Christophe sera de retour en France mardi. 
L'équipage ne changera plus désormais jusqu'au 25 juillet, date du retour à Sète...
Je vous souhaite bonne lecture à tous...
Kélig




Qu’étions nous venu chercher ici ? Des réponses à des questions dont nous connaissons déjà les réponses !
Le débat était biaisé dès le départ : Est-ce que Cuba est une Dictature ?
Ou alors en miroir, il fallait aussi se poser la question : La France est-elle une démocratie ?
J’ai lu des livres, je n’ai pas lu Marx… Je m’intéresse plus aux gens qu’aux idées. Donc, je me suis dit allons voir par nous-même, discutons avec les gens que nous rencontrerons aux hasards des chemins. Mais les rencontres que nous faisons ne sont que nos reflets dans des miroirs… On apprend surtout sur soi !
Alors qu’ai-je appris sur moi à travers Cuba ? J’ai réappris que la seule chose importante que je peux donner aux autres, c’est le temps que je passe avec eux, l’intérêt sincère que je leur porte…
Et comme le sens de ce voyage c’est d’abord de permettre aux jeunes de grandir et d’évoluer, l’importance de cette escale c’est : quel enseignement ils en tirent, en quoi cela va les aider à être de meilleures personnes ! De ce point de vue-là, Cuba est une bonne escale pour nos jeunes voyageurs, en tout cas ceux qui s’intéressent un peu aux autres !
À la fin de cette « lettre-collective », que je suis chargé de faire avec Dayan, nous poserons la question à chacun : Qu’as-tu appris à Cuba ?

Nous sommes donc partis en petits groupes à la découverte de Cuba, j’ai choisi des extraits des textes écrits pour le journal :

Samedi 18 avril : …/… Christophe et moi, attendons une éternité, environ 2 minutes 30, pour trouver un transport. Ce sera un bus de ramassage scolaire qui nous fera parcourir les 40 bornes qui nous séparent d’Holguin. Il nous dépose à la gare routière pour la modique somme de 5 pesos par personne, soit environ 20 centimes d’euro…
Là, nous pouvons voir tous les transports en commun divers et variés ; des camions avec une benne, un vieux bus qui ressemble à un wagon de train, des vieilles camionnettes avec un grand espace à l’arrière et trois bancs, des bus scolaires, normaux, voire même climatisés, et d’autres véhicules de tout genre qui crachent une épaisse fumée noire. Christophe n’est pas très étonné, il a déjà vu ça plusieurs fois. Mais pour mes yeux qui voient ça pour la première fois, c’est tout nouveau. "Mais ça roule ça ?", "Oui, oui". Philémon

Le 19 avril : …/… Hier j’ai rencontré un homme qui cherchait de l’huile à Holguin et qui n’en trouvait pas, il était venu exprès d’un petit village…
Il m’explique que comme beaucoup de choses manquent, quand un magasin reçoit un approvisionnement les gens se jettent dessus, surtout les « spéculateurs » qui achètent des quantités pour les revendre à l’unité un peu plus tard. Mais le plus souvent ils ont directement des combines avec les directeurs des fabriques pour leur acheter une partie de la production et la revendre avec un petit bénéfice (il me donne l’exemple des cigarettes…). Ce qui explique en partie les étagères vides dans les magasins. Il ne porte pas de jugement, il m’explique juste que c’est un des moyens de gagner quelques pesos, qui est une des activités principales des Cubains. Christophe

Lundi 20 avril : …/… Enfin, on va chez Élio. En passant, il faut faire la traditionnelle photo avec el Commandante Camilio Cienfuegos comme à chaque fois que Christophe passe ici. C’est vrai qu’il y a une petite ressemblance !
Puis on arrive chez lui. Il y a la musique à fond et dès qu’Elio le voit, il pend Christophe dans les bras, il a l’air heureux de le retrouver ! Elio est un ancien pêcheur de thon que Christophe a rencontré il y a 6 ans. Il a la peau tannée par le soleil et a 73 ans. Sa fille et son fils habitent tout près de chez lui et lui rendent souvent visite. Par contre, beaucoup de personnes passent chez lui car il vend de l’alcool plus ou moins détourné par quelqu’un qui travaille dans une distillerie. .../… Puis vient le moment très désagréable : le repas. Son voisin nous a préparé à manger, Élio a payé la plupart des aliments et tout ça juste pour nous. 4 œufs brouillés, une assiette de tomates et oignons, une autre de concombres, deux assiettes de riz, des bananes frites se retrouvent donc devant notre nez. On mange, on demande à Élio et ses voisins de manger avec nous, mais ils refusent, donc on continue à manger. Au final, on a trop mangé et eux, ils ont pris seulement quelques bananes frites. Quand en plus Christophe me dit qu’il a payé l’huile 2 CUC 30 et qu’ils ont le droit à un œuf par personne et par mois, ça m’a fait bizarre qu’il nous ai donné tout ça sans y toucher. Bon, demain on part avant le repas ok ! Philémon

Mardi 21 avril : …/… Nous croisons 4 touristes français que nous avons déjà vus plusieurs fois dans la ville. Ils nous demandent ce que nous faisons là, nous leur expliquons un peu GN et le voyage. Nous parlons aussi de leur impression de Cuba, je leur donne aussi mon sentiment sur Cuba en leur disant qu’il faut comparer Cuba avec ce qui est comparable, c’est-à-dire les îles qui sont à côté : Haïti, la République Dominicaine voire les Antilles Françaises. Je sens que ce point de vue leur parle, je continue sur la différence dans ce que l’on pourrait appeler pauvreté… Je me fais avocat de Cuba, en tout cas j’essaye de les faire réfléchir sur ce qu’ils voient autour d’eux. Puis nous les laissons boire leur café à 1 cuc… et rentrons chez Élio. Christophe

Mercredi 22 avril : …/… Et ça y est, on est de retour au bateau.
C’était une super rando où l’on a bien marché, où on s’est bien amusés. On a découvert un Cuba alcoolique, les gens qui boivent au fond du jardin que ce soit des médecins ou des policiers chef de secteur. Tous ces hommes qui boivent de l’alcool non dilué afin de se shooter plus vite, ils ne doivent pas être tous très satisfaits de leur condition… Et Élio, cet alcoolique super sympa qui a dû se décarcasser pour nous trouver tout ce qu’il nous a donné à manger.  C’était vraiment une super rencontre. Merci beaucoup pour ton hospitalité ! Philémon

Voilà, nous sommes de retour au bateau et je me demande quel bilan tirer de ces 4 jours d’immersion cubaine. Quelques images fortes, des paysages, mais d’abord l’effort le premier jour, les huit heures de marche, le long de la voie ferrée.
La traversée de la baie de Gibara sur le petit bateau de « transporte maritimo » même si le gars nous a fait payer un prix déraisonnable !
Chez Elio, il y a les personnages que nous avons croisés, le gros homme qui m’a fait venir à côté de lui et m’a dit dans un souffle qu’il était alcoolique et qu’il lui fallait des sous pour boire. Est-ce que je pouvais lui en donner ? Avant il m’avait dit que, pour vivre, il était briquetero (c’est-à-dire qu’il remplit les briquets vides avec une seringue pour une pièce). Quand je lui ai dit que jamais je ne lui donnerai d’argent pour acheter de l’alcool, il m’a lancé un regard complètement… Douloureux.
J’ai eu l’impression d’être dans un film réaliste Cubain tout le temps où nous étions chez Elio ! Et pour finir je lui ai promis que je reviendrai samedi ou dimanche, j’espère juste qu’il ne va pas tuer un cochon pour l’occasion ! Christophe

Samedi 18 avril : …/… Avec Jade, on a l’idée d’aller au sud de l’île, du côté de Media Luna, pour visiter le musée de Célia Sanchez. Bon, traverser l’île pour aller voir un musée, c’est un peu bizarre, mais en fait, c’est juste un but comme un autre pour bouger et voir le pays. Avec Jade on est raccord, sur ce point, ce n’est pas le voyageur qui fait la route, mais la route qui fait le voyageur. 
Donc, il est 8 heures du mat et on part. On se fait prendre en stop dès la sortie de la marina par une voiture qui nous pose à l’arrêt de bus pour Holguin. Michel demande le prix du trajet à un Cubain qui attend comme nous. C’est trois pesos cubains (pas des CUC). Arrive une guagua (bus pour les cubains) et le même gars annonce que celle-ci prend 5 pesos. Bon, va pour 5 pesos !
Le gars qui nous a indiqué les tarifs discute avec nous dans le bus. Il s’appelle Luis, vit à Puerto da Vita. Arrivés à Holguin, il nous indique le bon bus pour aller au centre ville. Il paye pour nous les deux pesos du trajet. Michel dit non, que nous pouvons payer, mais il est plus rapide. Rien eu à faire contre cette pure gentillesse.
…/… Le bus s’élance et au bout d’une heure on entend un énorme « Blang ! » très fort, très grave. Pas besoin d’être mécano professionnel pour deviner qu’on a un gros problème. Le bus s’arrête, on part ramasser l’arbre de transmission qui est resté sur la route. Le chauffeur prend un tournevis et une clé à molette, tranquille, confiant ! Il est calme. Tout le monde est descendu. On est au bord d’une route et face à un bus qui ne repartira certainement pas aujourd’hui. Les gens guettent un autre bus. Nous on s’est confectionné un plateau d’échecs en papier et on a emmené les pièces dans un sac plastique. Alors, on se fait une partie, parce que c’est la meilleure chose à faire, il nous semble. Bon, un autre bus finira par prendre les naufragés avant la fin de notre partie. On ne sait pas quand en passera un autre, alors on interrompt cette partie et on s’entasse dans le bus déjà bourré.
…/… 22 heures, c’est l’heure de la police qui débarque : lampe torche dans les yeux (on commençait à s’endormir, sympa), contrôle des passeports. Michel leur explique qu’on a l’autorisation du gardien du parc, mais ça les chiffonne tout de même. Ils rendent les passeports, mais on sent qu’on n’en a pas fini.
Gagné ! Il est 23 heures et revoilà les comiques, mais ils ont été chercher leurs copains de l’immigration. Bon, il faut dégager : nous sommes, paraît-il, en train de violer les lois sur l’immigration avec nos hamacs.
Du coup, Michel réveille Jade et ils nous emmènent (ils nous ont pris nos passeports) à une « casa particular », sorte de pension de famille. Ils  demandent si on a de l’argent. Michel leur dit : « 10 pesos convertibles (CUC) ». Ils demandent si on a  une carte de crédit, Michel  répond : « Non .» (on n’a pas envie qu’ils nous emmènent dans un hôtel hors de prix). Du coup, ils sont consternés, genre : « Mais on ne peut pas voyager avec si peu d’argent ! ». Michel leur dit que c’est ce qu’on fait.
…/… 17 heures. La corvée de bois est faite. C’est l’heure du thé. Eh non !
Revoilà la cavalerie. (Les policiers de l’immigration) C’est l’heure des comiques, scène 2. Ils déboulent avec une camionnette dans ce trou perdu, au bout d’une piste entre nulle part et ailleurs.
Bon, c’est la deuxième fois qu’ils nous ramassent et ça ne les fait pas rire du tout. Je leur explique qu’on allait déménager et planter notre tente dans le jardin de Létana qui nous en avait fait la proposition. On s’était dit que ce serait une bonne façon de mieux connaître ce petit village qui semblait nous avoir pris en affection.
Reste que quelqu’un nous a balancé et qu’il faut plier bagage. Le gars bourré s’insurge, dit qu’on est libre et qu’on peut rester. Ça sent le grabuge. Il est bien seul, car tous les autres sont d’accord pour dire que c’est pour notre sécurité que les flics nous embarquent ! Lui, il s’appelle Russo, gueule et dit qu’il aime Cuba, mais que s’il pouvait, il foutrait le camp. Le vrai révolutionnaire, à ce moment-là, c’était le mec bourré !!!
Les flics nous annoncent que notre virée s’arrête là et qu’on peut faire une croix sur notre désir d’aller à Média Luna. Ils nous annoncent qu’on doit quitter la région et retourner à Holguin. Bref, nous sommes expulsés de la région, manu militari. Ils nous ramènent à Manzanillo et arrêtent leur camionnette devant le terminal des bus pas chers (ils commencent à nous connaître). Ils sont déçus, il n’y a plus de bus pour Holguin. Ils nous fourrent dans un bus pour Bayamo. On paye nos 20 pesos cubains. C’est à ce moment-là, que Michel a eu cette révélation hautement philosophique : « Révolution, mon cul ! ». …/… Le lendemain nous avons décidé de rentrer au bateau. Notre rando s’arrête là, fatigués de jouer au gendarme et au voleur… Jade et Michel.

Samedi 18 avril : …/… On demande le chemin à une dame qui pousse son vélo, et elle nous propose de nous accompagner jusqu’au début du sentier.
Puisque le feeling passe bien et qu’il fait très chaud, elle nous propose de passer chez elle  « esperando que el rubio se calme » (en attendant que le blond se calme). Et là, c’est le début d’une super après-midi. Emelina a une pêche d’enfer, et elle nous présente à toute sa famille et à tous les gens qui passent par la maison. Elle nous intéresse beaucoup en nous expliquant comment fonctionne l’économie familiale : le carnet de rationnement, les produits de base, les crédits sur plusieurs mois pour acheter des habits, les enregistrements sur clef USB de programmes télé qu’ils achètent à la semaine à des gens ayant les moyens de s’abonner, faute de pouvoir s’abonner eux-mêmes, etc…
Elle nous raconte aussi une histoire incroyable : un jour en 2012, elle a trouvé sur la plage une bouteille à la mer avec un mot dedans ! S’en est suivie une longue correspondance qu’elle nous fait lire entre elle et une femme Suisse - Allemande qui lui parle de la neige et de sa vie de famille alors qu’Emelina lui raconte sa vie cubaine.
On finira l’après-midi sur le défilé de mode de sa fille qui nous montre ses habits de « quinceañera » pour lesquels ses parents ont pris un crédit pendant 1 an.
Les 15 ans ici, ce n’est pas n’importe quoi : c’est le passage très symbolique de l’état de petite fille à celui de femme.
On s’échange nos adresses, nos mails, téléphones, on fait quelques photos, et à l’heure d’écrire ce texte on se dit qu’on a été vraiment touchés par les mille et une attentions d’Emelina à notre égard : l’eau qu’elle nous met au frigo, le petit dessert qu’elle nous offre, les croquettes de viande qu’elle nous cuisine pour notre marche à venir, les petites galettes sucrées pour notre goûter, et on en passe !
Trois heures après cette pause qui ne devait en durer qu’une à la base, nous prenons vraiment la route de Macabi.
Dimanche 19 avril : …/… Un petit vieux, Felipe (qui nous dit avoir seulement 52 ans !) se met à marcher avec nous, papote, et il nous propose de nous montrer sa maison. On discute avec Fifi, avec une grand-mère rencontrée la veille, avec un garçon de 12 ans, Nelson, qui supporte le Real Madrid et participe à des combats de coqs ! 300 pesos gagnés au dernier combat, de quoi aider sa mère qui l’élève seule. On finit par monter dans une bétaillère qui nous emmène à Playa Morales. Fifi a dans la tête de nous accompagner coûte que coûte jusqu’à ce que notre tente soit montée dans le jardin sableux de quelqu’un et jusqu’à ce que la mort nous sépare ! Il faudra finir par forcer les « au revoir » pour aller trouver un coin tranquille hors du village. La nuit nous rattrape et nous n’avons d’autre choix que de poser la bâche sur une plage caillouteuse. Moussa prépare un délicieux petit riz coco pendant que les filles papotent sur la bâche. On se couche en se racontant des histoires et en regardant les dernières lueurs du jour.
Citation de Teofilo à Moussa : « El dinero el que vale, es el que ganas con el sudor ». En Cuba tenemos nuestros problemas, es una pais sub-desarollado, pero por lo menos no tenemos quien nos manda, nos agrede. Somos libres.          
Lundi 20 avril : …/… Très vite on devient l’attraction de la communauté : il y a 8 maisons collées les unes aux autres et les habitants sortent pour nous regarder nous démener avec notre tente. On met de l’eau à chauffer et on part discuter avec eux. Voyant nos trouvailles d’œils-de-bœuf, ils nous ramènent de chez eux plusieurs coquillages et graines qu’ils nous offrent.
Nous sommes devant la maison de Lourdes, la dame qui nous a donné de l’eau. Assis là tous ensemble nous discutons de Cuba, de la France, de nos différentes langues, de pêche, de foot, d’oiseaux en papier qu’Anaëlle est entrain de leur fabriquer, etc. On est bien, très touchés par leur gentillesse et leur accueil,  à discuter alors que la nuit est tombée. Même Ramona, la vielle dame aveugle, ne veut pas qu’on l’emmène se coucher pour rester discuter avec nous.
Arrive tout de même pour eux l’heure d’aller se coucher, puisqu’ils se lèvent aux alentours de 5h du matin. 
Mardi 21 avril : …/… Après une petite sieste en ville, on part à la recherche de notre hôtel pour la nuit : on s’éloigne en campagne et on rencontre Yenier, 23 ans, expert comptable qui nous guide dans son patelin, nous présente à sa famille avant de nous emmener sur le terrain où lui-même campe parfois.  Moussa y fait une partie de foot pendant qu’Aude et Anaëlle discutent avec Yenier tout en montant la tente. Il reste dîner avec nous, et on lui fait découvrir les nouilles chinoises. Yenier a envie de pouvoir partir ailleurs, et rêve d’ascension sociale et économique : « ici, je suis comptable, mais je ne suis qu’un Cubain parmi les autres, je n’ai aucune chance de devenir quelqu’un ». 
Dans la théorie, les Cubains ont le droit, depuis deux ans, de quitter le territoire, mais pour cela il faut beaucoup d’argent, donc « podemos pero no podemos » (on peut mais en fait, on ne peut pas). Ce soir, pendant que nous écrivons notre texte, il revient à la tente comme prévu, mais il nous a ramené toute sa famille  (mère, père, grand-mère, sa sœur et son copain). La mère nous a préparé un deuxième dîner : riz et porc. Nous sommes tous installés sur une bâche dans le noir à discuter des ressemblances et des différences de nos pays et vies respectives : « Il y a des calèches en France ? […] il y a des trains souterrains pour traverser les grandes villes. – Ah oui j’ai vu ça une fois à la télé… » Aude, Moussa et Anaëlle

Samedi 18 avril - La randona de los muchachos (ou el que lucha vence) !
…/… Nous entrons dans une bétaillère et ne partons pour Bayamo qu’une fois qu’elle est bondée de monde. Il faut s’arrêter toutes les 5 minutes pour déposer ou récupérer des personnes ce qui nous fait parcourir 80 km en deux heures. A ce moment-là nous avons encore beaucoup de chemin pour arriver dans le sud de l’île. Au cours de la pause déjeuner à Bayamo sur un banc, un homme nous accoste et il engage directement la conversation sur le capitalisme et le communisme. D’après ce qu’il a vu à la télé, la France c’est le paradis ; on est libre d’y faire ce que l’on veut et d’y gagner de l’argent comme on veut. Hélène lui dit que la télé dit des mensonges. S’ensuit un débat sans fin où nous apprendrons tout de même qu’une livre de poulet coûte 25 pesos, que nous sommes sur une île mais qu’à l’intérieur des terres il est presque impossible de trouver du poisson et que le salaire moyen est de 250 pesos. Cette rencontre fut furtive mais très riche. 
Dimanche 19 avril : …/… Pendant ce temps, Hélène discute avec une dame qui faisait la route à travers la montagne pour aller voir sa fille qui habite à Cruce de los Banos à 15 km de là. C’est la cousine de Raul, on papote un moment. Elle nous raconte la dure vie des paysans ici. Elle dit qu’ils ne peuvent pas vendre leurs productions aux particuliers, ils doivent tout donner à l’État ; on nous démentira ce fait par la suite. Ils s’arrangent pour faire pousser un peu à côté et arrondir les fins de mois. Le salaire mensuel ne pourra jamais leur permettre d’acheter un frigo par exemple : 15000 pesos.
Nous reprenons la route. C’est difficile de progresser lorsque l’on doit s’arrêter toutes les 10 minutes
« Oh regarde ! Des mangues ! »
« Vas-y, jette un bâton dessus pour voir combien tombent »
« Je parie que tu n’y arriveras pas »
« Oh regarde, il y en a 30 qui me tombent dessus. »
…/… Après 100 mètres de marche, nous trouvons un manguier. Alors malgré nous, nous faisons une nouvelle pause d’un quart d’heure. Et nous répétons le procédé tous les 500 mètres. « J’espère qu’on va bientôt arriver !! » « Oh non, la mer est encore à 6 km au moins ». Les pauses mangues se raréfient…/À 17h, nous arrivons à Rio Seco, près de la mer. Des enfants nous escortent jusqu’à chez Rosa qui habite au bord de la plage. Elle est très contente de nous recevoir et d’entendre des nouvelles des personnes qu’elle avait rencontrées au cours du dernier voyage. Hélène parle avec elle pendant que los muchachos vont se baigner. On installe le campement dans les raisins bord de mer. Fourbus, nous mangeons et nous nous affalons dans nos hamacs. 
Lundi 20 mars : …/… Nous avons la visite de Rosa qui nous raconte comment elle cachait les rebelles dans la mangrove dans sa jeunesse et assistait Fidel et le général Alameida dans les opérations clandestines : elle partait la nuit à la rame pour solliciter les bateaux au large et leur demander de l’essence qu’elle acheminait ensuite dans la Sierra Maestra pour les véhicules rebelles. Elle raconte aussi qu’en ce temps-là, on retrouvait pas mal de cadavres des opposants torturés par le régime Batista. Elle dit que plus de 20 000 personnes ont dû périr pour qu’enfin la liberté arrive.
Elle dit aussi qu’avant Fidel, la vie d’un noir ne valait rien. Ils n’avaient pas le droit d’étudier, d’aller au bal ni même de travailler pour gagner leur vie décemment. Grâce à Fidel, qu’elle appelle le Messie, les gens sont libres ici à Cuba. Pauvres mais égaux et heureux. Elle nous prédit aussi que le capitalisme tombera tôt ou tard et que notre Président pseudo-socialiste devrait serrer les fesses (devons-nous prévenir quelqu’un ?) Elle répète 10 fois aux muchachos que : celui qui lutte finit par vaincre et qu’il faut se battre.

Mardi 21 Avril : …/… Dayan et Kaïs partent parler avec Rosa pendant qu’Hélène part aider une femme à ramasser des coquillages. Rosa nous accueille et nous commençons par parler du temps. On change plusieurs fois de conversation et nous finissons par parler des études à Cuba. Rosa nous conseille fortement de venir passer nos vacances à Cuba et puis venir y faire nos études. Hélène nous rejoint en nous disant que les petits avec qui elle était lui ont fait plein de bisous, et Hélène malgré son grand âge et son Inexpérience en technologie a réussi à régler la tablette tactile de Rosa Barbara. Elle a changé la langue en espagnol alors qu’elle était en Danois. Elle apprendra aussi à Barbara à faire des bracelets en macramé.
Nous terminons la journée avec la famille de Rosa, Hélène avec Rosa devant la télé, comme deux vieilles, et Kaïs et Dayan jouent aux cartes avec Rosa Barbara. Et puis nous faisons nos adieux presque émus car demain nous comptons partir en guagua à 4 heures du matin.

Mercredi 22 Avril : …/…  Il fait encore nuit lorsque nous prenons notre petit-déj, à 5 heures, nous sommes au bord de la route à attendre la guagua qui va à Santiago. Nous passons de guagua en guagua, de ville en ville et ne nous attardons pas en route. Hélène négocie constamment pour ne pas se faire arnaquer…/… Les kilomètres passent et nous voici à Holguin. Une petite pause au bureau de change et nous rejoignons le bateau. Nous avons bien rigolé et avons aussi pris le temps de faire des choses simples avec des gens et parler. C’était une rando « rencontres » et nous étions bien ensemble, tous les trois.
Hélène, Dayan et Kaïs.

23 Avril - Entre deux randos
Nous sommes arrivés hier au bateau. Alors on retrouve le groupe, la douche d’eau douce et les yinyins qui se jettent sur nous au lever du jour. Nous devons recopier et taper les textes de rando et faire nos lessives. On prend un peu de temps pour laver les hamacs et pour donner nos envies pour les prochaines ballades. Les adultes nous donnent les groupes. Hélène partira avec Moussa et Philémon en train pour le village nommé « La Sierra », Michel et Kaïs comptent aller du côté de Mayari et Aude et Jade partiront dans la Sierra Maestra. Anaëlle devait au départ partir avec Michel et Kaïs, et moi avec Aude et Jade mais sur la proposition de Christophe de partir avec lui chez Elio, son ami pêcheur, nous décidons tous les deux de partir avec lui. Certaines personnes ne sont pas ravies de leur groupe (c'est-à-dire des personnes avec qui elles partent randonner). Mais bon, ils vont se supporter, ils l’ont déjà fait. Moi je suis content de partir avec Christophe et Anaëlle pour rencontrer Elio. Après une rando à se marrer, je vais faire une rando… À se marrer mais aussi à progresser en espagnol. Tout le monde prépare son sac car nous comptons partir demain vu qu’on sera prêts ce soir. Nous dînons avec Noémie et Vianney qui rentrent  de quatre jours passés dans les terres. Après avoir terminé de recopier mon dernier texte, je vais me coucher. Dayan

Micro rando de Jade et Aude, du 24 avril au 24 avril !.../… Nous arrivons à l’arrêt de bus de Vita. Après qu’Aude ait changé 15000 fois d’avis sur la façon d’y arriver (en passant par la ville ou pas), elle se décide finalement pour le passage par Holguin : plus sûr pour arriver à destination dans la journée. Nous attendons donc la guagua. Après le passage de plusieurs bus pour touristes, la guagua à destination de Holguin arrive enfin. Nous laissons d’abord monter les cubains, car eux ne sont pas en voyage, et disposent donc probablement de moins de temps que nous. Voyant que le bus est à moitié vide, Jade se dirige vers un siège mais se fait rappeler par le chauffeur qui dit à Aude « Pour vous non, c’est le taxi ». Aude essaie de parlementer mais rien à faire. Le chauffeur se borne à dire « le taxi » comme un automate, sans même nous regarder, et partira sans nous. Heureusement, un taxi collectif s’arrête et accepte de nous prendre pour 5 pesos chacune, « comme ça vous direz que les cubains sont des gens sympas ! ». Ouf ! Il s’appelle Raphaël, a passé 11 ans dans des pays d’Afrique (Yemen, Ethiopie, Afrique du Sud, Angola) comme parachutiste de l’armée cubaine. Il n’est pas revenu à Cuba une seule fois en 11 ans. Il nous explique que Cuba est le pays le plus « internationaliste » du monde, « le premier à venir défendre des pays qui se font agresser », « le premier à envoyer des médecins lors d’épidémies ».
…/… D’un pas enthousiaste, peut-être trop, Aude se dirige vers la guagua qui pourrait nous emmener. Ne voyant pas un trottoir, elle s’étale de tout son long sur le sol poussiéreux du terminal. Jade se précipite pour la relever, mais Aude dit qu’elle a trop mal en se tenant la cheville. La rando commence du mauvais pied !
Aude regarde l’œuf pousser sur sa cheville pendant que Jade file demander un verre de glaçons au vendeur de granizado d’à côté.
Adios Sierra Maestra, caminatas, encuentros cubanos… Nous voilà reparties vers le bateau. Juste avant de repartir du terminal, on passe un coup de fil à la marina pour qu’ils préviennent Christophe, s’il n’est pas encore parti, de nous attendre pour voir s’il ne peut pas emmener Jade dans sa rando (en fera-t-elle une entière un jour ??). Une guagua et un cochet plus tard, nous voilà devant la marina. Malheureusement, le bateau est vide…

27/04/15…/… On cuisine un petit gâteau à la banane en prévision du retour de nos compagnons. A leur retour, Michel et Kaïs nous font le récit de leur rando avant d’aller le taper ensemble sur l’ordi, lavent leur linge et rangent leurs affaires. On goûte avec le gâteau et la papaye que Jade a âprement négociée à Vita la veille.
Puis, Vianney et Noémie débarquent devant notre bateau avec des sacs remplis de courses en nous disant qu’ils voudraient passer leur dernière soirée avec nous tous, y compris avec l’équipage de Libertad. Libertad, c’est un voilier dont les 4 équipiers sont des amis de Vianney et Noémie, partis eux aussi en voyage depuis 8 mois.
Ils sont arrivés à Vita le 25/04, le jour de l’anniv d’Aude. Ils avaient alors invité Jade et Aude à fêter son anniv sur Libertad. Soirée guitare, chant et rigolades.
Donc Vianney et Noémie réitèrent cette proposition, mais cela se fera sur GN car il y a plus de place. Jade prépare un petit apéritif puis Kaïs et Aude se joignent à elle pour préparer une piperade : mélange de poivrons, tomates et œufs, le tout accompagné d’une bonne plâtrée de pasta.
La troupe arrive en annexe en jouant de la guitare et en chantant « la bamba » à tue tête. Cela fait bien rire tout le monde. Pendant le repas, tout le monde discute, on échange, l’ambiance est vraiment sympa. Puis les estomacs remplis, on sort les guitares. Il faut préciser qu’il y a deux guitaristes et un chanteur dans cette petite troupe. C’est folklorique : la Rue ket, Tryo, Renaud, les VRP, Aznavour, Brel, Asaf avidan, France Gall… Les classiques quoi !
Tout le monde chante et se prête au jeu, notamment Michel qui chantera avec passion, presque en transe « poupée de cire, poupée de son » de France Gall. Les musiciens joueront toute la soirée et nous continuerons à parler avec ce chouette fond musical. Jade et Aude.

24/04 . Randonnée Kaïs et Michel : « Que la montagne est belle ! ».
…/… On prend un bus pour Banès et on y arrive vers 10h. On commence par chercher Emelina, on marche, on demande, on marche, on demande, on trouve. Elle est là et nous accueille avec un beau sourire et de l’eau fraîche. On discute et elle nous montre son livret d’alimentation qui confirme que les cubains mangent maigre : cinq livres de riz par personne et par mois, 4 livres de sucre par personne et par mois, ainsi qu’un œuf, par personne et par mois.
…/… Ah oui, dans toutes les maisons où nous avons été accueillis, pour l’instant, la télé fonctionne en continu, à fort volume, même si personne ne la regarde ! En discutant avec Omar, on apprend qu’il est propriétaire de deux bici-taxi qu’il loue à des gars qui pédalent et qui lui payent un loyer. Il nous dit qu’il gagne 600 pesos par mois, mais vit avec son épouse chez son beau-père ; ce qui signifie que ce revenu ne lui permet pas d’avoir son propre foyer. Sa mère, chez qui il nous amène pour nous laver et dîner, habite une maison très modeste, sans eau coutante, mais ils partagent avec nous le peu qu’ils ont. On propose de rajouter un peu de notre nourriture au dîner du soir. Proposition refusée ! On se lave donc avec un bidon de 10 litres tiré du puit et une gamelle. Et vive Epicure !
…/… Nous repartons à pied vers le motel où on nous a dit qu’il y aurait peut-être un terrain pour y camper. Mauvaise info. « No hay !». On repartira en camion jusqu’à une cascade, El salto de Goyabo, où nous pourrons, peut-être accrochés nos hamacs.  Il faut payer 5 C.U.C. Bien sûr, on ne les a pas et on dit au gardien qu’on n’a que des pesos cubains. Il demande à son chef si on peut payer en pesos. Réponse : « Non ! ». Du coup, il nous planque dans un coin, le temps que les touristes et son chef s’en aillent. Raudel, c’est son nom, prend un vrai risque pour nous, car il nous dit que si son patron nous trouve, il pourrait bien perdre sa place. On va se baigner dans les piscines naturelles, le temps que le chef s’en aille et on est stupéfait d’une telle gentillesse pour des inconnus.
…/… Arrivés chez Koki, vers 9h45. Il nous accueille les bras ouverts, genre : « mi casa es tu casa ! ». Kaïs est adopté par Angelo, le fils de 9ans de la maison qui l’emmène chez les tantes, les grands-mères, les voisins ? Kaïs fait plein de photos et se débrouille tout seul en espagnol.  Pendant ce temps, Michel découvre avec Koki et découvre que son nouveau pote a un point commun avec celui de Christophe à Gibarra : c’est un ancien vendeur d’alcool illégal.
…/… Koki raconte à Michel son parcours : vendeur illégal d’alcool ou bien vendeur d’alcool illégal, au choix. Il ne gagnait pas assez bien sa vie pour nourrir sa famille, alors il a vendu une vieille Chevrolet, hérité de son père ; ce qui lui a permis de transformer son bar illégal en restaurant. Cela va mieux à présent, sa famille vit mieux ! Sa femme est sociologue, mais, après 6 ans d’études supérieures, elle ne trouve pas de travail et donc aide son mari à tenir le lieu. Ils nous hébergent gracieusement, simplement parce que notre projet leur plaît.
La suite est écrite par Kaïs, car Michel lui a laissé un temps pour faire connaissance avec les jeunes du coin, pendant qu’il discutait avec son pote (plus de politique. On s’est raconté un peu nos vies et nos blessures). Michel
Kaïs : J’ai passé ma soirée à discuter avec 3 jeunes filles : une qui était la fille de Koki, une autre qui était la fille de la voisine qui s’appelle Naïalisse et qui a le même âge que moi, une autre qui est une amie des 2 autres. Angelo viendra me chercher pendant que j’étais en train de parler avec Michel et m’a dit qu’il y a une fille qui voulait me connaître. Je suis parti et j’ai fait connaissance de Naïalisse et de ses amies. Elles m’ont posé beaucoup de questions sur ce que je fais ici, d’où je viens, quel âge j’ai et en quelle classe je suis. Une Dame me demandera par la suite plusieurs fois qu’elle est la fille que je préférais. Ce qui était sympa c’est que j’ai réussi à bien me débrouiller en Espagnol et que j’ai pu en apprendre beaucoup sur : les études à Cuba et sur le système scolaire. Michel viendra me chercher en me trouvant entouré de 7 filles. Une qui me touchera les cheveux et les autres qui me posaient des questions. Quand Michel est venu me chercher, je lui demandais si je pouvais rester encore un peu, mais il avait l’air pas trop d’accord.
La suite est racontée par Michel : Lorsque j’ai laissé Kaïs partir s’amuser, il était avec Angelo, le fils de 9 ans de mon pote qui m’avait dit qu’ici, il n’y avait aucun danger, ses propres enfants jouant, sans risques, dans la rue avec les autres enfants.  Quelle ne fut pas ma surprise de le retrouver au milieu d’une troupe de filles, l’air ravi et pas du tout gêné que l’une lui passe la main dans les cheveux ! Je ne m’attendais pas à ce qu’il joue au cerceau ou à la marelle, mais là cela ressemblait plutôt à un petit coq dans une basse-cour ! Du coup, j’ai expliqué qu’on se levait tôt le lendemain et j’ai récupéré mon p’tit biquet qui, effectivement, était en train de faire des progrès en espagnol.
Conclusion : tous les cubains avec qui nous avons discuté étaient très critiques contre le régime et disaient, tous, qu’ils n’y arrivaient pas. Les plus pauvres ont été les plus accueillants. Kaïs est prêt à tout pour progresser en espagnol et Michel devrait se mettre au régime (ou alors on s’équipe de hamacs en ferrociment). Michel et Kaïs

Randonnée Christophe, Anaëlle et Dayan.
Vendredi 24 – Le retour à Gibara…/… C’est à trois que je retourne chez Elio, Anaëlle et Dayan ayant décidé de m’accompagner pour cette « rando ». J’avais eu l’impression que j’avais découragé les gens en parlant de l’hygiène chez Elio, mais finalement non ! Nous partons avec un seul objectif : Retourner chez Elio, profiter un peu du Festival de Ciné Pobre et surtout voir ce que l’on peut faire avec Elio qui s’est plaint que je ne restais pas assez longtemps pour organiser des choses ensemble. Il a parlé d’aller dans la montagne au-dessus de Gibara chez sa mère et surtout de tuer un de ses porcelets pour le manger rôti, ou au moins  une poule, du poisson… Mais bon comme d’habitude on y va et puis on verra bien… Christophe

25 avril…/… On traverse la ville jusqu'à la maison d'Elio qui est au bord de l'eau. On rencontre "la chinita" (la petite chinoise) qui s'occupe de tout dans la maison, et quelques habitués d'ici dans l'entrée. Christophe nous fait un tour du propriétaire et l’on constate avec soulagement que les deux cochons sont toujours là, et qu'Elio ne les a pas encore tués pour nous. …/… Vers 12h30, moment fort de la journée : le déjeuner.
On a chacun dans notre assiette 500g de riz et haricots, plus une bonne portion de viande de porc (avec couenne, peau et poils inclus); bananes plantains, et tomates à l'huile (ou plutôt huile à la tomate). On mange avec un grand sourire et dès que nos estomacs montrent le moindre signe de faiblesse, Elio insiste "come come, comida es salud" (mangez mangez, la nourriture c'est la santé !). On peine à terminer nos assiettes et on roule jusqu'à nos hamacs pour une sieste digestive nécessaire. …/… Carlos nous emmène en haut d'un ancien fort réaménagé en bar, et on discute. On lui demande pourquoi il boit, et il nous dit que comme ça il oublie une fois par semaine qu'il y a un lendemain. Christophe lui fait remarquer que de toute façon il y aura un lendemain, et il lui répond qu'il l'oublie au moins le temps d'une soirée. En fait, ça me serre le coeur que des gens comme Carlos aussi simples et bons soient aussi malheureux, et aient le visage si marqué de "saudade". Carlos il a 50 ans, et il travaille sur un bateau de pêche pour l'Etat. Son bateau ne pêche que quelques fois dans l'année, mais il leur arrive de partir pour plusieurs semaines voire plusieurs mois, et leurs salaires dépendent de ce qu'ils ramènent. Donc il travaille pour l'Etat, mais c'est lui qui paie les frais d'une mauvaise pêche, pas l'Etat.
Avec Dayan on regarde la mer, et on se demande combien de temps on pourrait rester là à la regarder. Alors que pour les îliens elle est une prison, elle est pour nous synonyme de liberté suprême. Anaëlle

26 avril : …/…  Carlo nous apporte des poissons qu’il vient de trouver et nous devons refuser la proposition d’Elio qui est de les manger frits maintenant. Il y a aussi les voisins qui mettent la musique à fond et qui chantent faux et encore plus fort. Pendant que la voisine folle chante toujours la même phrase en gueulant : « E si quiere cantar, pero si quiere baïlar ! ». Ou alors qui appelle Elio toutes les 2 minutes et celui-ci qui lui répond : « Si mi loca ! ». On se croit dans un film et on rit bien. Il est bientôt 5 heures et nous avons prévu d’aller au cinéma. On essaye de convaincre Carlo de venir avec nous, mais il nous dit qu’il nous rejoindra après.
Le film commence et nous ne sommes que 4 dans la salle qui contient 240 places et évidemment, Carlo n’est pas là. Au début il y a un court documentaire sur un village en Namibie. C’est un village qui est juste à côté d’un fleuve et qui est quasiment asséché à cause d’un barrage en amont. Et les villageois ne savent pas à quoi sert l’électricité. C’était très intéressant et j’ai compris l’essentiel car c’était sous-titré en espagnol. Le deuxième moyen-métrage parle d’une équipe qui tourne un film et les acteurs se prennent la tête tout le long. Je n’ai pas compris plus que ça car le son était médiocre et on n’entendait rien. En plus de ça, on entend le bruit du projecteur, des ventilateurs et de la musique du festival. En rentrant chez Elio, nous rencontrons Chela qui me dit que je ressemble à l’acteur du lagon bleu. Elle me propose de jouer dans un remix qui s’appellera « Gibara Bleue ». Je refuse poliment l’offre pendant que Christophe s’esclaffe en s’éloignant. Elio nous propose une partie de dominos avec un ami à lui qui avait joué avec Christophe et Philémon. Anaëlle fait équipe avec Elio et moi avec l’autre. Elio est mauvais joueur donc il va se coucher avant la fin de la partie. Carlo qui nous a rejoints entre temps le remplace. Dayan

Le 27 avril chez Elio – Ce matin, le coq a chanté bien avant le lever du jour et Elio s’est levé au moins une heure plus tard que d’habitude, sinon c’était comme les autres jours, à peine ouvert un œil la « Chinita » m’apporte un café !
Ensuite vient le moment du petit-déjeuner et surtout de ce que nous allons y manger ?
Pourquoi parler autant de nourriture dans nos textes c’est que pour Elio c’est important de nous nourrir et surtout que nous ayons beaucoup à manger. Pour les Cubains la nourriture est dans beaucoup de discussion mais parce qu’ici pour bien s’alimenter il faut « luchar » (lutter). Ce matin, il faudrait manger les poissons qu’on lui a apporté hier soir, seul détail gênant, ils n’ont pas été mis au frais et ils puent grave, même une fois frits ! En plus de la friture, arrive une salade de tomates, de concombres et du pain sec, le tout arrosé d’une grande tasse de lait au café, comme Elio ne veut pas manger avec nous. J’oblige Béatriz (la chinita) à le faire, mais elle non plus ne veut pas manger de poisson, alors pour montrer l’exemple j’en prends un petit bout, Dayan aussi et pour finir Elio en prend un gros bout et on laisse le reste, mais en signe de bonne volonté nous mangeons tout ce qui est sur la table !
…/… Le matin, j’avais parlé de tortues avec le fils d’Elio, son fils ainé, Edwin, qui a 43 ans. Elio a un autre fils qui passera nous voir rapidement et une fille qui vit au Texas mais elle ne m’envoie rien dira Elio. Edwin est pêcheur, mais clandestin, il a plusieurs filets à 10 km de là. Il y va tous les matins au lever du jour en vélo, s’il y a du poisson, il le vend, et comme il s’agit de plage où viennent pondre les tortues, il arrive qu’il en prenne dans son filet. Dans ces cas-là, il est content car cela fait plein de viande et en plus il peut vendre cher la carapace ! S’il se fait chopper avec une tortue c’est 5000 pesos d’amende et jusqu’à 2 mois de prison. Il dit qu’il gagne à peine de quoi vivre pour nourrir sa famille. Il a une fille qui voudrait faire des études mais si l’école est gratuite à Cuba ce n’est pas le cas des transports et rien que ça, coûterait 100 pesos par mois pour faire Holguin-Gibara ! Ici il n’y a pas d’avenir, alors il boit, lui aussi comme tous les autres, et il serait prêt à tout pour gagner les USA où là au moins, on peut travailler pour améliorer son sort ! Il finit par me demander sérieusement si je peux le prendre sur le bateau pour le déposer aux Bahamas, je lui explique que ce n’est pas possible…
Christophe.
28 avril …/… On se dit au revoir, on fait les dernières photos et on abrège les adieux difficiles. Elio dit à Christophe que cette fois c'est encore plus dur qu'il parte que les dernières fois parce que cette année il est resté plus longtemps. .../… C'était une super rando même si ça n'en n'était pas vraiment une puisqu'on n'a pas marché et qu'on est restés en tong !
J'espère revoir un jour Elio et toute sa tribu d'alcooliques aussi gentils que touchants, et d'avoir encore l'occasion de jouer dans le grand théâtre absurde et génial de sa maison. Anaëlle

Rando LN, Moussa et Phil
1er jour de rando, Vendredi 24 avril …/… Ça y est, j'ai 16 ans et ça ne change absolument rien!.../…
C'est ensuite vers la gare que nos pieds nous emmènent. Un billet pour la Sierra, 2,40 pesos par personne, donc 7,20 pesos au total, ce qui n’est rien. On attend le départ pendant 2 heures. On discute avec deux personnes qui vont prendre le train avec nous. Enfin, il arrive. C'est un wagon vert avec des bancs sur les côtés et un moteur de camion qui fait plein de bruit. Il n'y a pas de fenêtres, tout est ouvert et les murs sont en bois.  Le contrôleur appelle tout le monde à partir du numéro 1. Pas de bol, on est les 52, 53, 54. On sera donc debout, entassés avec les 60 autres personnes qui sont à bord. Sur les dernières minutes, on réussi à occuper quelques places libérées. Les paysages sont super beaux, mais très sec. Un homme nous dit qu'il n'a pas plu depuis un an et qu'il ne va sûrement pas pleuvoir en mai alors que normalement, c'est un mois de pluie. …/… Une jeune fille arrive sur son cheval et nous dit qu'elle vient nous chercher pour qu'on aille manger chez elle. Sur le chemin, on la reconnaît: c'est une des écolières qui étaient devant nous. Elle habite dans un tout petit village, la Tour, au milieu des terres. Tout le monde a un jardin et des animaux ici. On arrive à sa maison et on se fait accueillir par ses parents et sa grand mère qui nous donne à manger; de la viande dite de boeuf mais Hélène nous garantira que ça a le goût de porc. On mange ça avec le couscous, mais sans eux, comme d'habitude.

Le 25/4 par LN…/… La nuit fut éprouvante. Des armées de bestioles se sont introduites dans mon drap. Le sommier sur lequel je dormais a de gros trous, quand je bouge, je tombe à travers. Je lève la tête en essayant de rester sur le lit et j'aperçois Philémon à moitié au dessus du vide et Moussa peinard, au milieu du lit, encore en train de ronfler. Le regard de Phil me dit "bien sûr, j'ai passé une nuit pourrie".

Les petites se réveillent. Marvia a trop froid et Nadialis a trop chaud. Je passe mon drap à Marvia et Nadialis me pose mille questions sur tout, j'essaie de répondre. C'est ma copine, Nadialis. Elle est intelligente, simple et enthousiaste.Les parents ont dormi dans le salon pour nous faire de la place et quand je m’aperçois qu'ils ont dormi sur un matelas d'enfant jeté par terre, je me dis qu'eux aussi, ils ont dû en baver cette nuit.

…/… Sur le chemin pour aller à l'arrêt de guagua, on nous apprend qu'il y a un chemin de terre qui relie Bijarù à Freyre, notre destination finale. 20 km de piste dans les montagnes. C'est exactement ce que nous voulons. On dormira en route. Nous n'avons pas fait 100 mètres qu'on est déjà invités à se rafraîchir chez des gens. Une vieille dame et son fils. On se fait à manger chez eux et ils mettent nos bouteilles d'eau au congélateur pour le temps qu'on passe chez eux. Nous parlons électricité, production électrique, gouvernements... Ils nous auraient bien offert un café, mais ils n'en ont pas. Ça tombe bien, nous si! On le partage avec la mère qui le trouve très bon. Vers 16h, nous reprenons la route. …/… Vers 18h, on trouve un lit de rivière à sec avec une petite source qui sort d'un tuyau, nous nous doucherons ce soir! Nous montons le camp et faisons cuire le dîner. Puisqu'on a beaucoup d'eau, nous choisirons de manger les pâtes.
À la nuit, les crapauds et les lucioles nous font la sérénade, les moustiques aussi. Il fait enfin frais. Philémon aura même froid sans son duvet.    Ln

le 26/04 par Moussa .../… Il est 7 heures et nous nous mettons en route pour Jamaïca ou nous devions aller voir le frère d'une dame rencontrée la veille. Il fait bon nous sommes dans une région assez sèche, avec plusieurs champs où manguiers, chevaux, chèvres et vaches se côtoient. Le chemin est rocailleux le soleil commence à taper et phil n'a ramassé que 19 fers à cheval…/… Même pas le temps de se reposer qu'un monsieur et sa femme viennent nous taper la discute. Il s'appelle Ernesto, vit à quelques mètres de là, son rêve a toujours été d'être alpiniste. Sa femme ne parlait pas trop je trouvai quelle était un peu timide. Nous parlons de Manioc et Hélène décide de lui donner un peu de farine de Manioc. Pour nous remercier il nous dit qu'il va nous passer quelques oeufs et du riz. Il reviendra 5 min plus tard avec son fils les oeufs et le riz. Nous le remercions et il nous propose de passer demain matin pour boire le café con léche avec lui. Nous lui disons bonne nuit et à demain, on mange et on ira se blottir dans nos hamacs. Moussa 

Le 27/4 par Ln …/… On s'en va, on a RDV chez Ernesto et Maïté qui nous attendent aussi pour le café. Il y a à peine 100 mètres à marcher. Ernest est logé dans un ancien entrepôt agricole que les autorités ont transformé en logement pour 4 familles après que le cyclone Sandy ait dévasté l'ile. Comme les autres maisons que nous avons vues, il y a une table, des chaises, une télé, quatre fleurs en plastique et un lit dans chaque chambre. Je remarque que la chambre de Jose Angel, leur fils de 17 ans n'a qu'un lit; pas de poster de rock star; pas de jeux, pas de fringues qui traînent, pas même un meuble où ranger les fringues. Eh oui, il n'y a rien à ranger.
…/… On parle beaucoup d'éducation pendant que les muchachos partent à la chasse- on discute l'essentiel des valeurs à transmettre. Puis il me raconte comment il a regardé Titanic 3 fois- il a bien aimé parce qu'il y avait des moments gais et des moments tristes. Il aimerait bien avoir l'occasion de le voir en espagnol parce que le temps qu'il lise les sous-titres, "ils t'ont déja retiré l'image qui correspond".
Avec ses yeux un peu bridés et sa moustache fine, son chapeau de paille et son pantalon de grosse toile, il me donne l'impression d'être au Mexique dans un film de cowboys moderne. On parle des animaux-de la façon de les traiter, de la responsabilité que l'homme a de traiter ses bêtes correctement et de les nourrir et les abreuver avant de penser à se nourrir soi-même. Avant de se reposer le soir, il faut s'être occupé du bien-être de ses bêtes. J'aime bien, moi, Ernesto…/… Helène

Dernier jour de rando- 28 avril-…/… C’est partit pour la descente en train. Quel train d’ailleurs !Un vieux wagon de 1938 bleu tout rafistolé dans tous les sens. Une guagua et nous voilà à Vita.  C’était vraiment une super rando avec deux rencontres  formidables. On s'est vraiment bien éclaté et même les engueulades avec Moussa n'étaient pas fréquentes. Philémon

C’est à moi de faire cette deuxième partie de la lettre collective. Je ferai la même chose que Christophe pour vous raconter les randonnées.

Randonnée Hélène, Philémon, Jade et Dayan :
Premier jour : 1er Mai, par Hélène… /…
Lever à 5 h, je suis de petit dej. J’ai décidé de nous faire partir tôt, il s’agit de nous mettre sur la route de Holguin de bonne heure, pour arriver à temps pour le défilé. « on n’est pas là pour se faire engueuler, on est là pour voir le défilé ». Ah oui, c’est marrant, parce que d’abord, je me fais jeter par le chauffeur de guagua « vous, descendez de mon bus, vous êtes des étrangers, vous prendrez un taxi ». À peine le temps de protester que hop, on est laissés sur le bord de la route. Ca commence à être compromis pour le défilé, vu qu’il faut au moins 30 minutes pour aller à Holguin et que ça commence dans 20mn…/…
Elio est très chaleureux, Sopa est juste charmant, Juan Carlos est très bourré, la Chinita est aux petits soins pour nous et les voisins chantent faux. Je mets un coup de pied au chat pour pouvoir m’en vanter à Anaëlle, la muchachita qui aimait tant ce petit chat crevard… …/… Après manger, nous parlons encore un bon moment avec Sopa, de tout, de rien, de la vie. Il est pas désagréable, ce gars, intelligent et gentil. Il nous dit qu’il ne nous oubliera jamais et qu’il faut qu’on revienne, bien sûr. Bon, on se couche et après moultes parlementations (qui dort dans les hamacs, qui dort dans quel lit) eh oui, la pluie tant attendue est enfin arrivée, juste à la rando où on a décidé de ne pas emporter de bâche. Alors on campe à l’intérieur de la maison : 2 dans le salon, 2 dans une chambre. La pluie tombe toute la nuit. Je me dis que c’est une bonne chose car la campagne est vraiment asséchée, les nappes phréatiques sont au plus bas.

2 Mai, par Jade… /
Béatrice la « chinita »  nous prépare le café et Elio nous apporte du pain que nous mangeons comme ça. Puis nous partons après avoir fait les derniers bisous des au revoir. Nous prenons un bus qui nous dépose à Floro Pierez puis nous décidons de marcher jusqu'à Rafael Freyre. Sur le chemin, je m’émerveille d’à peu près tout, que ce soit un coq, une poule ou une vache…/… Je commence à fatiguer. Il faut dire qu’en 4 heures nous avons fait 20 kilomètres et 17 pour ceux qui sont montés en charrette. On avance et un camion arrive, je tends le pouce, il s’arrête, nous montons. Il nous dit qu’il peut nous emmener à Rafael Freyre mais qu’il doit d’abord faire une livraison, nous lui répondons que nous ne sommes pas pressés…/… Sur le chemin Hélène repère une pancarte où il est écrit que l’on peut acheter des films. Du coup Hélène en profite pour acheter Titanic et deux autres films en espagnol pour son ami Ernesto…/… Nous montons dans le train et 40 minutes plus tard, nous voilà à Altuna. Petit village paumé au milieu de nulle part. Nous allons chez Ernesto et pour s’y rendre nous devons suivre un chemin de fer désaffecté…/… Ernesto parle avec Hélène et quand elle lui donne la clé USB avec les films dessus il est tout ému et gêné. Puis sa femme nous prépare à manger et voyant que nous sommes fatigués nos hôtes nous préparent une chambre car cette nuit il risque de pleuvoir et nous ne pouvons pas tendre nos hamacs dehors.

3 Mai, par Dayan… /…
Ce sont des bruits de pas qui nous réveillent. Il a plu toute la nuit mais ça ne nous a pas empêché de bien dormir. Nous devons être prêts pour 7 heures car une voiture passera pour nous amener avec José Angel et Ernesto à Bigarù. Nous comptons ensuite prendre un bus pour Antilla pour dormir sur la plage ce soir. Après avoir bu un café au lait et un morceau de pain et après avoir fait nos sacs, nous attendons. La voiture n’a pas l’air d’arriver alors Hélène part papoter avec Ernesto et lorsque nous la rejoignons à 7h30, il pleut toujours. Deux propositions se présentent : soit nous restons ici aujourd’hui, soit nous partons à pied pour Bigarù, sur un chemin de terre boueux avec José Angel et nous ne sommes pas équipés pour la pluie. Nous refusons cette dernière proposition par le vote : trois voix contre une.../… Nous proposons une partie de cartes à José pendant que la température baisse. Philémon se retrouve avec une veste sur les épaules à Cuba et en pleine journée. On se croirait en Bretagne !
.../… Mais cette pluie était attendue avec impatience par les Cubains. Le paysage est plus vert et la terre est meuble. On peut planter les premières semences. Ernesto nous montre son champ. Quelques plants de canne à sucre et une bananeraie qu’il arrose avec l’eau du puis…/… Nous rentrons et retrouvons Rambo le chevreau dont la mère est morte écrasée, Rojelio et les deux voisines qui n’arrêtent pas de parler pour rien dire, ainsi que le chien triste qu’Hélène a pris sous son aile et qui galère à prendre ses yeux en photo pour les montrer à Anaëlle en rentrant. Ce chien est arrivé ici un beau jour, Elio lui a donné une mangue et depuis il ne veut plus partir.

4 Mai, par Philémon…/
Ce matin, on fait une de nos premières grasses matinées depuis de départ. On se lève à… 9 heures !! Ernesto nous prépare un chocolat chaud épais avec notre chocolat, notre farine et le lait de leur vache. Le tout est fait dans leur cuisine où il y a 3 fourneaux qui marchent au bois et il y a de la fumée partout dans la pièce…/ Il se fait déjà 11h55 et on doit partir pour prendre le train. Mais on n’a pas encore mangé et il est hors de question de partir l’estomac vide, ils ne nous laissent pas faire. A midi, ils nous servent à manger et à 12h04, on a fini. Dommage, c’était super bon et la petite louche qu’on a prit a un peu un goût de trop peu. Les adieux se finissent 10 minutes plus tard et on commence à marcher, mais on s’arrête très vite pour saluer quelqu’un qu’on ne connaît pas. Faudrait savoir, soit on fait tout très vite pour prendre le train de 12h30, soit on prend le temps de manger avec eux, de faire de grands au revoir, de dire bonjour aux personnes qu’on croise…/… Le train arrive, on lui dit au revoir et on quitte les montagnes. Un camion et on arrive à Vita. A la marina, on fait une pause mangue et glaçons avant de rentrer au bateau. On décharge nos sacs tout crasseux sur le pont et on va prendre une douche, ça faisait quand même 4 jours !

Randonnée Michel, Kaïs et Anaëlle : texte collectif
1er Mai …/…
Départ à 6h30 du bateau. On a droit à un bus climatisé une heure plus tard, la rando de luxe commence! On arrive à 8h30 à Holguin,  mais le défilé est déjà passé... Il y a beaucoup de monde, et l'ambiance est festive. Michel prend une photo d'Anaëlle qui le fait rire: elle est en train de défiler à 16 ans au 1er mai à Cuba, entourée de communistes avec une pancarte qui dit qu'elle s'unit avec les autres pour construire le socialisme. Si la p'tite se lance dans la politique la photo vaudra de l'or!
/ On arrive à Mayari à 12h30. On file chez Koki où il nous accueille les bras ouverts, très ému de nous revoir et il nous annonce que Fanny est encore ici ( elle se promène dans la ville avec Angélo son fils, Claudia sa fille et une amie de cette dernière)/ Dans l'après-midi on participe à la sortie du samedi; la baignade à la rivière. On s'entasse dans un tracteur rouge appartenant à un type nommé Alexander, qui se fait appeler "El Patron". Le Tracteur file sur la piste, et on fait nos prières quand Alexander quitte des yeux la route pour ouvrir sa canette de bière.../ Balade le soir de Michel et Kaïs pendant qu'Anaëlle donne son cours d'origami. Finalement, il pleut, Alleluia, Dio, Gracias. On sort toutes les plantes dehors. Un des potes de Koki nous dit que la tradition consiste à boire un verre de la 1ère pluie. Michel lui conseille tout de même d'attendre que la pluie ait lavé la poussière des toits mais il va se boire son verre d'eau pourrie. Vive la tradition! Anaëlle et Fanny sont endormies dans le même lit. Kaïs sur un matelas par terre. Et Michel a gagné le privilège de dormir, après discussions avec Koki, dans son hamac.
2 Mai/
Lever 6h au cas où l'immigration déboulerait car Koki n'a pas encore le droit d'héberger des voyageurs. Il n'aura le papier officiel que dans 2 mois/ Le chef, est un pote de Koki et, après explications, il nous exempte de toutes taxes et nous permet d'accrocher nos hamacs le soir. On laisse nos sacs derrière le bar et on descend un sentier de 1200m en 20 minutes, mais annoncée en 2h pour les touristes allemands ventripotents avec leurs literons de bière. La descente est abrupte, surtout pour Anaëlle qui a mis les tongs taille 49 de Kaïs (cause:ampoules). Le chemin vaut l'arrivée: le pied de la cascade, le chant des oiseaux, l'eau fraîche et la roche rouge et la nature autour de nous... Une petite pensée pour Dayan pour ce vrai décor de "blue lagun"/ Montée expédiée en 20 minutes pause compris, c'est une performance dont les petits loups sont très fiers. C'était bien la peine de s'être lavé en bas avec tout ce que l'on a sué en remontant/ On rejoint le bar pour y chercher nos sacs. Il n'y a que 3 touristes, la journée n'a pas dû être très rentable pour les gens qui travaillent ici. On propose à Carlos le gardien de manger avec nous. En fait il a une soupe super bonne, mais comme elle est à base de porc, Kaïs se fera du riz. On accroche nos hamacs, on discute un peu avec Carlos qui préfère parler nature et plante que politique.
19h30, au lit, faudrait pas perdre le rythme du bateau.
3 Mai…/…
Levés 6h15, on mange le riz de la veille, car on n'a ni thé ni café; le responsable chargé de la bouff' ayant oublié que le petit dej' existe. On taira son nom par charité, mais son prénom commence par un "K". On a décidé d'aller visiter l'Académia; sorte de jardin botanique local/ 11h30, la pluie forcit et il n'est pas sûr qu'une voiture puisse passer et amener la relève. On change nos plans et on décide que quand la pluie s'arrêtera, on partira à pied pour Mayari, car, ce matin, la montagne est froide, humide et hostile/ On dîne chez Koki. Iliana cuisine toujours aussi bien et puis, discussion avec Koki. Il nous raconte comment, à son avis, Camillo Cienfuego, héros de la révolution cubaine, s'est fait buter par Fidel Castro. On apprend que ce dernier n'a pas été le premier président du Cuba révolutionnaire. C'était un certain Dortigo et Fidel Castro n'était que son premier ministre. Puis, Fidel a revendiqué le pouvoir et Dortigo s'est "suicidé"/ A chaque fois que, dans notre discussion, Koki critiquait le régime, il jetait un coup d'oeil rapide vers la porte. De la même façon, lorsqu'il nous a dit qu'il n'aimait pas le "Che", il l'a fait en baissant la voix.C'est vraiment ce qui nous a le plus marqué dans cette discussion: l'inquiétude permanente. Il nous semble que c'est un autre élément à porter au dossier de Cuba et des questions que nous nous posons sur le régime.
4 Mai…/…
Un petit café et c'est l'heure de rentrer au bateau. Embrassades, accolades, émotions. On s'en va sur un "hasta luego" et on marche jusqu'à la sortie de la ville, afin de prendre une gua-gua pour Holguin/ Quelques "batidos de mangos" plus tard, nous repartons sur Puerto de Vita. Bus climatisé à 5 pesos. On a du bol!.../ Arrivés à Puerto de Vita, un petit vieux sur une charrette nous invite à monter, juste pour le plaisir de la discussion. Il s'appelle Horacio et a une petite maison bleue sur le bord de la route. Il nous y invite et nous gave de mangues. On visite son terrain et on arrive à un endroit recouvert de manguiers avec toutes sortes de mangues. Bref la randonnée se termine dans la gentillesse cubaine, comme elle a commencé.

Tous les membres de l’équipage ont dû ensuite répondre à la question :
« Qu’as tu appris à Cuba ? »

Philémon :
Cuba était une super escale. Les gens qu’on a rencontré étaient vraiment gentils, accueillants et surtout contents de parler avec des étrangers qui leur parlent du monde extérieur. Les discussions montraient qu’il n’y avait pas beaucoup de monde qui était pro-communiste. Les gens en ont marre de gagner trop peu pour vivre en travaillant toute la journée. Du coup, on a vu ça chez Elio, il y en a qui boivent pour oublier qu’il y a un lendemain. Mais quelques-uns s’en sortent en travaillant pour leur compte dans les montagnes. Ce qui m’a le plus étonné, c’est qu’ils ont tous un toit et quatre murs, de quoi vivre et se vêtir. Il n’y a personne qui meure de faim au coin d’une rue contrairement à plusieurs autres pays qu’on a visités.
Dayan :
J’ai appris ici que le bonheur ou le malheur des gens est dû au gouvernement de leur pays. La plupart des personnes que j’ai rencontré étaient contre leur gouvernement et espéraient une vie meilleure mais ils ne voulaient pas avouer par peur, que c’est le gouvernement qui ne gère plus rien. Mais si le capitalisme s’installe ici, les pauvres s’appauvriront et les quelques riches récupéreront tout l’argent. Je ne sais pas si l’arrivée du capitalisme arrangerait les choses. Ce qui est sûr c’est que Cuba n’est plus vraiment un pays communiste. C’est la débrouille partout. Les gens s’échangent des choses, s’en vendent sous le nez du gouvernement qui ne fait rien pour que ça s’améliore. Cela fait longtemps que les gens ne croient plus au socialisme. Lors du premier Mai et du défilé par exemple. Les meneurs de foule criaient gloire au gouvernement, à Fidel et Raùl et il n’y avait que quelques voies qui répondaient à leur appel. Les visages étaient moroses, les gens sont obligés de participer au défilé mais l’envie n’y est pas et les esprits sont autre part.
Jade :
A Cuba j’ai découvert un nouveau régime, le communisme, j’ai appris l’histoire de Cuba, sa révolution… J’ai découvert ses idoles, Fidel, Raùl, le Che… J’ai découvert les gens qui sont pour la plupart avenants, gentils, désintéressés et accueillants. J’ai appris que cuba c’était le pays de la débrouille et de l’entraide mais j’ai aussi vu le gouffre qu’il y a entre les deux monnaies, qui malheureusement nuit à la relation entre les cubains et les étrangers. Malgré le peu de randos que j’ai fait, j’ai pu apercevoir et cerner un bout de Cuba, de cette île si atypique.









                        Aude :
J’ai appris que cela pouvait valoir le coup de mettre un peu d’argent dans des chaussures de rando ! Non, bon en vrai…
Que c’est intérêt de voyager dans un pays sur lequel on reçoit souvent des informations partiales. Rien de tel que des vraies rencontres pour mettre un peu de nuances dans tout ça ! Qu’il y a un décalage vraiment important entre ce que gagnent les cubains et leurs besoins véritables (ex : le jean qui vaut le mois de salaire minimum) et que du coup la débrouille est de mise pour tout le monde. Que c’est un endroit où je remettrai bien les (deux) pieds un jour.
Moussa : 
J’ai appris que les gens étaient très accueillants, veulent te montrer leur chez eux, leur mode de vie. J’ai vu aussi que beaucoup de gens aimeraient quitter Cuba, car ils en ont marre d’être couper du monde et ne gagner rien du tout comme argent. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui disent que le communisme est la meilleure chose qui ait pu arriver. Il y a des slogans communistes sur tous les murs du genre : « vive la victoire » et « toujours un 26 juillet ». J’ai appris aussi que les gens vivent beaucoup en se débrouillant pour avoir un peu d’eau ou de revenu. Par exemple s’ils veulent se payer un jean qui fait 40 euros, ils doivent payer sur plusieurs mois car leur paie est de 5 euros par mois.






Kaïs :
Durant ma première rando Rosa m’a appris beaucoup de chose sur la révolution qu’elle a vécue. Étant petite, elle a aidé les révolutionnaires à combattre Batista, elle les a nourris, logés et elle a participé au ravitaillement en gasoil et en nourriture. Et j’ai aussi appris que le salaire moyen est de 250 pesos et que même un salaire de 1000 pesos ne suffit pas pour une famille. J’ai aussi appris qu’ils sont obligés de voler l’Etat ( en volant quelque chose à une usine ou en faisant du trafic), car s’ils ne volent pas l’Etat ils crèvent de faim. J’ai eu plusieurs versions par plusieurs personnes qui donnent leurs avis sur le Capitalisme. Pratiquement toutes les personnes avec qui j’ai parlé mon donné un avis positif sur le capitalisme et la plupart précise que c’est la télé qu’il leur a dit toutes ces informations. Pour eux la France c’est le paradis et c’est toujours avec la bouche grande ouverte qu’ils nous écoutent leur dire qu’en France il y a 9 millions de pauvres alors que nous sommes la 5 ème puissance économique mondiale. J’ai aussi appris que la médecine était excellente et gratuite à Cuba, que les grandes études étaient à la portée de tout le monde mais que à la fin des études les étudiants doivent 1 an de travail au pays.
Hélène :
Comme je n’étais jamais venue, j’ai découvert Cuba : la vie, les gens, le climat. J’ai fait l’expérience d’un pays où le système communiste est encore en vigueur bien que criblé de défauts. Je n’avais connu que des pays où le communisme était mort et avait laissé les cadavres des institutions derrière. Je n’ai pas d’avis bien tranché sur la question : « est ce que c’est bien ou pas bien de vivre dans un régime communiste ? ». Je n’ai fait qu’entrevoir des bons côtés, des mauvais côtés, des certitudes qui vous font rêver et d’autres qui vous font frémir. J’ai eu de très bonnes conversations édifiantes avec des gens que je considère comme des amis à présent. Des gens avec qui j’ai des affinités, au-delà des sempiternelles différences de cultures. Je n’ai pas appris que les Cubains sont des gens comme tout le monde, cela, je le savais avant même d’arriver. Le voyage apprend cela, les gens sont des gens peu importe où ils vivent.
J’ai réalisé que vivre comme dans les années 30, sans beaucoup plus de moyens de transports qu’une carriole à cheval me semble très attirant, le calme, le temps qu’on donne aux choses de tous les jours… Mais bien sûr, c’est une envie de citadine du 21ème siècle. Comme tous les voyageurs qui se veulent beaucoup plus connectés avec le monde que leurs semblables, je n’ai pas hâte de voir Cuba se développer sur un modèle capitaliste et engranger des devises grâce aux gens comme moi qui se voudraient aussi différents que moi.
Mais que souhaiter vraiment pour le bien être des cubains ? Un gouvernement statique ? Une évolution ? M’avait-on demandé ce que je souhaitais pour les cubains de toute façon ? Ah non. J’arrête là, alors.
Anaëlle :
J’ai appris que la couenne de porc frite dans de l’huile, c’était vraiment répugnant, qu’il valait mieux ne pas naître chat à Cuba parce que leur destin est toujours tragique, et que les grands oiseaux blancs de la marina me vouaient un véritable culte de l’onomatopée. J’ai appris ce qu’était le remord, après avoir laissé passer un transport en me disant que je prendrais le suivant, et après avoir attendu 3h devant un cimetière que celui d’après passe. J’ai aussi appris qu’avoir une femme mais 19 fiancées était le destin, la fatalité d’être un homme charismatique. J’ai appris que Moussa parlait aux chèvres, et qu’Hélène parlait plus particulièrement aux vielles chèvres. Grâce à Christophe j’ai appris qu’il était possible d’avoir un ongle bicolore violet-bleu, après être partie en rando avec Dayan et l’avoir bien observé, le smecta n’a plus aucun secret pour moi. Jade m’a appris à m’extasier devant la banalité de la vie, comme un coq qui chante ou un bébé vache. J’ai fait l’expérience d’une rando avec Kaïs, ou plus exactement avec Kaïs et sa coupe afro, ce qui n’est pas vraiment la même chose… J’ai aussi appris que Philémon avait lui aussi ses limites en termes de marche à pied.
Voilà tout ça tout ça quoi, plein de choses qui ne sont pas dans les grandes lignes de notre escale à Cuba, mais qui nous font rire et qu’on est contents de partager quand on se retrouve au bateau après nos randos !
Michel : (j’ai pris des morceaux de son dernier texte sur Cuba pour répondre à la question)

- Le service militaire y dure deux ans et on n’y coupe pas facilement
- Tous les écoliers ont un uniforme et hissent le drapeau tous les matins
- Les villes sont recouvertes de slogans révolutionnaires plus ou moins épiques. En voici un florilège :« Ser culto para ser libre » (de Jose Marti Perez) qui signifie « être cultivé pour être libre »
Si la révolution est impossible sans une éducation révolutionnaire qui la prépare, mais qu’une éducation révolutionnaire nécessite, au préalable, une révolution, comment casse-t-on le cercle ? Réponse : «  El fusil ! » de quelques-uns, dirait Fidel Castro .
Du point de vue économique, voici le point sur les livrets d’alimentation des cubains :
-       5 livres de riz par personne et par mois
-       4 livres de sucre par personne et par mois
-       5 œufs (et non 1, comme je l’avais écrit)  par personne et par mois
A noter que ces produits ne sont pas gratuits, mais vendus à très bas prix. Ainsi, par exemple, la livre de riz s’achète 1,25 pésos cubains. Au-delà des 5 livres du livret, il faudra s’approvisionner dans des circuits parallèles et plus chers.
Qu’il n’y a aucun S.D.F. dans la rue. Les seuls rares mendiants étaient plus ou moins déficients mentaux, comme si la mendicité était, à Cuba, un manque de rectitude morale.
D’autre part, les Cubains ont un sens civique supérieur au notre (ils se lèvent et cèdent leur place dans les bus aux vieux, aux enfants et aux femmes). Reste qu’ils n’ont aucune conscience écologique : jeter une canette par terre est un geste normal.
La télévision cubaine gueule en permanence dans les maisons (même si personne ne la regarde) et elle vomit des kilos de clips débiles.
Enfin, il y a une journée de lutte contre l’homophobie à Cuba (c’est le 17 mai) ; ce qui prouve que les choses avancent, même dans les pays machistes où l’on combat désormais officiellement la discrimination homosexuelle.
Pour finir, je dirai que 90% des cubains avec qui j’ai discuté étaient plus ou moins fortement hostiles au régime, bien qu’ils soient tous assez fiers de leur révolution.


Voilà pour cette fin d’escale à Cuba. Sébastien nous rejoint le 6 c'est-à-dire demain et Christophe nous quitte le 7 et vous amènera plus de détails sur notre quotidien et pourra répondre à toutes les questions. Nous nous dirigeons vers les Bahamas et nos pensées sont aussi pour vous.


Difficile de trouver une photo de Dayan sans Kaïs!!

CHRISTOPHE et DAYAN

27 avril 2015

Bienvenidos a Cuba... Par Aude et Moussa


Le 23 Avril – Depuis Cuba, Puerto de Vita, Province de Holguin.
Coucou tous !
Nous sommes restés cinq jours à Luperon, en République Dominicaine. Le deuxième jour a été marqué par le départ de Marec, notre psychologue, et d’Elo, présente sur le bateau depuis la Guyane en décembre. Tout l’équipage la remercie pour son énergie, pour tous les moments collectifs dont elle a été à l’origine… Merci Elo !
Nos vemos en julio ! Nous disons aussi au revoir à Marec. Tout en prenant la température de cette expédition, il a organisé des groupes de parole avec l’équipage, avec les adultes. Il a aussi vu les jeunes en entretien afin de faire un bilan après ces six mois de voyage et commencer à réfléchir avec eux sur leur projet(s) au retour.
Ces au revoir faits, nous nous tournons vers la prochaine escale : Cuba !
Préparatifs habituels : courses, pleins d’eau… Grosses courses cette fois car il est probable que nous ne trouverons rien à Cuba et comme après nous traverserons les Bahamas, il nous faut de quoi tenir cinq semaines !
La préparation de cette escale, c’est aussi la préparation des randos : nous cherchons dans le journal de bord de la dernière expédition des informations sur Cuba. Des envies commencent à se dessiner : « J’aimerais aller dans la Sierra Maestra », « j’aimerais bien rencontrer Elio le pêcheur, l’ami de Christophe » etc.
C’est aussi l’occasion de se questionner sur ce pays qui nous intrigue tous un peu. On échange, on lit des bouquins pour en savoir plus sur l’histoire et la culture de cette île. « Professor » Michel nous fait même un petit goûter-philo sur le communisme !

Le dernier jour, pendant que Moussa, Anaëlle, Christophe, Hélène et Kaïs font les grosses courses ; Michel, Aude, Dayan, Jade et Philémon partent visiter l’atelier de construction de bateaux de Luc, un ami de GN qui vit à Lupéron. Super accueil : on est tous bien intéressés, les jeunes ont pleins de questions,  Luc est très avenant et bon pédagogue… Bref, chouette moment. On assiste même au démoulage (et donc à la naissance) d’un bateau !
S’ensuivent deux jours de navigation sous un soleil de plomb, au bon plein, avec huit nœuds de moyenne. On barre, on joue, on lit, on fait un peu d’espagnol, on cale une séance d’impro théâtrale… Bref, une nav’ très tranquille.
Arrivée dans la baie de Vita à Cuba la 16 avril à l’aube. Un médecin monte à bord pour voir si nous sommes en bonne santé : bonne nouvelle, tout va bien ! Contrôle du bateau, des passeports. Ça y est, nous avons l’autorisation de mouiller.
Avant la première rando, on se pose 24 heures. Christophe et Hélène vont à la ville la plus proche, Guardalavaca, pour retirer de l’argent. On fait des lessives, on nettoie le pont. Aude retrouve par hasard Vianney, son voisin d’adolescence en Bretagne, qui voyage depuis huit mois avec son amie sur leur voilier. Ils viennent d’arriver à Vita, partageront les deux repas de cette journée avec nous et feront visiter aux jeunes leur voilier.
Arrive enfin l’heure de notre première rando, d’une durée de cinq jours.
Anaëlle, Moussa et Aude partiront dans la région de Banes, sur la côte Nord - Est de la province d’Holguin.
Hélène, Kaïs et Dayan partent dans la Sierra Maestra, berceau de la révolution cubaine et retrouver Rosa vieille guérillera à qui nous avions offert une guitare il y a 2 ans.
Michel et Jade souhaitent partir à Holguin grimper les 428 marches qui leur permettront de surplomber la ville et à Media Luna visiter le musée de Celia Sanchez, célèbre révolutionnaire, au pied de la sierra Maestra.
Christophe et Philémon vont rendre visite à Elio, l’ami pêcheur (retraité) de Christophe qui vit à Gibara.
En fin de compte, ces objectifs de départ ne sont que des prétextes pour nous mettre en route, le principal pour nous tous étant de faire des rencontres et de découvrir la vie cubaine…
Objectif rempli ! Vous découvrirez le récit de ces aventures dans notre prochain journal…
En attendant, des bises à tous !
Aude et Moussa (un peu, voir pas du tout).


18 avril 2015

Cuba...

Bonjour à tous,
Le bateau est arrivé à Cuba avant-hier, à la Bahia de Vita pour être plus précis. Le bateau étant amarré dans une marina, tout le monde est parti en randonnée aujourd'hui pour cinq jours.
A bientôt pour d'autres nouvelles...
Kélig

11 avril 2015

la lettre de Kaïs et Michel


Lettre collective Samana à Lupéron

Nous arrivons donc à Samana après trois semaines passées sur le banc d’argent. Les sinus sont lavés, les oreilles aussi et, donc, Samana nous apparaît bruyante, polluée, fatigante. Le soir, les bars déversent une musique super forte qui arrive jusqu’à notre mouillage. Du coup, on a décidé de ne pas traîner. Une équipe courses au supermarché, une autre pour les vivres frais, les autres se relaient pour faire les pleins d’eau avec l’annexe et les bidons. C’est long, surtout quand l’unique tuyau du quai manque de pression. Quelques courses à faire, notamment une nouvelle gaffe  qu’un gaffeur, dont nous tairons le nom par charité (mon premier sert à pécher et mon second est un pronom possessif), a fichu au fond de l’eau. Tout le monde s’y met et en deux jours on a fait ce qu’on avait à faire (sans oublier les lessives). Lorsque Marec et Aude arrivent avec un jour d’avance sur nos prévisions, nous sommes prêts à repartir le lendemain. Ils sont tout blancs, ça tranche avec les pains d’épice du bord. Ils nous apportent des nouvelles, des journaux, des lettres perso et aussi leur enthousiasme. Moment sympa. On repart donc fissa sur le banc. Les fichiers météo récupérés par Michel nous promettent 10 nœuds de vent d’Est. On en aura 20 ! Reste que le vent est bien Est et nous filons retrouver notre Home Sweet Home à bonne vitesse. Comme prévu, nous arrivons un peu tôt à l’entrée du banc et nous nous mettons à la cape le temps que le soleil se lève. On en profite pour prendre le petit-déjeuner à la dérive. Puis, le soleil dans le dos (obligatoire pour voir les patates de corail et pour entrer sur le Banc) nous pénétrons dans le sanctuaire de nos amies les baleines. L’enthousiasme de nos deux nouveaux camarades fait plaisir à voir, surtout celui d’Aude qui n’est jamais venue sur le banc et qui n’a aussi jamais vu de baleines à bosses. Quelques pectorales saluent son arrivée en territoire-baleine. On s’amarre à nos bouées et c’est parti pour une petite semaine de wale-watching et d’éclate.
Bon, on ne va pas vous décrire à nouveau comment ça se passe, si vous ne le savez pas, reportez-vous à la précédente lettre collective qui décrit bien tout ce que l’on voit.
Ce qu’il y a de nouveau cette semaine, c’est que nous avons à bord deux personnes supplémentaires : Aude qui va bientôt remplacer Elodie et notre superviseur, Marec, armé de sa « super vision ». On les met systématiquement prioritaires pour aller sur les ailes (si vous ne voyez pas de quoi il s’agit, révisez les nouvelles données sur le site) et là, forcément, c’est un choc pour nos deux cachets d’aspirine : une baleine à bosses, c’est gros ! Les jeunes commencent à confondre les prénoms d’Elodie et d’Aude ; comme si elles formaient déjà une entité indissociable. Bon, il est vrai que c’est un remplacement très fluide : une bretonne va succéder à une bretonne. Côté gabarit, on fait aussi dans la continuité, au niveau de la joie et de la bonne humeur elles font aussi la paire.
Côté nouveauté, nous avons maintenant à bord un club de « tricoteurs » qui le soir, paisiblement, se tricotent leur bonnet de laine autour de la grande prêtresse des aiguilles : Elodie. Ça donne un petit coté décalé à G.N. « La marine n’est plus ce qu’elle était » semblent se dire certaines vieilles moustaches du bord dont nous tairons le nom par charité (mon premier est très velu et mon second ne l’est pas moins).
Et puis, la présence de Marec permet de faire le point avec les jeunes lors d’un « groupe de paroles ». Ce dernier permettra aux jeunes de dire ce qu’ils ressentent, pensent et ce qu’ils ont envie de dire aux autres. Nos journées sont toujours rythmées par une escapade sur le Banc et par des plongées dans le Polixeny et dans des patates de corail voisines. Peu de rencontres pour cette fin de saison. Les baleines semblent avoir déjà pris le chemin du retour avec leurs petits. Bon, on en verra quelques-unes, mais moins qu’au précédent séjour.
Le 6, c’est l’anniversaire de Kaïs : 14 ans et toutes ses dents ! C’est l’occasion de lui dire qu’on l’aime, et, tant qu’à faire de lui faire quelques cadeaux. Jade, de cuisine, y passera la journée, aidée par toute la meute, pour lui faire des choux à la crème. Bon, c’était une expérience culinaire… intéressante. Le reste de la crème pâtissière finira en pan cake le lendemain matin, c’est dire si la crème était réussie ! On lui offre des dessins, des sculptures sur bois, un réchaud confectionné avec des morceaux de canettes, deux bracelets, un mobile, une serviette, un collier qui pue l’enfer, à base d’éponge de mer (Merci Marec), 7 dollards caribéens à la valeur plutôt affective que financière et deux filets à cheveux de « racaille » américain. Bref, une super soirée avec bougies et tout et tout. Ultime cadeau : une plongée nocturne très attendue par nos jeunes plongeurs. Départ à 1 heure du matin en direction de l’épave du Polixény. Les courageux étaient au nombre de cinq : Christophe , Hélène, Elodie, Philémon et, bien sûr, Kaïs (Michel restera à bord pour les compter à leur retour). La lune était au rendez-vous et l’épave avait quelque chose de féerique, au dire des survivants.
Le 8 au matin, nous récupérons notre mouillage. 6 plongeurs s’y mettent : il faut couper les bidons qui assuraient la flottabilité du mouillage, ramener le bout en textile, défaire les passages de la chaîne entre les patates. Bref, une heure plus tard et, après que nous ayons exploser un grappin qui nous servait à nous maintenir en place durant la manœuvre, nous pouvons quitter une dernière fois le mouillage avec une pensée émue pour l’épave du Polixény  que nous ne pensons pas revoir un jour ; vu son état très enfoncé actuel. Nous partons, comme d’habitude faire du wale-watching et nous sortirons du banc en fin d’après-midi par la passe ouest du banc. Vers 14 heures, un groupe d’une dizaine de baleines adultes nous escortera jusqu’à la sortie. Elles passent et repassent si près du bateau que l’on dirait d’énormes dauphins qui jouent avec notre étrave. Une heure durant, elles resteront à une vingtaine de mètres, voir moins, devant nous, à coté de nous, derrière nous, en nous ! On ne sait plus où donner de la tête, il nous manque juste un troisième œil derrière le crâne pour en profiter. Une des plus belles rencontres depuis que nous sommes sur le banc. En tout cas, la plus belle des rencontres en surface. Nous discutons afin de savoir si elles nous escortaient vraiment pour nous dire adieu, ou bien si c’est juste le hasard. A ce moment-là, se déroulait sous la surface un drôle de dialogue entre les baleines :
- Tu les as vus ?
- Qui ?
- Ces humains sur le voilier.
- Oui, oui
- Tu en as compté combien ?
- Une dizaine au moins
- Oh, toi, il faut toujours que tu en rajoutes !
- Ils avaient l’air sympa, non ? On aurait dit qu’ils nous accompagnaient jusqu’à la sortie…
- Arrête avec tes projections baleinomorphiques !
- N’importe quoi !
- Mais si, tu projettes des sentiments de baleines sur des humains. En fait, ils étaient juste là, par hasard !
- N’empêche, ils avaient vraiment l’air sympa et on aurait bien dit qu’ils nous accompagnaient pour notre départ du banc….

Bref, chez les baleines aussi, on s’est posé des questions. Hélène, chez nous, a réglé la question en disant : « J’men fous pas mal, projection ou pas, moi ça me plaît cette idée qu’elles nous ont accompagnées une bonne partie de l’après-midi, pour nous dire au revoir ! ».

On sort du banc, vers 17 heures, direction Big sand Cay, l’île la plus au sud des Turk and caïcos. Le vent est Est-sud-est et nous décidons de passer par le sud de Mouchoir bank, un plateau corallien sur notre route. Navigation sans problème. Arrivée de nuit vers 4 heures 30, mouillés devant une magnifique plage de sable blanc qui ressortait bien avec une lune encore assez puissante. Quelques brèves heures de sommeil, plus tard, nous entamerons l’exploration de cette île déserte et de ses fonds, plus riches que là d’où nous venons. C’est parti pour la collecte des coquillages en tout genre. Philémon nous ramène un très joli « casque » qui pue l’enfer, parce qu’il y a encore une bestiole dedans. Il faudra, sous la pression de l’équipage, remettre le coquillage à l’eau. D’autres récupèrent un pare battage tout neuf, d’un bleu très chic qui complètera notre collection. Hélène ramènera du corail noir en pagaille. Les coffres se remplissent et Christophe se marre en regardant la tête circonspecte de Michel qui se demande comment tout cela va-t-il rentrer sur G.N.
On lève l’ancre le soir  même, après la soupe, direction Lupéron : 75 milles à faire. Miracle, le vent est bien orienté : 25 nœuds d’Est. Du coup, on file d’un bord, au près bon plein, à 7 nœuds de moyenne, toute la nuit. Nous arriverons au petit matin, à « l’heure où blanchi la campagne », sauf qu’ici la campagne n’est pas blanchie par le givre de la Normandie de Victor Hugo : il fait chaud et nous rentrons dans la mangrove de Lupéron où nous mouillons tout au fond de la baie.
Ainsi, se terminent les aventures de G.N au pays des baleines. Bientôt Cuba, Kaïs s’entraîne à la guitare sur l’air de « commandante Ché Guevarra ». On espère qu’il la jouera assez bien, pour que nous ne finissions pas tous en taule…
 Kaïs et Michel

PS: Une pensée pour Elodie qui rentre en France après un peu plus de 3 mois à bord, c'était super ces trois mois avec toi! On se voit en juillet au retour! (Le claviste).



1 avril 2015

Le Banc d'argent... Acte 2 !!


Nous avons donc dit au revoir à Thierry sur la jetée à Samana puis avons appareillé le lendemain, le 11 mars pour retourner au Banc d’Argent.
Le temps est bien meilleur que la dernière fois et nous sortons tous les jours du mouillage. Le programme des journées est pratiquement toujours le même, nous vous raconterons donc les habitudes que nous avons prises autour de notre routine exceptionnelle de chercheurs de baleines, seuls au milieu de l’océan. Nous ne sommes pas vraiment seuls en fait, mais nous faisons totalement abstraction des bateaux de charter et des pêcheurs qui ratissent le banc. Pour nous, c’est trois semaines tout seuls sur le banc des baleines.

Bien avant le petit déjeuner, les sportifs font leur muscu, les intellos bouquinent et les ronfleurs ronflent. Nous guettons déjà les baleines qui passent parfois tout près du bateau et certains courageux sautent dans leurs palmes pour les rejoindre, au risque même de recracher la dernière bouchée de flocons d’avoine dans leur tuba. Pendant ce temps-là, les moins motivés finissent tranquillement leur café et pointent nonchalamment du doigt pour indiquer aux nageurs où ils doivent aller pour essayer  d’intercepter les baleines qui jouent souvent à cache-cache avec nous.

Ensuite, on fait l’heure de travail de tête quotidienne. De la philo avec Michel, de la nav avec Elo, de l’histoire avec Christophe et du tout et rien avec Hélène qui fait encore semblant de tout comprendre aux cours de physique-chimie des garçons, même si personne n’est dupe.
Ça rassure qui ?
Anaëlle est d’intendance, alors elle surveille l’inexorable pourrissement des fruits et légumes et donne aux cuistots les denrées qui doivent être passées le jour même. « t’es sûre ? de la betterave molle et puante dans ma quiche lorraine ?  je préfère la laisser à Christophe, il aime bien les faire, lui »

Une nouvelle routine s’est mise en place le matin : c’est pomper l’huile qui a fui du moteur tribord et la remettre dans le réservoir. Eh oui, le moteur a attendu que nous soyons loin de tout pour nous faire sa crise de mi-voyage. Nous n’avons pas la pièce qu’il nous faut, alors en attendant de rentrer à Samana, nous bidouillons une solution : on s’assure juste qu’il y ait assez d’huile dans le moteur pour une utilisation en urgence, ce qui bien sûr, n’arrivera pas. Les manœuvres quotidiennes se font donc avec le moteur bâbord uniquement.

Vers 9h30, on appareille. On a défini qui sera de manœuvre, qui sera de veille, qui va plonger en premier, qui tiendra le cahier de rencontres (cahier où l’on note la description, l’heure et la position des rencontres avec les baleines, ce qui nous sert à reclasser ensuite les données et les photos) etc…au fur et à mesure que les jours passent, cette opération prend de moins en moins de temps et les manœuvres sont de plus en plus belles. Oh, bien sûr, on arrive parfois un peu vite sur le mouillage et on dépasse un peu sur la patate de corail, et puis, aussi, on perd la gaffe par 20 mètres de fond…on pense alors à demander à Kaïs, le petit-fils de l’Homme de l’Atlantide de plonger pour la récupérer puis on se ravise, des fois qu’il nous refasse un syncope en se forçant a descendre trop profond. Qu’à cela ne tienne, une pagaie fera l’affaire, ça va bien avec notre style de hippies des mers.

Revenons à notre routine. Nous guettons les baleines et avons régulièrement la chance de les approcher. Parfois furtivement, parfois de longues minutes et l’on ne peut que se dire « wow ! il s’est vraiment passé quelque chose, là ! t’as vu son œil ? t’as vu quand elle nous a regardés ? » ce sont souvent des mères avec leur petit pour les rencontres sous marines, en palmes, masque et tuba, toujours surveillés par l’escorte. Pour les spectacles en surface, les sauts et les pirouettes, il faut suivre les groupes de mâles compétitifs qui courtisent une femelle. Et à chaque fois on s’émerveille de tant de grâce et de puissance.
On s’amuse à envoyer Philémon sur des baleines qui sont encore à un mille de distance puis on le suit au moteur et on le récupère quand il commence à faiblir et que les baleines n’ont même pas remarqué qu’on s’approchait à 0.5 nœud !
On s’amuse aussi à recommander à Dayan de mettre plutôt tel short que tel autre, surtout avec le paréo , que ce sera mieux pour lui, puis on change d’avis, puis on se ravise, surtout qu’il a un chapeau, puis non…enfin, quand on arrive à proximité des baleines et qu’il faut s’équiper rapidement, on l’écoute gémir parce qu’il a le mauvais attirail sur les fesses et qu’il manque de tomber en essayant de se changer au plus vite…les baleines se marrent et se barrent.

Quand il y a trop peu de vent, on n’avance pas assez vite pour plonger avec les ailes derrière le bateau , alors on invente toutes sortes de figures acrobatiques en écoutant les baleines chanter sous l’eau.
La pause déjeuner se fait à la dérive et c’est aussi l’occasion d’apprendre à faire le point astro- quelques pirouettes par-dessus bord pour se rafraichir et on hisse à nouveau la voile et on repart à la poursuite d’un souffle à l’horizon.

Une fois rentrés au mouillage, on part explorer l’épave si on a le temps puis on revient goûter à bord et écouter l’histoire collective. La plupart d’entre nous raffolent de cette specialité locale appelée flan de leche que l’on mange à même la boîte, en raclant le fond avec le doigt. Les plus gourmands se reconnaissent à la méchante coupure entre les deux phalanges.
On vaque à des occupations presque calmes en attendant le coucher du soleil et son mythique rayon vert (si, si, nous l’avons vu) yoga, échecs, lecture, guitare.

Le dîner à la belle étoile est propice à de bonnes conversations. Parfois Michel donne le ton en posant une question philosophique, mais parfois les sujets dérivent :
« que penses-tu de la séparation des cuillers à café des cuillers à soupe dans le casier à couverts ? » « si la lune est pleine à midi au pole nord, pourquoi n’est-elle pas noire au pole sud ? » « si le caleçon de Moussa a touché le corail de feu un lundi, ses fesses le gratteront-t-elles encore vendredi ? et si oui développez »

En parlant de Moussa, nous avons fêté ses 15 ans le 18 mars. Tous ses cadeaux avaient un thème récurrent : les baleines ! (sauf le caleçon). Kaïs lui a confectionné une tarte au citron exceptionnelle et les bougies étaient tellement petites qu’il a fallu les rallumer pour la photo, ce qui a rendu Kaïs hystérique car sa meringue allait retomber.

La météo au banc d’argent est particulière, très différente de tous les autres endroits du monde.
On distingue trois facteurs déterminants :
-        La pression atmosphérique, qui ne détermine rien du tout.
-        La couverture nuageuse, qui n’apporte pas beaucoup plus de précisions
-        La présence de Kaïs et Dayan sur les filets pour dormir, qui annonce à coup sûr de la pluie pendant la nuit.

Sur la fin du séjour, le temps a tourné. Plutôt difficile d’aller voir les baleines avec 20noeuds de vent et de la houle à faire couler ceux qui auraient l’idée d’aller à l’aile.
Michel en profite pour instaurer un atelier « je construis moi-même mon engin explosif à bord ». Avec une canette vide et (dieu merci nous n’en n’avons pas) de l’alcool à brûler, il apprend aux jeunes à fabriquer un réchaud pour le camping. Activité édifiante qui occupe sagement les enfants pendant une bonne partie de l’après-midi et les grands le reste de la journée à ramasser tout d’abord les débris d’aluminium disséminés un peu partout entre la cale et le plafond tribord et ensuite ceux qui se sont logés dans les doigts des bricoleurs du dimanche.
Autre atelier survie proposé par le capitaine : manœuvre d’homme à la mer par 20 nœuds de vent et 1m50 de creux. Il s’agit donc de balancer 2 personnes (une c’est trop dangereux) et un gros pare-battage par-dessus bord. On leur fait signe en les abandonnant au milieu de l’océan ; on leur fait signe aussi alors qu’on passe à côté mais trop loin pour les sauver. On leur hurle dessus en faisant de grands gestes lorsqu’on s’est approchés trop vite et qu’on manque de les noyer en leur passant dessus. Quand on arrive enfin à les hisser saines et presque sauves à bord, on décide alors de leur faire un dernier signe et de les repousser par-dessus bord parce qu’il faut améliorer la performance.
On veillera juste à ne pas les rejoindre dans l’eau en se prenant une vague ou une voile sur la tête pendant qu’on est occupés à les pointer du doigt. Une fois les cobayes quasi mortes de froid, on décide de rentrer et on s’exerce alors à une activité tout aussi sportive et presque pas dangereuse : récupérer la bouée du mouillage avec un seul moteur, pas de gaffe, les fameux 20 nœuds de vent contre nous et les patates de corail qu’on n’avait jamais vues d’aussi près. Ceux qui avaient raté la muscu du matin viennent de rattraper des points !
Rassurez-vous, on sait aussi s’occuper les jours de grand vent en faisant des choses plus calmes comme les cours de théâtre d’impro organisés par Elo et Anaëlle -bien que certains, il semble, préfèreraient mourir noyés que de se prêter au jeu- mais il faut bien faire son effort communautaire, hein Hélène ?

Heureusement ; l’activité principale étant la rencontre avec les baleines, nous n’avons pas trop le temps d’élaborer des passe-temps plus douteux que ceux déjà en place. Tout le monde a eu le bonheur, parfois répété, de nager tout près de baleines bienveillantes et curieuses et même si la vie du groupe inclut forcément des conflits et des tensions, une bonne rencontre remet souvent tout le monde d’accord : les baleines, c’est un moment incroyable du voyage, à peine racontable, et nous avons le privilège de le vivre pleinement.
Nous sommes à présent sur le point de rentrer à Samana pour accueillir Aude et Marec et partager avec eux un peu de notre vie sur le Banc d’Argent.

Hélène et Anaëlle


10 mars 2015

Le premier séjour avec les baleines par Philémon et Jade...


Nous sommes donc en Guadeloupe pour y déposer Chloé et faire les pleins de nourriture.
Alors aujourd’hui grosses courses avec Hélène, Tit, Jade et Phil, tellement grosses que Tit devra rentrer seul dans la voiture à cause du manque de place. On en profite pour s’acheter quelques viennoiseries à la boulangerie. De retour à bord, rangement puis douches. Après le repas vient le très bref au revoir (ou plutôt adieu) de Chloé qui part pour l’aéroport.
Le lendemain, on largue les amarres direction Samana. La bonne vieille routine reprend : les cours, les manœuvres, le réveil musculaire, mais cette fois ci, pas de mal de mer. Sur ces 5 jours de nav, nous n’avons eu que 15 heures de vent, le reste est passé tranquillement au moteur. Mais ces quelques heures de vent étaient au près. Résultat, nous arrivons à Samana, trempés, mais contents car nous avons vu nos premiers sauts de baleines. Nous mouillons dans une des anses de la grande baie, un endroit propre (ou presque), joli (ou presque) et des pélicans plongent autour de nous (cette fois pas presque; ils plongent vraiment !).
Le lendemain, nous partons pour la baie de Santa Barbara de Samana à 5 min d’ici. Nous jetons l’ancre dans l’eau polluée, les égouts se jettent dedans et une couche de graisse ou de carburant flotte à la surface. Pas la peine de vous préciser que nous ne nous baignerons pas ici. Tit et Christophe vont à terre pour faire l’entrée et la demande pour le permis qui nous permettra d’aller à Silver Bank voir les baleines. Pendant les trois jours que nous passons ici, nous nous occupons de faire les pleins de fruits et légumes au marché qui est un bâtiment où se rassemblent une vingtaine d’étals, où la circulation est compliquée à cause des allées étroites où seulement une personne à la fois peut passer. Les prix sont bas et les aliments de qualité. Un homme essaiera quand même de donner un bébé à Anaëlle et Jade.
Nous en profitons pour laver tout notre linge et faire les pleins d’eau. Un robinet est installé sur un ponton en béton crasseux qui a un débit si faible qu’il nous faut ½ heure pour remplir un bidon de 10 litres… La manœuvre est difficile car les bateaux de Whale Watching poussent leurs moteurs à fond et déstabilisent  l’annexe.
Finalement, nous avons le permis (merci Christophe et el Ministro de Medio Ambiente y Recursos Naturales, Dr Bautista Rojas Gómez) et pouvons partir pour le banc d’argent. Une dernière glace et nous levons l’ancre. Les baleines nous accompagnent pour sortir de la baie. Nous avons 110 milles à faire pour atteindre notre mouillage. Le vent fait des siennes ; au début il n’y en a pas, et à la fin, on a 25 nœuds dans le nez. Nous tirons des bords et avançons à 1 nœud dans la bonne direction. Il nous faudra allumer les moteurs pour arriver avant la nuit. De temps en temps, nous apercevons au loin une caudale ou une pectorale qui claque. Ça réchauffe nos cœurs refroidis par les embruns à l’idée que bientôt nous pourrons nager avec les baleines.
Vers 17 heures enfin, nous nous amarrons aux bouées des charters qui ne sont pas là. Le mouillage est dépaysant par l’absence de paysage : pas de terre en vue, seul le vaste océan s’étant sous nos yeux. Et l’épave du Polyxéni, un vraquier échoué depuis plus de 30 ans, comme seul repère. Ce soir, ce sera une nuit paisible, sans quarts avec le vent qui rugit au dessus de nos têtes.
Le lendemain, Christophe et Tit vont installer le mouillage. Ils partent en apnée enrouler une chaîne autour d’une patate de corail qui est reliée à la patte d’oie, elle-même reliée à trois bouées pour faciliter sa prise. On libère donc le mouillage pour aller chez nous. Pendant l’après midi, certains vont explorer les patates de corail, les tunnels, l’épave ou voir des petits poissons pendant que d’autres passent en contrat. Il n’y a plus de gros poissons car les pêcheurs que nous croisons les ont tous chassés.

Pendant les 4 jours qui suivent, nous quittons le mouillage à la recherche des baleines pour essayer de nager avec elles. Pour sortir de la zone des patates de corail, il faut une personne sur chaque étrave plus une sur l’échelle de mât qui indique les têtes de corail et les baleines, une personne qui règle la voile d’avant (nous n’utilisons pas la GV pour ne aller trop vite), un barreur et 3-4 plongeurs à l’arrière prêts à sauter en cas de mégaptère à côté du bateau, dont 2 aux ailes qui surveillent les profondeurs. Les ailes sont des planches en bois reliées au bateau en forme de queue de baleine qui nous permettent de monter et descendre à volonté.
Chaque jour, nous avons pu faire au moins une rencontre plus ou moins longue. Mais il y a eu 4 super rencontres où les baleines se sont intéressées soit à nous soit au bateau et sont restées plus de quelques secondes. Quand elles nous regardaient avec leurs gros yeux, on avait l’impression qu’elles nous scannaient de l’intérieur. Ces rencontres avec ces mammifères de 15 m et 60 tonnes sont indescriptibles.
De temps en temps, lors de la pause déjeuner, nous plongions pour écouter leurs chants qui peuvent se propager à 20 milles, soit environ 35 km. On pourrait comparer ces chants incomparables à ceux des violons et des contrebasses.

Mais le vent se lève et nous devons passer la fin de l’escale au mouillage. Ici, les journées sont moins mouvementées, le matin travail de tête et l’après midi baignade, après le goûter, Elodie organise souvent un jeu, Pictionary, mimes etc…Un jour même, Elo et Kaïs ont organisé une chasse au trésor dans les patates et nous ont épuisés.
Mais un jour le vent a été plus clément et nous avons pu sortir faire un tour. Pour notre bonheur, c’était le bon moment car Hélène, Elodie, Phil et Jade ont fait une rencontre de plus d’une heure avec 3 baleines adultes. Sous l’eau, l’expérience était magique, mais à la surface le spectacle était tout aussi beau. Les baleines tapaient de la caudale ou de la pectorale, sautaient, ou venaient tout simplement respirer à quelques mètres du bateau. Ce fut notre dernière rencontre pour ce premier séjour. Tout le monde en est enchanté. Nous devons rentrer à Samana pour faire le plein et changer de capitaine. C’est avec Michel que nous continuons et finissons l’aventure.

Un témoignage de chacun sur le premier séjour avec les baleines :
-       Elodie : Nous avons déjà fait de belles rencontres sur le peu de jours où nous avons pu naviguer sur le banc. Moi j’ai surtout une image qui me reste en tête, c’est la baleine qui me regarde, se met à tourner sur le côté sur elle-même, tout doucement et se remet dans sa position initiale sans me quitter des yeux. Ça donne envie d’y revenir, de continuer et de se marrer.
-       Christophe : Heu… il y avait beaucoup de vent mais c’était beau. (Jade : tu ne peux pas rajouter autre chose ?) Heu… Les baleines c’est gros !
-       Moussa : Je ne m’attendais pas du tout à ça. C’est encore plus génial que ce que je pensais. Voir un gros œil de baleine qui vous regarde et être à même pas 10m d’une grosse bestiole, ça fait bizarre. Je suis un peu dégouté de ne pas être chez moi pour mon anniversaire, mais je suis content de le faire avec les baleines et ma 2eme famille.

-       Kaïs : Trop court. Génial, extraordinaire ! Des rencontres fantastiques, un bon avant goût de ce qu’on va voir pendant le séjour aux baleines.
-       Hélène : C’était bien un peu et donc voilà… J’ai trouvé ça super, même si il y avait beaucoup de vent et qu’on n’a pas pu aller aux baleines aussi souvent qu’on le voulait. C’est bizarre d’être mouillés au large, tous seuls parce qu’on fait abstraction des bateaux de charter et on est resté tellement longtemps qu’on s’est approprié le lieu. Ce que j’ai ressenti lors des rencontres avec les baleines, je ne vous le dirai pas, c’est à moi. Vous n’aviez qu’à être là… ou pas. C’est aussi bien.
-       Dayan : Ch’é pas, j’m’en fous (Philémon l’a interrogé pendant qu’il n’arrivait pas à comprendre sa leçon de SVT…). 1 jour, 2 jours, 15 jours avec les baleines… C’est passé tellement vite. Les rencontres qu’on a fait, les multiples caudales, pectorales qu’on a vues et le plus fort dans tout ça, c’est lorsque la baleine t’observe. Tu as envie de lui parler et tu penses que c’est réciproque mais c’est quand même un moment très fort et difficile à décrire. J’ai hâte de retourner sur le banc ; j’espère qu’il y aura moins de vent la prochaine fois. Mais les jours où il y avait trop de vent nous ont permis de connaître chaque patate de corail autour de nous. C’était déjà une super expérience avec les baleines.
-       Thierry : Pour un premier séjour aux baleines, c’était bien. C’est toujours aussi beau le banc d’argent. Peut-être la faute à trop de vent, mais avec la baleine c’est des fois oui et des fanons ! Et même si je n’ai pu y rester que 15 jours, je me console en me disant que cétacé !!
-       Anaëlle : C’est obligé maintenant ? faut que je papote là ! Bon ok… Je n’en espérais pas plus, j’ai eu la chance de faire plusieurs belles rencontres. Bien que nous soyons restés beaucoup au mouillage, ça ne nous a pas empêchés de bien nous amuser. On n’hésite pas à sauter dès 7 heures du matin à l’eau pour essayer d’intercepter une baleine. J’ai hâte d’y retourner.

-       Philémon : c’était trop bien, seul truc pour lequel je suis déçu, c’est qu’on a passé trop de temps au mouillage. Mais toutes ces rencontres, ces baleines qui vous regardent ou qui vous tournent autour, c’était juste génial. Nager avec un mammifère de 15m et 60tonnes, surtout si c’est une baleine, c’est pas donné à tout le monde. Et je suis vraiment content d’avoir pu vivre cette expérience. Vivement la prochaine fois !
-       Jade : Se retrouver au milieu de rien, l’océan c’est tout, c’est pas commun. En plus, des baleines qui nous tournent autour, c’est magique. Un autre monde, quelque chose à part, coupé de la réalité. Et je remercie ceux qui ont fait que cette escale soit possible.
Jade et Philémon